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Pourquoi le système d’encadrement du risque bancaire européen a encore des failles
©Reuters

Filet de sécurité

Le nouveau filet de sécurité pour le Fonds de Résolution Unique des banques de la zone euro présente des imperfections.

Eric Dor

Eric Dor

Eric Dor est docteur en sciences économiques. Il est directeur des études économiques à l'IESEG School of Management qui a des campus à Paris et Lille. Ses travaux portent sur la macroéconomie monétaire et financière, ainsi que sur l'analyse conjoncturelle et l'économie internationale

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Le filet de sécurité, ou « backstop » en anglais, pour le Fonds de Résolution Unique, est une ligne de crédit fournie par le Mécanisme Européen de Stabilité, telle qu’elle a été annoncée officiellement par l’Eurogroupe le mois passé. Cette ligne de crédit peut uniquement être activée si le Fonds de Résolution Unique a déjà épuisé ses propres ressources et que les conditions de marché l’empêchent d’emprunter directement à des investisseurs, à des taux normaux. Le Mécanisme Européen de Stabilité doit prêter au Fonds de Résolution Unique à un taux d’intérêt égal à son propre coût de financement augmenté d’une marge de 0,35%. Ce filet de sécurité est toutefois caractérisé par une série de défauts qui peuvent en limiter fortement l’efficacité pour soutenir les banques en cas de crise financière. Voici une description des principales sources de préoccupation au sujet du filet de sécurité.

Une taille trop réduite pour recapitaliser toutes les banques en détresse en cas de crise

Le Fonds de Résolution Unique est abondé progressivement depuis 2016 par des contributions des banques. Après 8 ans, il doit atteindre, le 31 décembre 2023, son objectif qui est une taille équivalente à 1% des dépôts assurés des banques de la zone euro. Le but est donc une taille de 55 à 60 milliards d’euros.

L’objectif du filet de sécurité est de compléter cette taille clairement trop restreinte. Mais les pays de la zone euro ont décidé que ce filet de sécurité, sous la forme d’une ligne de crédit du Mécanisme Européen de Stabilité, aurait une taille équivalente à celle du Fonds de Résolution Unique. Le filet de sécurité va donc simplement doubler temporairement la capacité du Fonds de Résolution Unique dans des circonstances exceptionnelles.

Cela implique que le Fonds de Résolution Unique, filet de sécurité compris, va avoir une capacité d’intervention de 110 à 120 milliards d’euros. Cela risque d’être bien trop peu pour recapitaliser toutes les banques en détresse en cas de nouvelle crise bancaire systémique en zone euro. L’exemple de la crise financière récente suffit à illustrer ce problème. De 2008 à 2017, les autorités publiques des pays de la zone euro ont dû apporter 244 milliards d’euros de capital aux banques et autres structures financières en détresse, comme le montre le tableau qui suit. 

Bien sûr, en cas de nouvelle crise, les besoins de capitaux publics sont censés être inférieur à ceux observés au cours de la précédente, car il y a maintenant l’obligation d’un renflouement interne des banques bénéficiaires pour au moins 8% de leur passif, avant toute intervention du Fonds de Résolution Unique. Le recours au renflouement interne pourrait souvent être même d’ampleur supérieure, car la législation limite l’intervention du Fonds de Résolution Unique à un maximum de 5% du passif de la banque concernée. Mais en cas de turbulences financières globales, un recours intensif au renflouement interne peut aggraver la situation. En effet la crainte de renflouements internes peut provoquer des retraits massifs de dépôts de la part des clients et de grandes difficultés pour les banques de trouver des prêteurs, que ce soit sur les marchés interbancaires ou obligataires. La possibilité de réaliser simultanément un renflouement interne généralisé de beaucoup de banques, en cas de crise financière, reste donc incertaine.

Ce qui est préoccupant, c’est que le filet de sécurité va remplacer la possibilité légale qu’avait jusqu’ici le Mécanisme Européen de Stabilité de recapitaliser directement des banques de la zone euro, depuis 2014. Bien sûr cet instrument était difficile à utiliser car il fallait d’abord qu’il y ait eu un renflouement interne et une intervention du compartiment national du fonds de résolution.  Mais au moins il existait et apportait un peu de confiance, et c’était essentiel.         

Les données négatives correspondent à des années où les reventes de participations précédemment acquises ont été supérieures aux prises brutes de nouvelles parts de capital. 

Une taille trop réduite pour assurer la liquidité des banques en résolution en cas de crise

Après qu’une banque ait été mise en résolution et recapitalisée, elle peut néanmoins rencontrer de gros problèmes de liquidité pendant une période assez longue. En effet la confiance qu’inspire la banque a été détériorée, ce qui peut entraîner une poursuite des retraits de dépôts par les clients, et une réticence des autres banques ou des investisseurs obligataires à lui prêter ou souscrite aux titres qu’elle émet. Bien sûr la banque peut recourir au financement octroyé par la banque centrale nationale concernée de l’Eurosystème, mais qui requiert d’apporter des actifs éligibles en collatéral. La banque concernée peut avoir trop peu d’actifs éligibles à apporter en collatéral pour que le financement par la banque centrale puisse fournir toute la liquidité dont elle a besoin. 

La solution est l’apport de garantie, par une autorité crédible, aux emprunts de la banque concernée sur le marché interbancaire ou obligataire. Ces garanties permettent à la banque de trouver des prêteurs privés pour obtenir la liquidité qu’elle requiert. 

L’apport de liquidité est une des fonctions du Fonds de Résolution Unique. Celui-ci, pour assurer la liquidité des banques en résolution, peut leur prêter directement des fonds, ou bien apporter des garanties à leurs emprunts sur le marché.  Mais même avec l’apport du filet de sécurité, les moyens du Fonds de Résolution Unique semblent bien trop réduits pour assurer la liquidité nécessaire en cas de crise. Au cours de la crise financière récente, les gouvernements des pays de la zone euro ont dû apporter des garanties aux emprunts des banques pour plusieurs milliers de milliards d’euros.

Les conditions du recours au filet de sécurité peuvent être contre-productives

Le Mécanisme Européen de Stabilité aura le statut de créancier privilégié, ou senior, du Fonds de Résolution Unique. Les autres créanciers potentiels du Fonds de Résolution Unique seront donc subordonnés au Mécanisme Européen de Stabilité. Les investisseurs privés vont alors être réticents à prêter au Fonds de Résolution Unique.

Le Fonds de Résolution Unique va donc hésiter à recourir à des emprunts au Mécanisme Européen de Stabilité, car cela va réduire la possibilité pour lui d’emprunter sur les marchés. Il est donc incertain que le filet de sécurité augmente réellement la capacité d’intervention du Fonds de Résolution Unique.

Une solution coûteuse pour les banques

Les prêts du Mécanisme Européen de Stabilité au Fonds de Résolution Unique doivent être remboursés par celui-ci en 3 ans, avec une possibilité d’extension à 5 ans, au moyen de cotisations supplémentaires à payer par les banques de la zone euro. 

En cas de nouvelle crise financière, et de nécessité de recours au filet de sécurité pour le Fonds de Résolution Unique, les banques de la zone euro vont donc être fragilisées davantage par une forte augmentation de leurs cotisations au Fonds de Résolution Unique pendant 3 à 5 ans.

Un risque d’augmenter l’instabilité financière

La combinaison du remplacement de la possibilité pour le Mécanisme Européen de Stabilité de recapitaliser directement les banques par un filet de sécurité de taille trop réduite, et le manque de crédibilité de la capacité du Fonds de Résolution Unique d’apporter de la liquidité aux banques risque d’augmenter encore l’instabilité financière.                                                                                                                                                                                                                     

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