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Quitte à se payer une nouvelle guerre, l’UMP est-elle capable d’en faire cette fois-ci une bataille d’idées ?
©Charles Platiau / Reuters

C'est la lutte

Le bureau politique de l'UMP du 27 mai qui a vu la démission de Jean-François Copé de la présidence a été particulièrement houleux. D'ici le prochain Congrès du parti prévu en octobre, cette bataille de personnes pourrait toutefois aussi devenir une bataille d'idées salutaire pour la droite. A condition, notamment, que le vote des motions ait lieu comme lors du dernier Congrès, en novembre 2012.

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy est rédacteur en chef Politique et Économie chez Paris Match. Spécialiste de la droite, il est notamment le co-auteur du livre Le Coup monté, avec Carole Barjon.

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Atlantico : Depuis le précédent vote interne, l'UMP est engluée dans une bataille de personnes. Le congrès annoncé pour octobre pourrait être l'occasion d'enfin s'affronter sur les idées. Cela en prend-il le chemin ?

Bruno Jeudy : Je ne suis pas certain que ce Congrès permette une clarification de la ligne politique de l’UMP car depuis sa création en 2002 plusieurs lignes politiques cohabitent. C’est même l’essence de l’UMP qui rassemble des libéraux, des centristes, des gaullistes, voire des souverainistes. L’UMP est un parti de rassemblement et de synthèse et il y a toujours eu plusieurs lignes. Le parti n’a pas débattu sur les questions principales car il a gouverné pendant dix ans et ce dès sa création. Il n’est dans l’opposition que depuis 2012 et on sait que les partis refondent leur corpus idéologique uniquement quand ils sont dans l’opposition. Il faut se demander si ce sera un Congrès de remplacement de la présidence sortante sans débat sur les motions, ce qui est possible, ou s’il y aura une bataille entre les motions. 

A quelles conditions la bataille des idées pourrait-elle reprendre ses droits ? 

Depuis que l'UMP est dans l’opposition on voit les fractures réapparaître notamment sur l’Europe et sur l’économie entre ceux qui défendent une ligne plus étatiste et les libéraux, ou encore sur le plan sociétal. Avant 1997 l’UDF rassemblait des libéraux et des centristes. Du côté du RPR, il y a eu certains vrais débats notamment sur Maastricht qui a été le dernier grand débat qui a animé la famille gaulliste. Par la suite la question du PACS a agité le RPR même si le parti était majoritairement sur la même ligne. 

Le vrai problème de l’UMP, c’est le manque de leadership. Les militants attendent le retour de Nicolas Sarkozy depuis la défaite de 2012, ils sont orphelins d’un chef. Ils ne se remettent pas de la crise de 2012 et cela a gelé les débats. Les conventions organisées sous Jean-François Copé étaient en trompe-l’œil et il n’y avait pas réellement de débat. Ce qui arrive à l’UMP est aussi le cas pour beaucoup de partis. Ils ont externalisé le débat d’idées vers les think-tanks. La droite ne fait pas le travail intellectuel qu’elle devrait faire pour se préparer à l’alternance et se reconstruire et c’est préoccupant pour elle. Il n’y que la Boite à idées qui essaye de se bouger un peu.

Quelles sont aujourd'hui les différentes lignes en présence et quelle est la position de ceux qui les incarnent ?

La grille de lecture ne correspond pas toujours à celle des chefs. On le constate par exemple avec Alain Juppé, qui s'est recentré depuis son retour politique et qui est moins gaulliste. Il serait plutôt de centre-droit aujourd'hui. Il est beaucoup plus centriste que François Fillon qui est plus à droite, notamment sur l’immigration, et qui favorable à l’abolition des 35 heures, sur une ligne libérale. On a toujours une famille libérale qui est désormais beaucoup plus centriste que libérale sous l’influence de Jean-Pierre Raffarin. Une personnalité comme Hervé Novelli représente les vrais libéraux. Laurent Wauquiez est quant à lui entré en politique par le centre mais il s’est beaucoup droitisé en adoptant une position eurosceptique. Il est assez radical, contre l’assistanat au niveau des questions sociales et il se rapprocherait de la Droite forte désormais. C’est un conservateur assez classique mais c'est l’un des quadras qui renouvellent bien le débat d’idées à droite. Xavier Bertrand est traditionnellement sur une ligne eurosceptique, il a un positionnement de gaulliste populaire voire de gaulliste social. Le positionnement de Bruno Le Maire est intéressant, il se rapproche de la ligne défendue naguère par Jacques Chirac, c’est un gaulliste européen et il se rapproche de la ligne d’Alain Juppé. En ce qui concerne les gaullistes, ou du moins ce qu’il en reste à l’UMP, Henri Guaino est la figure de proue il est sur des positions souverainistes. Il est conservateur sur le domaine sociétal, en pointe contre le mariage pour tous et étatiste économiquement. Quant à Nicolas Sarkozy, il s’est fait élire en 2007 sur une ligné libérale puis il a gouverné avec un centralisme et un dirigisme assez classique. S’il revient en politique il tentera de faire de l’UMP un parti de synthèse. Il faut être capable de la faire pour réussir à s’imposer. A l'UMP, la synthèse ne se fait que par le chef.

Si vote sur les motions il devait y avoir, quelle hiérarchie pourrait en découler ? Serait-elle fondamentalement différente de celle de novembre 2012 ?

En 2012, la Droite forte avait fait un marketing génial en se positionnant derrière la figure de Nicolas Sarkozy. Ce n’est pas sûr qu’ils soient capables de le refaire. Je pense que plusieurs motions revendiqueront une forme de sarkozysme comme celle que vient de déposer Gérald  Darmanin sur le « renouveau ». La motion des Humanistes est forte chez les élus mais moins chez les militants. Elle peut être plus haute cette fois. Pour la Droite sociale de Laurent Wauquiez c’est compliqué. C’est une personnalité controversée et il a perdu des troupes. Il bénéficiait de l’élan de François Fillon la dernière fois. Il faut aussi voir ce que fera Alain Juppé qui avait soutenu la Boite à idées en 2012. Il y a deux ans, les leaders du parti ne s'étaient pas souciés des motions mais cette-fois ça peut changer.

Qui a intérêt à ce qu'il n'y ait pas de débat idéologique au parti ? Pour quelles raisons ? 

Nicolas Sarkozy et ses amis ont fait en sorte qu’il n’y ait pas d’inventaire du quinquennat, ils n’ont pas intérêt à ce que le parti discute de la ligne et s’il revient il sera la ligne à lui tout seul. Son ambition est de récupérer l’UMP pour ensuite éventuellement changer le nom et l’approche politique du parti. En revanche, Alain Juppé et François Fillon sont favorables à une primaire donc ils ont intérêt au débat de même que les quadras comme Bruno Le Maire, Xavier Bertrand et Laurent Wauquiez.

Propos recueillis par Julien Chabrout

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