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Qui sont les vrais responsables de la hausse des tarifs des mutuelles ?
©Reuters

Chercher le coupable

Nouvelle hausse du tarif des mutuelles en 2014 : de 2,5 à 3%. Au delà de la fiscalité, quel est le rôle de l'assurance maladie et des assurés sur ces augmentations de prix ?

Nicole  Delépine

Nicole Delépine

Nicole Delépine ancienne responsable de l'unité de cancérologie pédiatrique de l'hôpital universitaire Raymond Poincaré à Garches( APHP ). Fille de l'un des fondateurs de la Sécurité Sociale, elle a récemment publié La face cachée des médicaments, Le cancer, un fléau qui rapporte et Neuf petits lits sur le trottoir, qui relate la fermeture musclée du dernier service indépendant de cancérologie pédiatrique. Retraitée, elle poursuit son combat pour la liberté de soigner et d’être soigné, le respect du serment d’Hippocrate et du code de Nuremberg en défendant le caractère absolu du consentement éclairé du patient.

Elle publiera le 4 mai 2016  un ouvrage coécrit avec le DR Gérard Delépine chirurgien oncologue et statisticien « Cancer, les bonnes questions à poser à mon médecin » chez Michalon Ed. Egalement publié en 2016, "Soigner ou guérir" paru chez Fauves Editions.

 

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Atlantico : En 2014, les tarifs des mutuelles devraient connaître une augmentation comprise entre 2,5 et 3 %. On accuse souvent les mutuelles de pratiquer des tarifs trop élevés. Quels sont les éléments qui justifient ces augmentations de prix ?

Nicole Delépine : Qu’il s’agisse d’assurances ou de mutuelles l’opacité tarifaire est la règle,  il est extrêmement difficile de savoir quel est le pourcentage de primes reversées aux assurés.

Dans le cas de la sécurité sociale le coût de fonctionnement de l’organisme s’élève à 8 % environ. Dans le cas des mutuelles il dépasse  habituellement les 15 %. Pour les "mutuelles" privées (en réalité des assurances cotées en Bourse), les salaires des cadres dirigeants sont 10 à 15 fois supérieurs à ceux des dirigeants des caisses. Le budget de publicité se compte en millions d’euros et les actionnaires touchent des dividendes. L’Etat prélève également son impôt qui approche les dix pour cent.

Les chiffres plus précis sont difficiles à obtenir d’autant que la ministre de la Santé vient d’autoriser les "mutuelles"   à ne pas publier leurs comptes pendant au moins deux ans supplémentaires en dérogation de toutes les sociétés classiques !

De nombreuses études estiment que prés de la moitié des primes de mutuelles ne correspondent pas à des remboursements aux assurés.

Seul le désir d’améliorer leur bilan et les dividendes des actionnaires justifient leur augmentation  et absolument pas l’intérêt des assurés.

Les taxes et la fiscalité ne sont pas les seuls responsables. En quoi l'assuré participe lui-aussi par son comportement à la hausse des mutuelles ?

La part des hausses liées aux comportements des assurés est en réalité très faible. Elle existe sur les compléments d’honoraires médicaux et des montures de lunettes luxueuses. Cela est en rapport avec une volonté de l’Etat de ne pas réactualiser les honoraires chirurgicaux depuis 30 ans et de ne pas prendre en charge l’optique et l’audition et le dentaire. C’est un choix politique destiné à favoriser l’existence des assurances privées appelées "mutuelles".

L'assurance maladie, en se déchargeant sur les mutuelles, contribue-t-elle aussi aux hausses chroniques du prix de ces dernières ?

En se déchargeant des remboursements sur décision politique ministérielle, l’insuffisance organisée de la Sécurité sociale sert d’alibi à l’existence des mutuelles privées voulues par le lobby des assurances et imposées par les gouvernements successifs.

Le président de la Mutualité française a déclaré mardi 24 septembre dans une interview aux Echos vouloir renforcer les contrats de santé responsables en insistant sur l'idée que tout ne pouvait pas être remboursé systématiquement. Que faut-il comprendre concrètement ?

On tente d’habituer les Français à un système américain d’assurances privées remplaçant la Sécurité sociale solidaire de 1945. Si on laisse se mettre en place ce système, l’accès aux soins dépendra des sommes que vous aurez préalablement consacrées aux "mutuelles" santé.

L’argument classique des assurances privées qui pretendent qu’elles sont moins chères que la Sécurité sociale  est vraie pour un adulte jeune bien portant.
Il correspond en fait à l’abandon des malades à risque : chômeurs, malades chroniques, gens âgés, retraités, enfants jeunes (deux tiers de la population). Les Américains  le savent bien.  Au chômage, même s'ils avaient antérieurement un poste élevé, ils ne peuvent plus se soigner.  Les téléfilms américains regorgent d’exemple de citoyens moyens obligés d’envisager un hold up ou un trafic de drogue pour soigner son enfant malade .

Si on consacrait aux remboursements médicaux vrais (soins) l’essentielle des sommes avalées par le fonctionnement bureaucratique, liberticide de surcroît  du système de santé on pourrait encore longtemps rembourser la grande majorité des frais, si on continue de débourser plus de 12% du PIB pour la santé. Tout est une question de choix politique : on paie la bureaucratie galopante ou les soins médicaux et les prestataires de service.
Il faut redonner la place qu’ils méritent aux vrais médecins de terrain qui sauront choisir avec les patients les priorités. Il faut cesser de stigmatiser les médecins. La gabegie est bureaucratique. On ne pourra pas réformer le système de santé, améliorer les conditions d’hospitalisation, si le ministère continue à traiter les médecins tant hospitaliers que libéraux comme des délinquants.
Pour arriver à imposer les "assurances" privées  à tous (appelées fallacieusement mutuelles) pour faire de la médecine une marchandise comme une autre, le ministère démolit l’image des médecins et désespèrent ceux-ci en leur imposant des conditions de travail indignes. 
Que restera-t-il de notre noble métier après que cette machine à broyer soit passée sur  notre profession ?

Comment davantage responsabiliser l'ensemble des acteurs ?

Pas de responsabilité sans liberté !Il faut redonner la démocratie à la Sécurité sociale et au système de santé, c'est-à-dire aux véritables acteurs médecins et patients en limitant férocement la bureaucratie nuisible et coûteuse.
Les choix des remboursements ne doivent pas être le fait du prince mais bien la conséquence de la discussion démocratique idéalement débarrassée des lobbys.
C’est le peuple qui devrait décider de l’allocation des ressources consacrées à la santé et pouvoir dire s’ils préfèrent mieux voir, mieux entendre et mieux mastiquer grâce aux soins optiques, dentaires et auditifs correctement remboursés plutôt que de consacrer à titre d’exemple deux milliards annuels aux statines, un milliard et demi au dépistage inefficace du cancer du sein et un milliard et demi aux médicaments dits innovants payés par la Sécurité sociale pendant leur période d’essai thérapeutique  transformant les patients en cobayes , etc …
La population devrait également avoir son mot à dire sur l’existence des dix huit agences de santé coûteuses (un milliard et demi de fonctionnement rien que pour les  26 agences régionales de santé par exemple) qui décident de façon autocratique de fermer les hôpitaux ou cliniques, et des choix de santé publique sans avis des personnels de santé, ni des patients .

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