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Réforme de l’assurance chômage : Emmanuel Macron prend le risque de tirer une balle dans le pied de ses électeurs
©Benjamin CREMEL / AFP

Economies

Le président de la République s'était engagé durant sa campagne à réformer l'assurance chômage avec pour objectif de rendre la couverture universelle et faire quelques économies au passage.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Les négociations relatives à la volonté de l’exécutif de faire des économies concernant l'assurance chômage (entre 3 et 3.9 milliards d'économie sur 3 ans) débutaient ce vendredi 9 novembre, entre syndicats et patronat. Que peut-on attendre de l'issue de ces négociations ? 

Philippe Crevel : Le Président de la république s’est engagé durant la campagne électorale à réformer l’assurance chômage avec comme objectif de rendre cette couverture universelle. Les indépendants et les démissionnaires sont censés entrer dans le champ de la future assurance chômage. Le Gouvernement a par ailleurs décidé le financement de l’assurance chômage par l’impôt en lieu et place des cotisations sociales. Dans ce contexte et pour financer sa réforme, les pouvoirs publics ont demandé aux partenaires sociaux de trouver près de 4 milliards d’économie sur 3 ans. Pour la première journée de la négociation qui doit se terminer en janvier, les syndicats ont fixé les limites à ne pas dépasser. Ils refusent ainsi d’ouvrir la question de la dégressivité des allocations et le dossier sensible des intermittents. Pour indiquer son hostilité, la CGT, de manière symbolique a déchiré la lettre de cadrage gouvernementale. La CFDT vent avancer sur la législation des contrats courts. Il est à souligner que Force Ouvrière est handicapée par la vacance du poste de secrétaire général.

Le MEDEF souhaite un accord pour diminuer le coût de l’assurance chômage quand la CPME demande à ce que ne soit pas institué de bonus/malus pour les entreprises qui licencient ou qui recourent à des contrats courts.

En début de discussion, il est assez logique que les positions ne soient pas conciliables. Les partenaires sociaux sont gênés par l’épée de Damoclès qui pèse sur eux avec la possibilité pour l’Etat de reprendre la main en cas d’échec de la négociation. Le système d’assurance chômage qui était jusqu’à maintenant paritaire est en train d’être étatisé. La capacité des partenaires sociaux a résisté à cette évolution est un des enjeux de cette négociation.

L'approche "budgétaire" dénoncée par les syndicats (plaçant le besoin de réaliser des économies comme objectif prioritaire) est-il adapté aux enjeux ?Quelle serait l'approche la plus satisfaisante en la matière, notamment pour obtenir de bons résultats en termes de coûts ?

D’un côté, le gouvernement veut rendre universel l’assurance chômage, de l’autre il veut en diminuer le coût. La conséquence est la transformation de notre système assurantiel en système d’assistance. Les allocations risquent d’être à terme réduites et déconnectées des revenus des bénéficiaires. L’idée que pour les cadres, les allocations soient dégressives ou qu’elles soient plafonnées à un niveau inférieur à celui actuellement en vigueur est avancée. Avec la fiscalisation, l’assurance chômage est devenue beveridgienne et a perdu son caractère bismarckien. Ainsi, de manière implicite, le concept de revenu minimal de subsistance prend la forme. Pour obtenir un niveau de couverture, il faudra passer par des assurances complémentaires chômage gérées soit au niveau des entreprises, soit à titre individuel.

Une décrue des dépenses chômage soit s’accompagner d’un effort en matière de formation, d’encadrement des demandeurs d’emploi. Il faudrait sans nul doute être plus exigeant sur les règles d’attribution des allocations.

Dans le cas ou syndicats et patronat ne parvenaient à s'entendre sur le sujet, quels seraient les arbitrages à attendre de la part du gouvernement ? Quelles sont ses intentions ? 

La tentation de prise en main de l’ensemble de la protection sociale par l’Etat est forte. Les budgets sociaux bien plus élevés que celui de l’Etat sont dans la ligne de mire de ce dernier. Or, ces quarante dernières années, les comptes de l’Etat ont été bien plus dégradés que ceux de la sécurité sociale au sens large du terme. La création d’un régime national du chômage, l’instauration de Retraite de France en lieu et place de nos actuels régimes de retraite, la nationalisation du système de santé témoignent d’une véritable volonté de l’administration de restructurer la protection sociale avec à la clef, plus d’assistance et moins d’assurance. Toute la population sera couverte mais le filet de protection sera plus faible. Les classes moyennes, les cadres, les cadres supérieurs seront les perdants. Or, ce sont les électeurs d’Emmanuel Macron. Ce dernier prend le risque de se couper de sa base en remettant un des éléments clefs du pacte social. Les classes moyennes (supérieures) finançaient plus qu’elles recevaient mais profitaient d’un bon niveau de couverture en matière de santé, de retraite et de chômage. Or, la généralisation des contrats responsables, la baisse du taux de remplacement pour les retraites (en particulier pour les cadres) et la transformation possible de l’assurance chômage changent la donne. Cette partie des classes moyennes paie toujours un montant élevé d’impôt mais constate la baisse du retour sur investissement. 

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