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La Première ministre Elisabeth Borne.
La Première ministre Elisabeth Borne.
©BERTRAND GUAY / AFP

Crise au gouvernement

Lundi, à l'Assemblée nationale, il a manqué neuf voix pour que la motion de censure transpartisane, présentée par le centriste Charles de Courson, fasse tomber le gouvernement.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico : Il a manqué neuf voix pour que la motion de censure transpartisane, présentée par le centriste Charles de Courson, fasse tomber le gouvernement. 19 députés LR sur 61 l’ont votée, alors qu’on s’attendait à une dizaine de députés LR récalcitrants. Comment expliquer qu’un peu moins d’un tiers du groupe a voté cette motion ?

Christophe Boutin : Dès le début du projet loi sur la réforme des retraites, le groupe des Républicains a senti que les choses ne seraient pas faciles. La logique semblait conduire au vote de cette réforme, puisque, comme le rappelait Bruno Retailleau ou d’autres, le passage à 64 ou 65 ans de l’âge de départ à la retraite faisait partie de propositions de loi LR au Sénat et du programme présenté par leur candidate à l’élection présidentielle.

Pour autant, chacun en avait conscience, il s’agissait d’une réforme difficile à faire passer, et les Républicains ont tenté d’apparaître comme ceux qui allaient, sur un certain nombre de points, l’adoucir. Mais certaines de leurs propositions initiales, lors des concertations préalables, ont été directement retenues par Élisabeth Borne dans son projet de loi.

Revenus dans leurs circonscriptions, nombre de parlementaires se sont rendus compte de la fronde qui montait, et c’est sans doute une des explications au fait qu’Aurélien Pradié, par exemple, ait alors cherché à trouver de nouveaux axes, dont celui des « carrières longues », pour que, cette fois, les modifications apportées au texte apparaissent bel et bien comme venant des Républicains, et ainsi pouvoir justifier auprès de leurs électeurs le vote de ce texte modifié.

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Mais lorsque le texte revient devant l’Assemblée nationale, alors que, dans la rue, la mobilisation n’a véritablement baissé, que l’intersyndicale ne s’est pas fracturée, que dans les circonscriptions la tension est devenue de plus en plus palpable – avec même des actes de violence commis contre les permanences de parlementaires favorables à la réforme -, la question s’est posée à certains de ces derniers de savoir quelle était leur allégeance.

C’es toute la question de la légitimité des parlementaires avec notre mode de scrutin, qui voit des élus nationaux, représentants de la nation, élus dans 577 petites circonscriptions. Y sont-ils élus sur le programme et sur l’étiquette d’un parti qui leur accorde son investiture, auquel cas ils doivent se tenir à une discipline de vote et respecter le choix de leurs instances dirigeantes ? Ou le sont-ils sur leur seule personne, à raison de leur lien particulier avec les électeurs de leur circonscription, auquel cas, sans qu’il y ait ici de mandat impératif, ils se doivent de se faire l’écho, jusque dans leurs votes, des inquiétudes de leurs électeurs ? Certes, il y aussi la peur de ne pas être réélu, mais perd–t-on un siège en perdant une investiture ou la confiance de ses électeurs ?

La division que l’on constatait hier, ce tiers des élus Républicains qui a choisi de voter la motion de censure, ne peut se résumer à des aventures personnelles, ou se simplifier en imaginant un coup de force interne. Elle résulte bien plus de cette position ambiguë du député de la Cinquième République et des deux approches possibles.

« L’immense majorité du groupe Les Républicains ne votera aucune motion de censure », assurait encore lundi matin le patron des Républicains, Eric Ciotti, sur BFM Nice Côte d'Azur. Celui qui est à la tête de LR depuis décembre a-t-il subi un sérieux désaveu ?

Les deux tiers des élus républicains n’ont pas voté la mention de censure, et toute la question serait ici de savoir si 66 % présente ou pas une « immense majorité ». Reste qu’elle est sans doute inférieure à celle qu’espérait Éric Ciotti, et, de ce côté là, il n’est pas faux de parler de désaveu. Quant à savoir pourquoi, nous en revenons ici à ce que nous avons dit sur les limites de la discipline de vote au sein d’un groupe parlementaire, et il serait sans doute exagéré pour l’instant de tirer des conclusions sur le statut du président du parti.

Cet épisode de la vie politique va-t-il laisser des traces ? Le parti LR peut-il imploser ?

On voit mal comment cet épisode pourrait ne pas laisser de traces. En effet, après la crise provoquée par le cavalier seul d’Aurélien Pradié, crise qui a conduit alors à le retirer des instances dirigeantes, nous sommes passés à un autre niveau, et il s’agit maintenant de voir comment le parti va se comporter.

Mais il faudrait avant tout savoir si les 19 parlementaires qui ont voté la motion de censure forment un bloc homogène, ou s’il ne s’agit ici que d’éléments disparates qui, pour des raisons particulières liées à leurs circonscriptions précises, ont fait hier le même choix. Rien n’indique pour l’instant que se constitue au sein des Républicains un courant spécifique avec une même base « idéologique ». Et il n’est sans doute pas dans l’intérêt des instances dirigeantes du parti de faire peser sur ces 19 députés une pression qui conduirait finalement à souder un groupe qu’il ne l’est peut-être pas.

Par ailleurs, on parle de l’implosion des Républicains depuis tellement année qu’il est permis de douter de cette dernière. Le parti a mélangé des gaullistes conservateurs, des gaullo-centristes, des centristes. On y a croisé des tendances bonapartiste, orléaniste, et même parfois légitimiste, pour reprendre les grandes divisions de droite française selon René Rémond. Et pourtant, il aura fallu l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron pour qu’il y ait non pas scission, mais débauchage, et pour que certains membres des Républicains quittent le parti, soit pour exercer ses fonctions ministérielles, soit pour constituer le groupe parlementaire Horizons.

LR est – aussi – une coalition d’intérêts, comme nombre de partis, et il l’est d’autant plus qu’il évolue en passant au fil des ans des vestiges du parti de masse gaulliste (du « rassemblement ») vers un classique parti de cadres, structuré autour de ses élus locaux. On ne voit pas vraiment ici ce qu’apporterait une scission aux uns et aux autres, et il est donc permis de douter d’une éventuelle implosion, mais il est certain que il sera plus difficile à ses dirigeants d’obtenir une solidarité de vote, et ce alors que viennent en discussion des textes sensibles, comme le projet de loi sur l’immigration. Les tensions ne devraient pas disparaître de sitôt

Qui pourrait bénéficier, au sein de LR, d’une possible redistribution des cartes ?

Pour qu’il y ait une véritable redistribution des cartes, il faudrait qu’il y ait plus que quelques personnalités, qu’il y ait véritablement des courants, des structures, trouvant chacune une caisse de résonance au sein des militants ou des électeurs des Républicains. Actuellement, nous n’en sommes pas là.

Tout ce que l’on peut dire, c’est que la situation actuelle, avec un tiers de « frondeurs », ne permet pas – ou plus – une clarification qui passe par l’exclusion. Il va donc falloir des compromis, et pour les mettre en œuvre, pour ressouder l’ensemble, de nouvelles personnalités pourraient être tentées d’intervenir, et, qui sait, de s’imposer ainsi et de devenir le candidat du parti en 2027… Mais ceci est une autre histoire.

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