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Les expressions les plus utilisées de l'argot des cités sont celles qui permettent de se saluer.
Les expressions les plus utilisées de l'argot des cités sont celles qui permettent de se saluer.
©Reuters

Wesh-wesh

L'argot et le verlan sont loin derrière nous, alors pour mieux comprendre le langage des cités, voici le petit livre de la tchatche qui décode ces expressions argotiques.

Vincent Mongaillard

Vincent Mongaillard

Vincent Mongaillard est reporter au Parisien, spécialiste de la banlieue. Il est l'auteur du " petit livre de la tchatche", décodeur de l'argot des cités. 

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Atlantico : Vous publiez aujourd'hui le "petit livre de la tchatche - petit décodeur de l'argot des cités".  Quelles sont les principales expressions utilisées en banlieue et leurs significations ?  A contrario quelles sont celles qui sont inconnues du grand public ?

Vincent Mongaillard : Les expressions les plus utilisées sont celles qui permettent de se saluer, de se dire bonjour. Il existe une vingtaine de déclinaisons de l’expression « wesh » qui signifie "quoi" en dialecte algérien, on l’utilise pour demander comment vas-tu ? Les jeunes des cités ont personnalisés cette interjection : « wesh, ma caille », « wesh bien ou quoi », « wesh kardesh » (qui signifie frère en turc), « wesh timal » (frère en créole)…  Certaines expressions vont jouer sur la rime « wesh canne à pêche ». Ce mot « wesh » a donné son nom à la génération « wesh-wesh ».

Ensuite, parmi les plus usitées actuellement  on trouve « au calme » ou « à la bien ». En cette période de crise, les jeunes ont des interjections liées à l’argent très en vogue en ce moment : « Lovés », « la maille », «  le biff »… Les cités s’imprègnent également d’argots venus de l’étranger, le noushi est un dialecte utilisé en Côte d’ivoire, les jeunes lui ont emprunté le terme "'s'enjailler" qui traduit le fait de prendre du bon temps.

Parmi les expressions moins connues du public : "Avoir le Tchernobyl" : être fatigué, "Gros fer" : grosse voiture, "une crasseuse" : une fille de mauvaise réputation, un "schlag" : synonyme de bouffon, le "rainté" : verlant de terrain de la cité.

Où ce langage puise-t-il ses influences ?

Il y a de multiples influences, à l’image de la diversité que l’on peut recenser dans les quartiers. Evidemment, il y a les rappeurs qui sont prescripteurs et qui permettent à l’argot des cités de traverser le périphérique, comme Booba ou la Fouine. Mais aussi l’influence du Verlan, dont une partie est entré dans le langage plus courant.  

Le langage de la cité est également emprunté du langage de la culture des parents avec des mots venus du Maghreb comme «  avoir le seum » qui vient de l’arabe venin, ou des mots d’Afrique noire comme une « go » pour désigner une fille qui vient du bambara. Certaines expressions viennent de la culture américaine comme le « swag », « biatch », «  bro » pour brother qui ont été véhiculé par des rappeurs comme Jay-Z ou Kanye West. Les jeunes détournent également des mots du vieil argot comme «  Daron » qui est utilisé depuis des siècles, mais aussi « blaze » pour dire mon nom, "condé"  déjà utilisé au XIXème siècle pour désigner les commissaires de police. Et enfin les influences Tsigane, surtout les mots finissant en ave.

Qui utilise ce langage ? Est-ce forcément réservé aux jeunes des banlieues ?

Tous les jeunes des quartiers n’utilisent pas forcément l’argot mais la plupart le connaissent. Il y a deux façon d’aborder la tchatche des cités : soit on n’utilise que ce langage, dans ce cas c’est dangereux car cela traduit un repli sur soi et le jeune qui ne maîtrise que ce langage va avoir des difficultés dans son insertion dans la société. L’autre profil est celui qui maîtrise la langue française et qui voit le langage des cités comme une spécificité du quartier. L’argot des cités peut être aussi un marquage social. Après, il n’existe pas vraiment de profil type, c’est évidemment un langage jeune. A la base c’est un code pour ne pas se faire comprendre soit des policiers, des parents, de la cité d’en face… Ceux qui créer le plus dans ce langage ce sont les collégiens.

Cette façon de parler a-t-elle une influence sur la langue française ? Si oui, laquelle ?

On parle l’argot des cités depuis les années 70, aujourd'hui c'est une source d’influence et d’enrichissement de la langue française. C’est la face lumineuse des quartiers populaires. Régulièrement des mots argotiques sont ajoutés dans le dictionnaire comme : keuf, beur, reup... C’est grâce à l’argot des cités  que la langue française peut être qualifiée de langue bien vivante. Avec le temps, les mots des quartiers vont sortir des cités et terminer dans les mots du grand public.

Propos recueillis par Manon Hombourger

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