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Pourquoi il est grand temps de revenir sur certaines facilités commerciales accordées à la Chine
©Reuters

Empire du milieu

Alors que la Chine exige auprès des instances financières mondiales le statut officiel "d'économie de marché", elle vient de subir un revers non négligeable de la part de MSCI, entreprise publiant plusieurs indices boursiers. Jouant depuis plusieurs années avec les règles du jeu du commerce mondial, le dragon chinois est aujourd'hui à la croisée des chemins.

Antoine Brunet

Antoine Brunet

Antoine Brunet est économiste et président d’AB Marchés.

Il est l'auteur de La visée hégémonique de la Chine (avec Jean-Paul Guichard, L’Harmattan, 2011).

 

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On ne répétera jamais assez combien il a coûté cher à la communauté internationale de se montrer complaisante en 2001 avec la Chine en lui concédant d’accéder à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) alors même que son marché du travail n’était pas conforme aux normes de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) (pas de droit d’expression ni d’association, pas de droit de manifestation ni de grève) et alors que la cotation du yuan n’était pas non plus conforme aux normes internationales (ventes massives et récurrentes de yuans contre dollars et euros par les autorités de Pékin pour maintenir le yuan fortement sous-évalué).

Pékin, loin de se montrer reconnaissant à la communauté internationale qui lui avait accordé l’adhésion à l’OMC alors qu’elle ne se justifiait pas vraiment, exploita à fond son avantage : désormais, les autres pays ne pouvaient plus maintenir leurs protections douanières contre les produits made in China alors même que ceux-ci restaient beaucoup moins chers que ceux des autres pays (coûts salariaux ouvriers horaires beaucoup moins chers en Chine et yuan très fortement sous-évalué contre toute autre devise). Résultat : à partir de 2002, la Chine s’accapare une part de marché significative et rapidement croissante du marché mondial des produits manufacturés. Ce qui est évidemment très favorable à la Chine est dévastateur et déstabilisateur pour les autres pays : l’activité, l’emploi et l’investissement industriels se sont concentrés en Chine jusqu’à provoquer l’asphyxie du reste du monde : en témoigne la crise mondiale qui a fini par éclater en 2008 et qui se poursuit encore aujourd’hui.

Cette première complaisance a encouragé Pékin à se montrer toujours plus exigeant et toujours plus arrogant, arguant maintenant du poids que la Chine représente désormais dans l’économie mondiale pour prétendre se dispenser des normes que la communauté internationale a établies dans toutes sortes de domaines.

En 2015, la Chine a maintenu jusqu’au bout la candidature du yuan à rejoindre le panier des monnaies qui constituent le DTS (Droit de Tirage Spécial). Le yuan aurait dû être rejeté pour deux raisons : parce qu’il n’est pas une monnaie pleinement convertible et parce que la Banque centrale de la Chine manipule le cours du yuan de façon éhontée. Pourtant, après les pressions diplomatiques de toutes sortes déployées par Pékin, le yuan a fini par être admis dans le panier des monnaies du DTS. Il est vrai que le yuan n’a obtenu qu’une pondération de 11%, quand la pondération du dollar demeurait à 42% quand Pékin cherchait à obtenir une pondération du yuan égale à celle du dollar. Il y a d’ailleurs tout lieu de penser que les deux dernières phases de dépréciation du yuan contre dollar (août 2015 et janvier/février 2016) s’apparentent à une manifestation de mauvaise humeur de Pékin contre le verdict final.

Cette deuxième complaisance, loin d’apaiser le dragon chinois, n’a fait qu’aiguiser son appétit. La Chine, qui ne le mérite absolument pas, exige maintenant que les grands pays lui reconnaissent "le statut d’économie de marché", ce qui mécaniquement leur interdirait de pratiquer des taxes exceptionnelles anti-dumping à l’encontre des produits que la Chine cherche à exporter à un prix inférieur à leur coût pourtant très bas, comme cela vient d’être évoqué. Les Etats-Unis et le Japon ont clairement refusé cette nouvelle démarche. Mais Pékin maintient une forte pression sur Bruxelles et sur les gouvernements européens alors même que le Parlement européen a manifesté clairement son rejet (par 546 voix contre 28).

Dans un autre domaine, Pékin a annoncé qu’il refuserait, si elle lui était défavorable, de se plier à la décision (prochaine) de la Commission de l’ONU qui est en charge de statuer sur le différend territorial qui oppose la Chine à ses voisins en mer de Chine du sud : une nouvelle manifestation de comportement impérial…

Paradoxalement, c’est une organisation non gouvernementale, MSCI, qui vient de montrer la voie. Usant de son statut récent de très grande puissance, la Chine a réclamé à MSCI d’intégrer dans les indices boursiers en gigogne qu’elle établit (MSCI China, MSCI Emerging Countries, MSCI World) non pas les seules valeurs chinoises cotées à l’étranger mais aussi les valeurs qui sont cotées sur le seul marché intérieur chinois. Cela aurait soudainement gonflé très fortement le poids du marché boursier chinois dans le marché boursier mondial. Cela aurait indirectement obligé les investisseurs non chinois qui suivent une gestion indicielle à augmenter fortement leur portefeuille d’actions chinoises. Les réserves de change de la Chine s’en seraient brusquement regonflées, permettant aux entreprises faux nez du gouvernement chinois d’accentuer encore leurs prises de contrôle des "entreprises bijoux" des pays occidentaux.

Eh bien, MSCI a eu le courage de refuser tout net d’accéder aux demandes pressantes de Pékin. Il est vrai que MSCI ne manquait pas d’arguments. Le marché boursier chinois n’est surveillé par aucun "gendarme" significatif ; la qualité des documents comptables fournis par les entreprises cotées aux investisseurs étrangers est très approximative ; enfin, dans les dernières années, on a vu les autorités manipuler fortement leur marché boursier (forte hausse de l’indice de Shanghai encouragée par le pouvoir suivie d’une forte baisse déclenchée par le même pouvoir…).

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