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Renault brade ses actifs en Russie : très mauvaise nouvelle pour la Chine
©KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP

Retraite de Russie

Alors que l'annonce était pressentie depuis déjà plusieurs semaines, le constructeur automobile français a décidé de céder toutes ses participations en Russie. Un retrait scruté de près par Pékin, alors que les Occidentaux pourraient revoir leurs relations commerciales et industrielles avec la Chine

Sébastien Laye

Sébastien Laye

Sebastien Laye est chef d'entreprise et économiste (Fondation Concorde).

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Atlantico : Renault a annoncé vendre ses actifs russes pour un rouble symbolique. Est-ce le signe que les grandes entreprises sont prêtes à se retirer en cas d'insécurité juridique ou géopolitique ? Quel signal cela envoie-t-il aux investisseurs ?

Sébastien Laye : La marque Renault cesse d'exister en Russie, mais certains de ses SUVs continueront à y etre vendus sous la marque Lada. La question centrale est celle de la pérennité de ses usines en Russie: la fourniture de pièces détachés, produits sous embargo, sera problématique. Par ailleurs, une cinquantaine de cadres expatriés quittent immédiatement le territoire: c'est donc l'existence de la compagnie en Russie qui est en péril. Le deal pour un rouble symbolique se comprend: il y a un doute sur la qualité et le futur de ce que les acheteurs reprennent. Par ailleurs, la transaction ne se fait pas avec une société russe mais avec la Fédération de Russie et le gouvernement directement. Il leur reviendra d'imaginer un futur industriel à cet appareil de production. Par ailleurs, Renault a encore un espoir ténu de revenir en Russie via une option de rachat de ses parts dans Avtovaz (Lada). L'usine près de Moscou produisant Nissan et Renault a elle été fermée.
Renault fait ici l'expérience du revers de la médaille de la mondialisation: on peut certes produire et vendre de partout sur le globe, mais les grandes entreprises ont trop vite oublié le risque géopolitique et systémique. Je suis frappé lors de certaines interventions en entreprise, de l'oubli des risques économiques systémiques et géopolitiques chez nos dirigeants. Or, celà fait de nombreuses années que Poutine déploie un agenda d'impérialisme revanchard qui aurait du nous conduire à limiter nos investissements directs en Russie. La soif du profit explique peut etre cette inconscience des marques. Quand on est une entreprise internationale et cotée en Bourse, on ne peut éviter les normes ESG et la pression des grands actionnaires: celle ci ne joue pas qu'en faveur de l'optimisation des profits, mais aussi sur le respect de certaines règles (environnement, éthique, argent sale): la Russie n"était pas un modèle en la matière, meme avant la guerre...

Avec son régime politique et ses ambitions affichées, la Chine pourrait-elle faire les frais d'une telle affaire ?

C'est déjà le cas et en cas de conflit sur Taiwan, le sujet serait plus problématique et systémique que dans le cas russe. La rivalité sino-américaine pousse déjà, depuis le mandat Trump et l'influence d'un Peter Navarro à l'époque par exemple, à reconsidérer les chaines de production et d'approvisionnement. Les Américains sont très sensibles à l'attitude des Européens en la matière, meme si une part d'hypocrisie est indéniable, les acteurs de Wall Street lorgnant encore il y a peu sur le marché chinois. Mais à l'aune de la guerre en Ukraine, tout celà est en train de changer. Les acteurs occidentaux, dont la propriété intellectuelle a été pillée par les Chinois, prennent la mesure du nouveau risque géopolitique et du durcissement du régime de Xi. De partenaire, la Chine depuis 2012 est devenue un rival et désormais un ennemi. Par ailleurs, les critiques de la mondialisation et de la désindustrialisation poussent également à revoir nos investissements directs en Chine, par ailleurs faibles par rapport à la balance commerciale chinoise excédentaire. Autant le calcul économique que les revendications politiques doivent nous amener à revoir nos relations commerciales et industrielles avec la Chine.

Est-il possible que les investisseurs réfléchissent à deux fois avant de s'installer sur le marché chinois à l'avenir ? 

Oui, la taille gigantesque de ce marché ne contrebalance pas son opacité et le risque géopolitque. Xi, en s'en prenant aux géants de la technologie chinoise comme Jack Ma, a montré que la période de capitalisme à l'occidental en Chine prenait fin. Il n'y a plus de règles en Chine si ce n'est la soumission au régime central, ce qui est un cadre inacceptable pour les multinationales occidentales. La France a longtemps été trop faible en la matière mais elle doit reprendre le controle de sa propriété intellectuelle et de son industrie de pointe, sans attendre une éventuelle déflagration militaire en Pacifique. Etre pro-actif ici sera la clef, plutot que d'attendre un conflit qui existe déjà sous forme de guerre froide...

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