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Princes en pétard : Elisabeth II face à la guerre entre ses deux fils Charles et Andrew
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Mère et fils

Selon les informations du site américain The Daily Beast, le Prince Charles n'aurait plus de contact avec son frère Andrew, suite aux accusations d'abus sexuel sur mineure dont il est accusé.

Franck Guillory

Franck Guillory

Franck Guillory est journaliste et documentariste, ancien rédacteur en chef de JOL Press. Il a passé huit ans en Grande-Bretagne avant de rédiger une biographie du prince William, William, fils de Diana – La vie d'un prince. Son dernier livre Kate Middleton, reine du XXI ème siècle.

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Atlantico :  Le site d'information américain The Daily Beast rapporte que, suite aux accusations d'abus sexuel sur mineure visant le Prince Andrew, celui-ci n'aurait plus de contact avec son frère aîné, le Prince Charles. En agissant ainsi le Prince Charles cherche-t-il à préserver son image ?

Franck Guillory : The Daily Beast est un des premiers "pureplayers" américains et sa qualité éditoriale ne saurait être remise en cause. Sa fondatrice et ex-rédactrice en chef, la légendaire journaliste anglo-américaine, Tina Brown n'a pas que dirigé Vanity Fair, elle a aussi commis une biographie, bien informée, de son amie, Diana, princesse de Galles. Pour autant, j'ignore si, comme le titre le site, ce 24 mars, "les princes royaux (Charles et Andrew) sont en guerre". C'est un titre accrocheur pour un contenu assez spéculatif. La tentation du "buzz", peut-être... 

Une chose est certaine, la famille royale britannique est à un tournant. Mois après mois - depuis quelques années, après le mariage de William et Kate et avec les célébrations du Jubilé de diamant, les 60 ans de règne de la Reine -, on observe les signes annonciateurs d'une transition historique, la préparation de l'après-Elizabeth II. Après tout, celle-ci, que l'on prétend en pleine forme, fêtera ses 89 ans le 21 avril prochain.

Dans ce contexte, il est certain que Charles, héritier légitime du trône dont les prétentions ont longtemps été - et demeurent - contestées par certains, est particulièrement attentif à son image. Cette image, comme on le sait, elle a été plus qu'écornée par les frasques de son premier mariage avec Diana puis il s'est retrouvé menacé de mort après la disparition accidentelle de la princesse le 31 août 1997. Et c'est au prix de bien des efforts, conduits notamment par un "as" de la communication politique, Mark Bolland, que le prince de Galles a pu redorer son blason, faire accepter son mariage avec Camilla et, aujourd'hui, bénéficier d'une légitimité largement renouvelée. 

Mais, au-delà, ce sont les Windsor dans leur ensemble, la "firme" avec tous ses conseillers, qui ont pleinement conscience que la monarchie risquerait ne pas se remettre de nouveaux scandales, de nouvelles dissensions. Elizabeth II sera sans doute la dernière souveraine incontestée, parce qu'elle a entamé son règne record dans un monde qui a aujourd'hui disparu et parce qu'elle a exercé son sacerdoce comme personne en mille ans d'histoire. Désormais, on sait que, pour ses successeurs, l'onction divine ne suffira pas et que la monarchie - un anachronisme, admettons-le, en ce début de XXIème siècle - ne saura subsister dans un royaume toujours plus désuni que si elle est totalement irréprochable et qu'elle parvient à renouveler sa raison d'être. 

Tout cela est assez incompatible avec les frasques sexuels d'un prince de sang.

Quels rapports ont eu le Prince Charles et le Prince Andrew depuis leur naissance ? On rapporte que le Prince Andrew a toujours été le préféré de la Reine?

Franck Guillory : On pourrait aisément oublier à les voir en photo de nos jours que Charles, né en novembre 1948, est de douze ans l'aîné d'Andrew. Quand le cadet voit le jour en février 1960, Charles est héritier du trône depuis 8 ans, il a assisté au couronnement de sa mère en 1953 et a reçu le titre de prince de Galles en juillet 1958. Mieux - ou pire - encore, rompant avec une tradition séculaire, il est le premier "futur monarque" à fréquenter une école et séjourne alors dans l'austère et rigide pensionnat de Gordounstoun, au nord-est de l'Écosse. Pas idéal pour accueillir son petit-frère et noué sans attendre une étroite proximité affective...

Lorsqu'Elizabeth donne naissance à Andrew, elle a 34 ans. Toujours une jeune reine, elle est déjà une reine expérimentée qui a su parfaitement s'approprier son rôle et se détacher de l'emprise de ceux - on pense à son premier Premier ministre Winston Churchill - qui avaient jugé utile de la chaperonner dans les premières années d'un règne entamé bien plus tôt prévu, au décès prématuré de George VI. Tout à sa tâche mais aussi, sans doute, par nature et par tradition, Elizabeth avait établi une très grande distance avec Charles et sa soeur, Anne. Il y a ces images troublantes de Charles, âgé de 5 ou 6 ans, venant accueillir sa mère de retour d'un long voyage officiel et n'obtenant, au moins devant les objectifs, qu'une royale poignée de main en guise de retrouvailles...

Oui, il se dit qu'Andrew a toujours été le préféré de leur mère... Elizabeth s'est montrée très fière quand celui-ci a participé à la guerre des Malouines en 1982. Et puis, à la veille de son mariage avec Sarah Ferguson en 1986, Andrew est devenu duc d'York, le titre réservé aux cadets royaux, titre que portait le prince Albert, le père de la Reine et futur George VI.Il y aurait effectivement des indices laissant à penser que la souveraine se soit montrée particulièrement - voire étonnamment - bienveillante vis-à-vis d'Andrew, comme pour contre-balancer les possibles effets d'une injustice, au coeur même du principe monarchique, celle qui fait que l'aîné est le seul héritier des honneurs et des titres, le garant de la continuité dynastique et que son ou ses cadets n'ont, dans ce cadre, au regard de l'histoire, que peu de raison d'être. Un "heir" et un "spare", un "héritier" et une "solution de rechange", une "roue de secours" en cas de drame...  

Les deux sont-ils connus pour avoir des caractères diamétralement opposés?

Franck Guillory : Des caractères opposés, je ne sais. Des rôles, des destins divergents, c'est certain.

Charles a très tôt pris conscience de sa position et il y a été encouragé, notamment par sa grand-mère, Elizabeth la Reine mère, "Queen Mum", dont il était si proche. Et puis, il a dû apprendre à patienter, au point d'être aujourd'hui le plus âgé des princes de Galles de toute l'histoire, celui qui sera resté le plus longtemps au pied du trône. Et puis Charles se distingue aussi par une conception très étendue de sa "mission", des engagements très forts pour des causes bien arrêtées - en matière environnementale, au service de la jeunesse défavorisée, pour le multiculturalisme ou l'égalité entre les confessions - et des opinions tranchées qu'il a rarement consenti à taire et pour lesquelles il a pu être critiqué, voire moqué. C'est un prince très "politique", trop "politique" pour certains... Un prince, un futur roi, soucieux sans doute de la trace qu'il parviendra à laisser.

Andrew est, par nature, différent. Depuis 30 ans, avec les naissances de William puis de Harry, toute perspective d'un accident dynastique le conduisant à régner a pour ainsi dire disparu. malgré tout, il s'est efforcé de servir sa famille et, au-delà son pays, notamment, au cours d'une longue carrière militaire puis, plus récemment, avec une certaine forme de modernité, en se consacrant à la promotion du commerce extérieur britannique. Malheureusement, sur le chemin, il n'a pas fait que de bonnes rencontres... C'est peut-être aussi une différence de caractère - ou un des nombreux effets de la différence de statuts entre les deux frères. 

Existe-t-il dans l'histoire de la monarchie anglaise d'autres duels fratricides ou histoires de mauvaise entente entre frères ?

Franck Guillory : La difficulté des relations entre frères, entre frère et soeur, entre soeurs aussi... on pourrait presque dire que c'est intrinsèque au principe monarchique - même si la monarchie n'en a pas conservé le monopole...

Richard Coeur de Lion et le prince Jean sans terre au tournant des XIIème et XIIIème siècles, Mary Tudor la catholique et Elizabeth I, les filles d'Henry VIII, au XVIème siècle... La crise d'abdication en 1936 et le remplacement d'Edward VIII, amoureux patenté de la deux fois divorcée Wallis Simpson, par George VII... Autant d'histoires de famille pas très recommandables !

Nous n'en sommes pas là entre Charles et Andrew, même si on peut imaginer que ce dernier puisse s'inquiéter de la volonté de plus en plus affirmée, dans le cadre de la préparation de l'après-Elizabeth II, de restreindre la taille de la "vraie" famille royale, à Charles et Camilla, à William, Kate et leurs enfants et, enfin, à Harry. 

Il apparaît de plus en plus évident que la "firme" n'a d'autres choix qu'une "cure d'amaigrissement" si elle souhaite conserver un rôle et un statut. C'est sans doute le prix à payer pour conserver l'indispensable consentement populaire et, face à cela, les éventuels états d'âmes d'Andrew ne pèseront guère.  

Les Britanniques ont bien d'autres préoccupations, le Royaume-Uni a bien d'autres défis à relever et, parions-le, la "guerre des princes royaux" n'aura pas lieu.

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