Quelques réflexions sur le financement des réseaux de télécommunication<!-- --> | Atlantico.fr
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Margrethe Vestager et Thierry Breton donnent une conférence de presse conjointe sur la loi sur les données au siège de l'UE à Bruxelles, le 23 février 2022.
Margrethe Vestager et Thierry Breton donnent une conférence de presse conjointe sur la loi sur les données au siège de l'UE à Bruxelles, le 23 février 2022.
©JOHN THYS / AFP

Financement des réseaux

La question du financement des réseaux de télécommunications est à l’agenda. Le 2 mai, la Commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager, qui mène avec le Commissaire au marché intérieur Thierry Breton une offensive au long cours contre les grandes entreprises américaines du numérique, a déclaré que « certains acteurs qui génèrent beaucoup de trafic…ne contribuent pas aux investissements pour le déploiement de la connectivité »

Michel Keyah

Michel Keyah

Michel Keyah est économiste.

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Le même jour, faisant écho à une lettre envoyée par plusieurs opérateurs de télécommunication à la Commission en février dernier, l’Etno, lobby européen des opérateurs historiques a publié une étude visant justement à étayer l’analyse de la commissaire à la concurrence.

Disons-le tout net : il n’est pas ici question de porter un jugement sur le fond, et de prendre parti soit pour les opérateurs de télécommunications, soit pour les grandes plateformes. Les premiers cherchent – c’est de bonne guerre – à pousser leur avantage alors que la Commission, notamment avec le DSA et le DMA, ne déguise plus son combat contre les GAFAM, et qu’un nouveau front vient d’être ouvert contre Apple. Les seconds, de leur côté, se feront fort d’arguer que le consommateur final a certes besoin d’infrastructures de télécommunications, mais que ce sont eux qui fournissent le contenu qui l’intéresse. En un mot, de rappeler qu’il est de l’intérêt de tous, plateformes et opérateurs, de servir au mieux le consommateur.

Ces préliminaires étant posés, la question du financement des réseaux de télécommunication tombe à point nommé. Car elle se pose alors même que le déploiement de la 5G est à l’ordre du jour. C’est donc un moment propice pour réfléchir à l’organisation du financement de notre système. A ce titre, il est une approche qui pourrait être envisagée : la séparation structurelle entre les réseaux – placés sous la responsabilité d’un opérateur public - et leur exploitation dans le cadre de la concurrence entre opérateurs. Une telle approche mérite peut-être quelques réflexions. 

Précisons d’abord qu’elle n’a rien d’utopique, ni au plan des principes, ni au plan opérationnel. Au plan des principes, la séparation entre l’infrastructure et l’exploitation est préconisée par l’OCDE depuis près de vingt ans, et assez correctement documentée en termes d’analyse économique. Surtout, elle existe. Dans les domaines de l’électricité, du ferroviaire, c’est bien le choix que les européens ont fait, impulsé au cours des années récentes par la Commission européenne. Songeons au rôle de SNCF Réseau (pour le ferroviaire) ou de RTE (pour l’énergie). Ce modèle n’a pas été retenu pour les télécommunications dans l’UE, mais il existe depuis 2006 au Royaume-Uni. 

Demandons-nous ensuite quel serait l’intérêt d’une telle séparation ? Il en est deux qui méritent sans doute d’être débattus. 

Le plus évident est bien sûr la question du coût pour bâtir, entretenir et moderniser les réseaux. Les opérateurs de télécommunications sur ce point ont raison : le coût, qu’ils soulignent, est très élevé. Mais n’est-ce pas une formidable raison justement pour le réduire en le mutualisant ? Bien sûr, des solutions sont trouvés sur le terrain pour éviter de dupliquer les installations dans tel ou tel immeuble ou sur tel ou tel territoire. Sont-elles cependant suffisantes ? Cette question connaît d’ailleurs une actualité brûlante alors que pas un jour ne se passe sans que des problèmes de réseaux (coupures, surcouts liés à la sous-traitance etc.) ne se fasse jour. 

Confier les réseaux à une opérateur public pourrait également présenter un intérêt d’ordre plus politique. Car la révolution numérique étant passée par là, chacun comprend les risques que charrie déjà une forme de fracture numérique. Nos concitoyens le savent, tout comme ceux qui veulent bien se pencher sur les problèmes de couverture équitable du territoire par la fibre. A ce titre, une autorité publique pourrait être naturellement mieux placée que le secteur privé pour réaliser les arbitrages nécessaires.

En définitive, les opérateurs de télécommunication ont raison de poser la question de la modernisation des réseaux. Est-ce à dire qu’il revient aux autorités publiques, en l’occurrence l’Union européenne, d’utiliser son droit de la concurrence pour faire en réalité une politique d’investissement ? Sans doute pas. En revanche, poser la question en termes de concurrence ne peut s’épargner d’envisager une solution dont l’UE est friande : la séparation structurelle entre le réseau et les exploitants.

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