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Qui va disparaître ? Les fabricants ? Les distributeurs ? Et Amazon dans tout cela ? Le nouveau combat pour la survie a commencé
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Les entrepreneurs parlent aux Français

Les cartes sont donc rebattues. Totalement.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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La province est riche d’une vie plus calme, d’un air plus pur et d’un stress moins rude. La province est riche d’un bon sens profond, que les Parisiens ont remplacé, masquant l’absence de réflexion sur le sens par des mots et des gargarismes abondamment médiatisés.

La province, prononcez « Région » pour ne pas paraître arrogant, reste le fournisseur officiel de 2/3 du PIB français, n’en déplaise aux Parisiens autocentrés qui pensent que rien ne franchit les frontières du périphérique. Un peu comme Anne Hidalgo qui pense que l’absence de voiture sur les quais, les fait échapper à la pollution qui règne 4 mètres au-dessus.

Bien plus encore, les entrepreneurs qui ont la chance de partager leur vie entre Paris et la Province, finissent par prendre et garder, capitaliser et s’enrichir, du meilleur des 2 mondes. C’est ainsi que les meilleurs dirigeants du CAC que nous possédons, sont souvent plus éclairés quand ils prennent la distance nécessaire avec Paris. C’est le cas de Jean-Dominique Sénard, dirigeant de Michelin, dont la sagesse doit certainement beaucoup au fait de connaître aussi bien la France de Clermont-Ferrand que celle des salons Parisiens. Ou à celui de Schneider qui a compris que le monde se déplaçait vers l’Asie et a décidé de s’y installer. La distance améliore la vue. La diversité alimente l’intelligence.

C’est pourquoi je fais suite à mon article de la semaine passé sur l’industrie du futur. Basé sur mes visites en entreprises, industrielles, et notamment sur la plus récente, à Laval chez Gys, ce magnifique exemple de réussite made in France. Au delà de mes réflexions sur l’emploi dans l’industrie du futur, voilà quelques autres enseignements tirés de cette dernière visite.

Tout d’abord, le monde de l’industrie s’est associé à un accessoire jusqu’alors obligé. Celui de la distribution. Il est en effet trop complexe pour un industriel, en tous cas jusqu’à maintenant, d’être bon à la fois sur la conception, la recherche et le développement, la production, d’un côté, et la distribution de l’autre. Maintenir le contact avec des millions de clients à travers le monde est complexe, et les distributeurs en ont fait un métier, souvent lucratif, sur lequel nombre de français brillent au niveau mondial. Prenez Sonépar sur l’électrique, et ses 20 milliards de chiffre d’affaire, une de nos trop rares sociétés familiales, au capital intelligent, car patient et éclairé (sans mauvais jeu de mot !).

Le digital rebat totalement les cartes. La mondialisation aussi. Les distributeurs ont dû concentrer un maximum de produits, pour s’imposer comme incontournables et constituer des « one stop shopping » pour leurs clients, qui trouvent ainsi plus simple de tout acheter à un seul guichet. Cette massification entraîne une concentration, et dans le même temps, une perte de connaissance des produits. Trop de produits à connaître. Ils deviennent ainsi omnipotents et en même temps « partiellement incompétents » à donner l’information éclairée dont le client a besoin.

L’informatisation a outrance qu’exige cette massification, entraîne un appauvrissement, parfois, de l’innovation, tant il devient difficile pour un nouvel acteur innovant, de faire son chemin dans les processus d’achat, de référencement, qui conduisent à une sorte de rente pour les référencés actuels et à un chemin de croix pour les nouveaux acteurs.

Ainsi, les distributeurs mondiaux, dont une énorme partie sont Indiens et Chinois, bien entendu, perdent en compétences et doivent pour rester légitimes, innover et se transformer. Devenir producteur de services. Ce qui exige une réforme énorme de leur modèle. Ce qui devient d’autant plus nécessaire, que leur pire ennemi rôde et « pille » un peu plus leur territoire chaque jour. Un ennemi nommé « Amazon ». Plus rapide, plus souple, plus moderne, et doté d’une puissance de feu sans égal, doté de systèmes informatiques qui ne sont pas issus des années 70, mais d’algorithmes qui parfois appartiennent déjà au futur ! L’interconnectivité, la fluidité, s’accommodent mal des « patches » réalisés sur des systèmes qui ont été conçus avant l’arrivée d’internet.

Par ailleurs, les producteurs, sont tentés, pour certains (qui le regrettent souvent amèrement ensuite) de passer dans le camp Amazon, jusqu’à ce qu’ils découvrent que la pression sur les prix, la politique des retours de marchandise et les marges arrières exigées, finissent par leur voler leur marge. Et d’autres, qui se disent, que vendre en direct est désormais possible, à l’heure où non seulement ils maîtrisent parfaitement la connaissance de leur produit, et finissent en plus, par stocker à la place de distributeurs qui ne peuvent plus ou ne veulent plus le faire.

Les cartes sont donc rebattues. Totalement. Cette recomposition va être incroyable. Les producteurs vont devoir faire un choix de distribution. Les distributeurs vont devoir faire un choix de modèle économique. Et l’ombre de Amazon, mais aussi, et peut être surtout, des Chinois et des Indiens, planent sur le commerce mondial, plus que jamais.

Bienvenue dans une industrie du futur, dont le principal sujet n’est pas seulement la place de l’emploi ou la robotisation, mais le changement de modèle économique, de distribution, de service. Un monde un peu abattu par des cartes rebattues. Un monde d’espionnage aussi, qui pousse les acteurs innovants à ne plus déposer leurs brevets au risque de se faire piller l’idée et le mécanisme.

Mais l’industrie ne passionne pas les foules, et pourtant, les sujets du digital, du big data, de l’intelligence artificielle, s’y bousculent autant qu’ailleurs. A force de présenter le sujet comme celui de la réindustrialisation de la France, qui est totalement hors-sujet dans où le service l’emporte. En revanche, ne pas savoir se doter d’une industrie transformée par l’usage et le service est une folie furieuse. Ne pas savoir accompagner cette mutation pour qu’elle se situe chez nous en France, en Europe, avant qu’il ne soit trop tard, démontre une mauvaise compréhension et une « amnésie préventive », que seule l’ignorance de nombre de médias et l’incompréhension de nos politiques, expliquent.

La France a une carte folle à jouer, il suffit de mettre en lumière les bons acteurs et les bons sujets. La communication est parfois la clé du succès d’une industrie pourtant technique ou complexe.

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