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Des immeubles d'habitation et de bureaux à Paris.
Des immeubles d'habitation et de bureaux à Paris.
©©JOEL SAGET / AFP

Enjeu de taille

Alors qu’aucun ministre délégué ou secrétaire d’Etat n’a encore été nommé pour prendre en charge le logement, nous proposons quelques idées de rupture pour sortir du marasme où piétine cette politique publique depuis un demi-siècle.

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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En scrutant les attributions du premier gouvernement d’Elisabeth Borne, on cherche en vain le logement. Depuis 2020, Emmanuelle Wargon officiait comme « Ministre déléguée chargée du logement », remplaçant alors Julien Denormandie, « Ministre chargé de la Ville et du Logement » après avoir été désigné comme « Secrétaire d'État chargé de la Cohésion sociale » entre 2017 et 2018. Depuis des décennies, les dénominations de ce ministère changent à chaque gouvernement. Pendant le quinquennat Hollande par exemple, on a vu se succéder une « Ministre de l'Égalité des territoires et du Logement », puis une « Ministre du Logement, de l'Égalité des territoires et de la Ruralité », laissant place en 2016 à une « Ministre du logement et de l'Habitat durable »… 

Cette absence notable dans le gouvernement Borne est certainement temporaire. Une nomination interviendra probablement dans la foulée des législatives, ainsi que cela avait été le cas en juin 2017. Mais, où sera rattaché ce ministère caméléon ? Redeviendra-t-il un ministère « de plein exercice » comme sous Hollande ? C’est peu probable, le président Macron ne semblant pas insérer ce sujet dans ses priorités : le logement restera sans doute sous la tutelle d’un autre ministère, celui confié à Amélie de Montchalin, ministre « de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires ». 

Peut-on s’autoriser à imaginer une autre solution ? L’enjeu du logement est-il intrinsèquement lié à ceux de « l’égalité » ou du « développement durable » ? Peut-on imaginer de prendre le sujet par un autre bout ?

Une politique publique peu lisible 

Le logement multiplie les difficultés : le marché ne réalise plus une affectation efficace des ressources aux besoins ; les jeunes actifs voient s’éloigner la perspective d’être un jour propriétaires comme leurs aînés ; dans les zones tendues, accéder à un logement social requiert des années d’attente ; une part importante du parc ne satisfait pas encore aux nouvelles exigences énergétiques… 

Chaque catégorie d’acteur se bat sur ses priorités. Les promoteurs et fédérations professionnelles du bâtiment déplorent le manque de foncier et bénéficient de dispositifs publics pour boucler les financements. Les associations de lutte contre la pauvreté, telles que la Fondation Emmaüs, réclament toujours plus de construction de logement social et la protection des locataires en difficulté économique. Les propriétaires bailleurs craignent de mettre leurs biens en location, les risques d’impayés et de dégradations n'étant pas compensés par des loyers jugés trop faibles… Bref : seuls les propriétaires de leurs propres logements correctement situés, aménagés, isolés et chauffés, n’ont pas de motif majeur d’insatisfaction. 

Cette diversité d’intérêts est probablement la cause d’une certaine illisibilité de la politique du logement. Alors que certains préconisent un habitat plus resserré, des immeubles collectifs ou des maisons de ville regroupées, la plupart des citoyens manifeste une préférence pour le modèle de la maison individuelle. Il n’existe pas un consensus sur un objectif majeur de cette politique publique, mais une diversités d’axes de travail, difficilement conciliables. 

L’objectif le plus explicite a été posé le 5 mars 2007 par la loi dite DALO (Droit au logement opposable) : « Le droit à un logement décent et indépendant (…) est garanti par l'Etat à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière (…) n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir ». Mais depuis cette fière affirmation, les multiples initiatives portées par les ministres successifs ont failli à la transformer en réalité opérationnelle. 

Cinq erreurs conceptuelles récurrentes nous empêchent de progresser 

Afin de clarifier la réflexion, il est nécessaire de dénoncer les principales erreurs de raisonnement qui nous empêchent d’améliorer significativement la politique du logement en France. 

La première est le discours politique récurrent laissant croire que la propriété de son logement devrait être la norme. Ce mythe d’une propriété pour tous a deux gros inconvénients. D’abord, il freine la mobilité professionnelle. Chacun en fait l’expérience : une fois installé chez soi, on réfléchit à deux fois avant de déménager pour un nouveau job dont la pérennité n’est jamais assurée. Ensuite, le schéma de référence du propriétaire-occupant a une incidence fiscale sous-estimée. Lorsqu’on s’écarte du schéma de référence « chacun chez soi », le fisc saisit l’occasion de maximiser ses recettes fiscales en prélevant CSG et IR sur le loyer versé par le locataire au propriétaire. Cette recette fiscale additionnelle n’a aucune légitimité, si on y réfléchit un peu : pourquoi habiter chez un autre devrait enrichir Bercy ? 

La deuxième erreur conceptuelle courante assimile les propriétaires à des rentiers profiteurs de la fragilité de ceux qui se trouvent dans l’obligation de louer. C’est ainsi que beaucoup considèrent le logement social – administré par diverses institutions avec délégation de service public – comme la seule solution équitable. Pour ceux-là, l’habitat collectif en logement social est la solution de référence. Le fait que des propriétaires privés mettent leurs biens en location est vécu comme une exploitation capitaliste. Heureusement, des dispositifs « intermédiation locative » tels que Solibail facilitent l’utilisation du parc privé en atténuant les difficultés que rencontrent de nombreux propriétaires bienveillants désireux de mettre leurs biens à disposition de ménages modestes. 

Le troisième obstacle est la prolifération fiscale, qui accumule les taxes : sur l’acquisition immobilière (DMTO), les loyers perçus (prélèvement sociaux et IR), la détention (taxes foncières, IFI) et la transmission (DMTG). Cet ensemble freine notablement la mobilité, décourage les propriétaires de mettre en location leurs biens vacants et suscite diverses stratégies d’évitement peu vertueuses. Alors que le fisc français a pour principe de « taxer tout ce qui bouge », une stratégie plus légitime consisterait à choisir une seule logique fiscale : instaurer une forme de redevance sur la détention immobilière, qui n’induit aucune incitation économique négative, bien au contraire. 

La quatrième difficulté est justement liée à la taxation de la détention. Alors que la taxe foncière est légitime, ses modalités sont largement obsolètes. De plus, la défense idéologique de dispositifs « anti-riches » comme l’ISF ou l’IFI pollue le débat politique nécessaire pour repenser la fiscalité sur la détention immobilière. Comment faire émerger un consensus raisonnable sur un impôt par nature légitime, alors que les antagonismes politique sont aussi caricaturaux ? Il existe là un gisement sous-exploité de recettes fiscales légitimes, équitables et efficaces. 

Le cinquième frein à la réflexion est l’attachement de l’administration à la valeur locative cadastrale pour estimer la valeur économique d’un bien immobilier. Alors que la valeur marché des transactions évolue de façon plus dynamique que celle des locations, choisir pour base fiscale une valorisation administrative des loyers introduit une déconnexion massive avec la réalité économique. C’est ainsi qu’un appartement acheté 2 millions d’euros au centre de Paris donnera lieu à une taxe foncière ridiculement faible, comparativement à celle d’une modeste maison provinciale. Il serait plus pertinent et équitable de calculer l’impôt en se basant sur une estimation actualisée de la valeur marché du logement. 

Une proposition double

Indépendamment du titre qui sera conféré au futur « ministre du logement », nous pouvons l’encourager à aborder frontalement la difficile question de la fiscalité. En travaillant avec les services du Ministère des Finances sur des principes ambitieux, il est théoriquement possible de remplacer sept prélèvements actuels par un seul. Dans un premier rapport, je l’avais nommé « Impôt sur le capital immobilier » (ICI). J’ai étendu plus récemment la réflexion avec une « Redevance universelle sur le patrimoine » (RUP). Sa recette fiscale pouvant dépasser la centaine de milliards d’euros, cette proposition a le potentiel de refonder une dynamique de marché pour le logement en France.

La deuxième proposition est une relecture de l’intuition du DALO et une critique des effets des aides au logement, qui seraient remplacés par un ambitieux « Service unique du logement » (SUL) assurant que tout ménage le sollicitant reçoive une proposition de logement dans un délai rapide moyennant un loyer fixé systématiquement à 25% des ressources financières du ménage occupant. 

Ambition… Ambition… Est-ce d’actualité ? 

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