Quand les salafistes ont besoin du grand méchant Satan américain<!-- --> | Atlantico.fr
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Vendredi, des dizaines de milliers de musulmans ont manifesté, notamment dans le monde arabe, pour dénoncer un film dénigrant l'islam, réalisé aux Etats-Unis.
Vendredi, des dizaines de milliers de musulmans ont manifesté, notamment dans le monde arabe, pour dénoncer un film dénigrant l'islam, réalisé aux Etats-Unis.
©Reuters

Nécessité fait loi

Le Président égyptien Mohamed Morsi a fermement condamné les violences consécutives à la diffusion sur Internet d'un film anti-Islam. L'Egypte a en effet besoin d'investissements occidentaux et ne pourra pas attirer d'entreprises si elle n'arrive déjà pas à protéger les ambassades.

Olivier d'Auzon

Olivier d'Auzon

Olivier d'Auzon est juriste consultant auprès de la Banque africaine pour le développement, de la banque mondiale et de l'Union européenne.

Il est l'auteur de L'Afrique des nouvelles convoitises (Ellipses / septembre 2011).

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La tension est à son comble dans le monde musulman. Deux jours après le début des exactions consécutives à la diffusion sur Internet d’un film jugé blasphématoire contre l’islam, plusieurs manifestations ont eu lieu ce vendredi, jour de la grande prière. Des représentations diplomatiques occidentales ont été la cible d'attaques, notamment au Soudan, en Tunisie, au Yémen, au Nigeria mais aussi en Inde.

Le Président égyptien Mohamed Morsi a fermement condamné l'attaque contre le consulat américain de Benghazi, qui a provoqué la mort de l'ambassadeur américain en Libye, Chris Stevens, avec trois autres fonctionnaires. Et il aussi, dans le même temps dénoncé les atteintes au Prophète Mahomet.

Au Caire, jeudi, plus de 200 personnes ont été blessées lors des manifestations. Les exactions se poursuivaient vendredi matin aux abords de l'ambassade des États-Unis et de la place El Tahir. Les manifestants, des jeunes et des supporters de clubs de football -comme en témoignaient les drapeaux- se déplaçant en petits groupes de quelques dizaines de personnes, jetaient des pierres sur les policiers anti-émeutes chargés de boucler les accès à la mission diplomatique, qui répondaient par des tirs de grenades lacrymogènes.

Dans ce contexte, comment le Président égyptien, issu des Frères musulmans va-t-il faire pour contenir les salafistes sans mettre à mal sa relation avec les États-Unis ?

De fait, le nouveau Président Mohamed Morsi n’est-il pas condamné à effectuer un numéro d’équilibriste ? C’est-à -dire veiller à ne pas se couper de sa base, les salafistes, tout en ménageant les américains dont l’Egypte a grand besoin tant pour sa protection militaire que son développement économique.

Il y a bientôt un mois, Morsi ne s’était-il pas entretenu avec des hommes d'affaires occidentaux, notamment américains ? Et n’avait-il pas tenté de les convaincre que le climat de son pays était propice aux investissements ? Mais voilà un message qui pourrait paraître bien vain s'il se montre incapable de garantir la sécurité des ambassades étrangères sur le sol égyptien ou de poursuivre en justice ceux qui violent leur statut souverain !

Chacun sait que la situation actuelle est potentiellement porteuse d'un conflit entre l'Occident et l'Islam radical. C’est ainsi que le Président Obama a envoyé 200 Marines en renfort pour assurer la sécurité des ambassades de la région. 

Le numéro un égyptien réussira-t-il ce tour de force de satisfaire les frères musulmans qui l’ont élu tout en ne décevant pas l’Oncle Sam ? Mais il y a plus, Morsi devra contenter les libéraux et se porter garant de la sécurité des Coptes.

Par ailleurs, les Etats-Unis ont d’ores et déjà reçu l’assurance de l’Egypte que le traité de paix avec Israël ne saurait pas dénoncé. Pour autant, la tâche pourrait s’avérer délicate et requerra à coup sûr des pressions que Morsi distillera avec parcimonie : l’Egypte a assurément besoin d’un prêt du Fonds Monétaire International (FMI) ou d'investissements commerciaux. Or, si l’Egypte ne maîtrise pas la violence – l’obtention d’un prêt ou l’un quelconque des investissements internationaux pourraient être compromis…

En direction des frères musulmans, Morsi n’a-t-il pas demandé aux États-Unis de traduire en justice ceux qui sont à l'origine de ce film ?

Cela est peine perdu, quand on sait qu’il est très compliqué de faire comprendre aux régimes issus des printemps arabes que l'Amérique n'est pas une société monolithique et que la censure de la sortie d’un film n’existe pas. Dès lors, les Etats-Unis peuvent enfanter le meilleur comme le pire des films ! Mais combien de temps faudra-t-il à ces régimes autoritaires pour qu’ils l’acceptent sans qu’ils ne se vengent?

Par ailleurs, on comprendra que démêler l’écheveau de la crise en Syrie prendra du temps. La Syrie n’est pas la Libye. Les révolutions, pour qu’elles soient durables et qu’elles contribuent à faire naître un climat propice à la paix et au développement économique, doivent être très largement accompagnées. Dans cette perspective, on ne saurait trop insister sur une sorte de « service après-révolution » qui a cruellement manqué pour la Libye…

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