L’Allemagne contre-attaque : Merkel parviendra-t-elle à convaincre Monti d’isoler la France pour imposer la rigueur à l’Europe ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Angela Merkel rencontre Mario Monti à Berlin ce mercredi. Au programme : la crise de la dette.
Angela Merkel rencontre Mario Monti à Berlin ce mercredi. Au programme : la crise de la dette.
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Liaisons dangereuses

Angela Merkel rencontre ce mercredi Mario Monti à Berlin pour parler de la crise de la dette. Si l'Italie éprouve des difficultés à assainir ses comptes publics, elle a mis en place de nombreuses réformes structurelles qui contrastent avec la présidence Hollande.

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Tout d’abord, il ne faut pas être effrayé par l’idée de concurrence. L’Europe se situait à son zénith lorsqu’elle ressemblait à un magma de puissances contrastées. Le duopole franco-allemand correspond plutôt à un effacement progressif de l’esprit critique et créatif, et comme le notait l’économiste Harry Johnson il y a longtemps « la collaboration n’est pas bonne en soi, les membres de la mafia collaborent bien entre eux ».

Pour ne prendre qu’un seul exemple, c’est le cartel franco-allemand des déficits élevés qui a autorisé, en 2003, les premiers viols systématiques du Pacte de stabilité (cet exemple n’entretient certes aucun rapport avec la crise monétaire actuelle qui n’est en rien budgétaire à l’origine, mais il faut bien le rappeler à ceux qui font de l’Allemagne un modèle d’orthodoxie permanente).

Ensuite, si Merkel cherche à s’allier avec l’Italie de Mario Monti contre la France, elle a intérêt à se dépêcher. Les élections générales doivent avoir lieu avant avril 2013 dernier délai (6 mois avant les Allemands). Monti est un bureaucrate de centre-gauche qui représente le fantasme absolu de tous les petits fédéralistes boyscoutistes européens car il n’a jamais été élu à quoi que ce soit (le genre Delors) et il est arrivé là par un coup d’Etat franco-allemand organisé par la BCE et la Commission en septembre 2011.

Que cela n’ai choqué à peu près personne à l’époque en dehors de la péninsule en dit déjà très long sur l’état de délabrement intellectuel et moral du vieux continent, mais passons. Au même moment, les mêmes réussissaient un autre coup d’Etat en Grèce pour virer l’élu Papandreou et imposer un satrape de la BCE, Papademos (celui-là même qui avait été le faussaire en chef des comptes publics grecs neuf ans plus tôt). Mettez-vous maintenant à la place d’un électeur de centre-droit (majoritaire, très probablement) en Italie. On vous a dépossédé du pouvoir. Le pays est en crise (grave). Vous êtes énervé. Pour qui allez-vous voter dans quelques mois ? Pour Berlusconi ou un de ses amis du PDL (Il Popolo della Libertà, Le Peuple de la liberté, le parti politique fondé par Silvio Berlusconi, ndlr), bien entendu.

D’autant qu’en face il n’y a pas grand-chose. Or, la plateforme du PLD s’est déplacée depuis quelques mois, et cela devrait s’accentuer à l’approche des élections : dans un sens assez peu « euro-cratie compatible », pour tout dire. Comme le note avec malice François Gave dans une note récente, nous sommes en présence d’un risque inédit, historique : pour la première fois un grand parti de gouvernement d’un grand pays de la zone euro pourrait adopter un programme hostile à la nomenklatura franco-allemande et aux apparatchiks de la BCE.

Après tout, le PLD est guidé par les milieux industriels du Nord du pays, des gens sérieux qui sont très impactés par l’euro surévalué et par les taux d’intérêt démentiels (rappelons que l’Italie a sacrifié ses possibilités traditionnelles de dévaluation afin de bénéficier de taux allemands, pour eux c’est ça le deal de l’euro, du moins d’un point de vue strictement économique : avec un spread de 4% et toujours pas de dévaluation, l’arnaque commence à devenir un peu voyante).

Soyons cyniques, pour une fois. A court terme, cette menace de come-back du cavaliere renforce plutôt Monti dans ses négociations avec Angela et avec la BCE (pour citer François Gave : In essence, Monti can now say “deal with me today, or deal with Silvio tomorrow!”). Angela et Mario Draghi détestent tant Silvio qu’ils pourraient accepter plus de concessions (un QE ?) et surtout plus vite. Aidons-les un peu, amis lecteurs. Le graphique ci-dessous montre que les dépenses publiques évoluent beaucoup moins vite en Italie qu’en Allemagne ou ailleurs depuis 7 ans.

J’aurais pu vous montrer aussi que l’Italie a généré 18 fois un excédent budgétaire primaire au cours des 19 dernières années, ou vous signaler qu’il est plus méritoire d’être vertueux avec des taux à 6% qu’avec des taux à 1%. Bref : Monti et Angela ont intérêt à s’entendre rapidement, car si Silvio ou un de ses lieutenants reviennent au pouvoir et s’ils sont des lecteurs d’Atlantico et de ce genre de graphique… ça va chauffer en Europe !

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