Prix de l’énergie, concurrence américaine et politique de défense : les 3 dossiers sur lesquels l’Union européenne joue sa survie<!-- --> | Atlantico.fr
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Les dossiers s’accumulent, les réunions s’éternisent et l’Union européenne ne parvient pas à renforcer ses mécanismes de solidarité. Le seul facteur qui pourrait imposer une réaction solidaire, c’est le risque imminent d’une asphyxie à cause de la pression américaine.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Beaucoup d’analystes ou d’experts de la géopolitique se félicitaient des réactions européennes au tout début de la guerre en Ukraine. Vladimir Poutine, qui pensait profiter de la mésentente des Européens et de l’affaiblissement de l’OTAN pour mener à bien ses opérations spéciales propres à restaurer la grande Russie, s’est évidemment trompé. 

Devant cette agression insupportable, l’Otan s’est rapidement réveillée en renforçant sa capacité à protéger les valeurs occidentales et en prodiguant à l’Ukraine les moyens nécessaires pour se défendre de son agresseur … l’Union Européenne, de son côté, avait restauré une ambition unanime contre le danger que représente la Russie.  

Cela étant, la guerre n’est pas finie et l’hiver sera rude. On s’aperçoit désormais que l’Union européenne a du mal à assumer sur le long terme, les conséquences économiques et militaires d’une prolongation de la guerre. Alors que l’Amérique en profite pour renforcer son potentiel économique. 

En bref, en l’état actuel des évènements, l’Europe se retrouve en risque d’asphyxie, coincée entre les effets de la guerre qui nous affaiblis et la concurrence américaine qui va peser de plus en plus lourd.

L’Europe a trois dossiers stratégiques sur lesquels elle ne parvient pas à définir des positions communes et libérer des moyens. 

Le premier est celui de la défense militaire. Il est évident que, sans remettre en cause l’importance et les moyens de l’OTAN, les pays européens devraient avoir une politique commune face aux agressions extérieures. Cette politique européenne de la défense n’existe pas. Les trois pays qui auraient les moyens de déployer une force commune font cavalier seul. L’Allemagne a une force économique considérable qu’elle ne veut pas partager. La France a des moyens conventionnels qui interviennent surtout en Afrique et une force nucléaire qui fonde son autorité. La Grande Bretagne a aussi de grands moyens, mais elle est sortie de l’UE. La décision des Allemands de passer commande à l’industrie américaine pour s’équiper d’une aviation de combat a jeté un froid, sauf que tous les projets de créer un avion de combat franco-allemand ont été freinés par la France qui cherche à conserver son avancée technologique.

Le deuxième dossier porte sur les prix de l’énergie. Le mécanisme des sanctions et le blocage des importations de gaz russe ont complètement déstabilisé le modèle économique des Allemands mais surtout, ces évènements ont déséquilibré le marché de l’électricité en Europe où le prix est couplé à celui du gaz. Les prix de l’électricité ont donc explosé.

Cette situation va devenir insupportable pour beaucoup de pays membres  (dont la France qui dispose pourtant d’un potentiel de production électrique qui pourrait lui garantir une sécurité d’approvisionnement) . En toute logique, les pays de l’Union européenne devraient d’une part mettre en place une politique commune d’achat de gaz, puis de pétrole, et d’autre part réformer le marché de l’électricité. Sans parler d’interdire et de sanctionner des pratiques spéculatrices à l’intérieur de l’UE. 

Le troisième dossier porte sur la concurrence américaine qui s’avère de plus en plus déloyale au regard des règles de l’OMC . Pendant que l’Union européenne ne parvient pas à construire un marché de l’énergie qui lui permettrait de limiter et de régulariser les hausses de prix qui minent complètement sa productivité, les Américains s’équipent pour nous vendre du gaz liquéfié à son prix, mais surtout multiplient les aides et les soutiens à leur industrie. Le résultat de cette politique non concertée est que les industries européennes très énergétivores se préparent à déménager leur production, non pas en Asie mais aux Etats -unis. Le gouvernement américain ne vient-il pas de décider de subventionner massivement les entreprises installées aux Etats-Unis, notamment les productions de batteries et de nouveaux carburants? Cette politique qui revient à financer le protectionnisme va s’appliquer à partir du 1e janvier prochain. Les Européens multiplient les critiques et les réserves mais n’activent aucune réponse concrète. 

La raison de l'impassivité ou de l’immobilisme des Européens est très simple. Elle est politique. La solidarité des Européens s’arrête aux fonds structurels destinés aux nouveaux entrants et qui a été très utile, elle s’est concrétisée via le système monétaire avec pour la première fois une mutualisation de la dette au moment du Covid, ce qui a, là aussi, marqué un tournant. Aujourd’hui, l’évolution européenne est à nouveau bloquée. Or face aux agressions de la Russie, face à l’instabilité de la géopolitique mondiale, l’Union européenne est en risque d’asphyxie. Sur la défense, sur les prix de l’énergie, sur la concurrence internationale, ne parlons pas de la politique migratoire qui mine le corps social dans la plupart des pays membres de l’Union européenne.

Le problème est politique et la responsabilité de le résoudre appartient principalement aux Français et aux Allemands. Ou bien Paris et Berlin parviennent à s’entendre et l’Europe a une chance de survivre. Ou ils ne s’entendent pas et chaque pays va s’enfoncer dans l’inconnu mais risque d’émietter ses forces entre  l’Amérique d’un côté et l’Asie de l’autre.  

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