Pourquoi le FN perd de plus en plus sa cohésion idéologique<!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen.
Marine Le Pen.
©Reuters

Divisions

Alors que Marine Le Pen présente ce mardi ses vœux à la presse, son père Jean-Marie, président d'honneur du parti qu'il a fondé, paraît être l'illustration du manque de cohésion du parti, ouvert à tous les horizons.

David Doucet

David Doucet

David Doucet est journaliste et l'auteur de "Histoire du Front National" aux éditions Tallandier.

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Atlantico : Notamment grâce aux élections européennes de mai, 2014 pourrait être une grande année pour le Front national et sa présidente Marine Le Pen. Un succès qui serait, du moins en partie, la résultante de l'action de dédiabolisation du FN. Marine Le Pen a ouvert le parti créé par son père à tous les horizons. Où se situe la cohésion idéologique du FN aujourd'hui ? Existe-t-il des thèmes qui fédèrent toutes les sensibilités du parti ?

David Doucet :Si le Front national a évolué depuis l’accession de Marine Le Pen à sa tête en janvier 2011, le mouvement continue de s’appuyer un socle idéologique qui assure son unité. La vulgate frontiste est toujours composé : d’une critique du système (« l’UMPS » et de la « troïka BCE-UE-FMI ») ; d’un programme de réduction drastique de l’immigration (Le FN souhaite réduire en 5 ans de l’immigration légale de 200 000 entrées par an à 10 000 entrées) ; d’une dénonciation du multiculturalisme et de l’islamisme ; d’une restauration de la souveraineté populaire par des référendums et d’un rétablissement de la peine de mort. Enfin même si Marine Le Pen l’a renommée “priorité nationale”, c’est bien la “préférence nationale” qui reste la pierre angulaire de son projet.

Les différentes personnalités qui composent le FN ont, sur certains sujets, des opinions différentes. Quels sont les principaux sujets de discorde au sein du parti ?

Il faut bien comprendre que le Front national a toujours été une mosaïque idéologique. De la Seconde guerre mondiale au début des années 70, l’extrême droite n’existait quasiment plus en France sinon à l’état groupusculaire. Le FN a été créé en 1972 par Alain Robert et les dirigeants d’Ordre Nouveau pour rassembler l’extrême droite française au sein d’une même plateforme électorale. Comme nous le racontons dans notre livre, le mouvement est au début une véritable auberge espagnole regroupant des néofascistes, monarchistes, nationalistes-révolutionnaires ou bien encore des partisans de l’Algérie française qui n’ont pas grand chose en commun. Cette idée d’un « compromis nationaliste » qui va faire la force du FN et de Jean-Marie Le Pen a été théorisée bien avant lui par Charles Maurras après l’échec de la grande manifestation antigouvernementale du 6 février. Face à l’échec de l’activisme de rue, Maurras a l’idée d’un rassemblement patriote pour prendre le pouvoir. Ce projet porte déjà le nom de « Front national ».

Durant longtemps, le FN de Jean-Marie Le Pen a été un parti revendiquant ses attaches chrétiennes et proposant un programme économique pour le moins libéral. Depuis la montée en puissance de sa fille à partir de 2002, le FN a rompu avec son dogme originel en défendant une vision laïciste et républicaine. Marine Le Pen souhaite le retour à un Etat stratège et protecteur sur le plan économique et social et ses prises de position ont engendré un certain nombre de départs au sein de la vieille garde (Bernard Antony, Jean-Claude Martinez, Roger Holeindre etc.). Aujourd’hui, il reste des clivages idéologiques au sein du mouvement et ils apparaissent surtout sur des sujets de société comme sur le mariage homosexuel ou encore le droit à l’avortement où la présidente du FN défend des positions assez libérales.

Parmi les différentes personnalités, il y a Jean-Marie Le Pen et Florian Philippot. Le premier représente la frange historique du FN, le second sa nouvelle ère. Lequel des deux est le plus représentatif aujourd'hui des militants frontistes ?  

Florian Philippot incarne davantage le FN actuel que Jean-Marie Le Pen et ce pour des raisons essentiellement générationnelles. Jean-Marie Le Pen a 85 ans, Florian Philippot en a 32. Comme Florian Philippot, beaucoup de militants frontistes n’ont pas connu la guerre et sont entrés en politique après l’effondrement de l’URSS, ils ne partagent donc pas les références culturelles et historiques du président d’honneur du FN.

Aujourd'hui, Jean-Marie Le Pen n'est-il pas le principal danger pour la cohésion du Front national. Met-il en danger le parti qu'il a lui-même créé ?

Je ne pense pas que Jean-Marie Le Pen mette en danger le Front national. Il reste une figure éminemment respectée au sein du FN et jouit d’une popularité sans égale auprès des militants. Néanmoins sa liberté de parole agace l’entourage de Marine Le Pen qui le considère comme l’un des derniers obstacles de sa stratégie de dédiabolisation. Dernier exemple en date, le 28 décembre dernier lorsqu'il rétière dans son journal de bord vidéo des propos – pour lesquels il a été condamné le 19 décembre dernier – selon lesquels les Roms « volent comme les oiseaux, volent naturellement ». Enfin, en affirmant que l’éventualité d’un changement de nom du FN évoqué par Louis Aliot ou bien encore Florian Philippot était « scandaleux » et « complètement débile », Jean-Marie Le Pen prouve aussi qu’il est un frein à l’évolution politique du mouvement.

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