Pourquoi la décomposition de la gauche (verts, front de gauche) n'incite pas Hollande à changer de cap (et l'incite à se recentrer)<!-- --> | Atlantico.fr
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Le parti de Cécile Duflot, Europe Écologie Les Verts, connaît des difficultés.
Le parti de Cécile Duflot, Europe Écologie Les Verts, connaît des difficultés.
©Reuters

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François Hollande avait promis, durant la campagne de 2012, qu'après deux années difficiles, la deuxième partie de son quinquennat serait consacrée à la redistribution. Cette deuxième partie tarde à arriver car le locataire de Matignon a changé de stratégie et tente de séduire aussi la droite.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Manuel Valls avait à peine terminé sa phrase que les militants socialistes se sont mis à huer. Pas de sifflets, non. "A droite, on siffle les dirigeants, à gauche on se respecte. Jamais on ne siffle", avait expliqué, quelques minutes plus tôt, le locataire de Matignon. Va pour les huées donc, et quelques cris : "ne touchez pas au code du travail" ! Les militants socialistes, qui ont à peine digéré la loi Macron, ne veulent pas entendre parler d’un nouveau coup de canif dans leur corpus idéologique et l’ont fait savoir en ce dimanche matin ensoleillé, dernier jour des universités d’été du PS à La Rochelle.

Quelques jours plus tard, François Hollande, en personne, confirme pourtant les intentions du gouvernement, lors de sa conférence de presse de rentrée : "rendre lisible le Code du travail". La réforme envisagée doit "donn(er) toute la place nécessaire à la négociation collective et aux accords d'entreprise" pour qu'il y ait une meilleure adaptation du droit du travail à la réalité des entreprises". De quoi faire hérisser les cheveux sur un crane socialiste.

François Hollande avait pourtant promis une deuxième partie de quinquennat plus distributive, plus généreuse envers les plus fragiles, plus sociale, plus de gauche en somme. "Le quinquennat en définitive sera organisé en deux temps. Le premier temps sera celui des réformes structurelles, où nous devons faire les choix, ceux qui vont durablement permettre le changement de notre pays", avait-il expliqué lors de la présentation de ses "60 propositions pour la France". "Ensuite, il y aura le deuxième temps du quinquennat quand nous aurons retrouvé de la croissance et redressé les comptes publics: alors nous pourrons aller plus loin dans la redistribution et c'est là que nous pourrons regarder les questions de rémunération et de réformes sociales qui nous donneront la cohésion indispensable".

Alors certes, la croissance est toujours en berne, les marges de manœuvre tant espérées ne sont pas au rendez-vous et certaines réformes sont ainsi rendues impossibles comme le rétablissement de la retraite à 60 ans. Mais pourquoi en rajouter ? Pour quelle raison braquer un peu plus un électorat, déjà déçu, en annonçant à nouveau des mesures favorables aux employeurs? Quel est l’intérêt de froisser son électorat alors que la fin du quinquennat approche ?

François Hollande est pourtant convaincu que si les électeurs ne retiennent pas ce qui est fait durant les premières années d’un mandat, la fin, en revanche, est déterminante. Elle  pose les bases d’une réélection possible… ou pas. "En septembre 2015, nous commencerons à partir à la reconquête de notre électorat traditionnel", prédisait Aquilino Morel alors qu’il était encore le très écouté conseiller du président de la République. Septembre 2015 est arrivé et François Hollande ne semble toujours pas parti à la reconquête. En tous cas, pas de cet électorat-là qui vit la simplification annoncée du code du travail comme une nouvelle trahison.

Mais il faut dire que le paysage politique a évolué depuis l’été. Alors que la candidature quasi énoncée de Cécile Duflot menaçait de priver François Hollande de second tour, la voilà fragilisée par les départs de Jean-Vincent Placé et François de Rugy fin août. Depuis, PS et gouvernement ont poursuivi leur travail de sape en critiquant massivement l’attitude d’EELV dans le Nord-Pas-de-Calais qui, en décidant de s’allier au Front de Gauche au premier tour des régionales, prive la gauche de toute espoir de l’emporter.  En effet, selon un sondage du mois de juin, une liste d’union PS EELV pourrait espérer arriver au coude à coude avec Xavier Bertrand alors que seul, le PS plafonne à 18% largement distancé par les Républicians et le FN.  Après l’annonce de cette alliance EELV/FG, deux autres cadres écolo ont donc claqué la porte, fragilisant encore un peu plus le parti et donnant, par ricochet, un peu d’air à François Hollande qui espère, sans le dire, que Cécile Duflot, à la tête d’un parti réduit à sa portion congrue, soit dans l’incapacité de se présenter.

2017 ne doit pas être 2002, pour avoir une chance d'être présent au second tour, François Hollande doit absolument éviter  toute autre candidature que la sienne à gauche. Pour l’instant, l’opération killing Duflot semble fonctionner, et le mouvement de départ d'EELV devrait s'intensifier lorsque le PS refusera de négocier un accord pour les législatives. Les députés qui verront ainsi leur chance d'être réélus réduite à néant ne devraient pas soutenir très longtemps Cécile Duflot. Ce sera plus dur avec Jean-Luc Mélenchon et le parti communiste mais leur division laisse un peu d’espoir... Parallèlement, Jean-Christophe Cambadélis a appelé à un rassemblement de toute la gauche autour du PS. "Nous pensons pouvoir nous doubler les uns les autres. Certains veulent même se dédoubler. D'autres pensent que le salut est dans l'alternative si radicale qu'elle fait de l'autre l'ennemi. Ce n'est pas en installant partout la droite et l'extrême-droite que l'idéal à gauche sera mieux défendu", prévient Jean-Christophe Cambadélis, qui voit dans ces plans "des stratégies d'un autre temps qui affaibliront durablement la gauche et l'écologie". Jean-Christophe Cambadélis annonce qu'il faudra aller au-delà de la simple union. Selon lui : "Il est temps de dépasser la gauche telle qu’elle fut. Pour relever les défis de notre modèle de société républicaine qui est contestée par un bloc réactionnaire" et d’ajouter : «cette alliance doit se faire sans exclusive et dans le respect. Elle est ouverte à toutes les formes de collectif : partis, syndicats, associations, ONG…" .

Le terrain ainsi dégagé, François Hollande se dit que les électeurs de gauche modérée n’auront d’autres choix que de voter pour lui, ne reste plus qu’à séduire un électorat centriste qui pourrait bien lui préférer Juppé ou Sarkozy et dont il a besoin pour accéder au second tour de l’élection présidentielle. D’où la loi Macron, d’où la réforme du code du travail, d’où la poursuite de ce travail de séduction qui a commencé dès 2012. Chasser à droite pour mieux tuer la droite et affronter Marine Le Pen, telle pourrait être aujourd’hui la stratégie de l’Elysée. Une stratégie à haut risque car les électeurs déçus pourraient se traduire par une abstention encore plus grande. Or les analystes politiques prévoient d’ores et déjà qu’en 2017, le président élu le sera, pour la première fois, par moins d’électeurs que le nombre d’abstentionnistes, de personnes ayant voté blanc ou nuls et de non-inscrits, bref de dégoutés de la politique.

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