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Pire que le Venezuela, le Nicaragua
©Marvin RECINOS / AFP

Vent de révolte

Après des mois de violentes répressions, le régime se maintient au Nicaragua contre son peuple, face à une opposition de plus en plus virulente : assiste-t-on au "tournant vénézuélien" de la crise ?

Eduardo Mackenzie

Eduardo Mackenzie

Eduardo Mackenzie est journaliste et écrivain. Il est notamment l’auteur de Les Farc ou l’échec d’un communisme de combat (Publibook, Paris, 2005).

 

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Atlantico.fr : Après plusieurs mois de violentes répressions, il semble clair que le régime se maintient au Nicaragua contre son peuple, face à une opposition de plus en plus virulente : assiste-t-on au "tournant vénézuélien" de la crise ?

Non, ce qui se passe est quelque chose de plus grave, de plus profond. Ce n’est pas un tournant, c’est un effondrement, c’est la fin  d’une utopie cruelle, celle de l’aventure révolutionnaire castriste dans le continent sud-américain. C’est la fin de l’imposture du socialisme marxiste en Amérique latine. Le modèle que les soviétiques ont fait naître, à travers la violence et le mensonge, pendant la Guerre froide, dans plusieurs pays de l’hémisphère, comme Cuba, et d’autres, est en train de mourir. Voilà ce qui explique à mon avis, l’ultra violence du régime d’Ortega (certains parlent du « néosomotisme d'Ortega ») et celle de Maduro.
C’est donc la fin de la pensée magique qui disait que le socialisme apporterait la prospérité et l’« émancipation » aux peuples. La réalité a démontré que c’est le contraire : il a amené la barbarie, la destruction, l’oppression, la famine. Tout cela est visible à présent, plus qu’avant. Pendant des années, les Castro avaient réussi à cacher leur enfer. Mais les tragédies au Venezuela et au Nicaragua ont crevé l’écran. Elles montrent la réalité incontestable du socialisme « du XXIème siècle».
Depuis avril 2018, la dictature de Daniel Ortega et de son épouse, la vice-présidente Rosario Murillo, a fait tuer 351 personnes qui réclamaient la chute de ce régime agressif et corrompu. Il y a  à présent des centaines de personnes harcelées, emprisonnées, blessées, torturées, disparues et assassinées. Parmi les morts il y a beaucoup de jeunes, des enfants  et petits-enfants des parents de la « révolution sandiniste de 1979 ».
Mais le peuple n'a pas reculé. Les Nicaraguayens, comme les Vénézuéliens, sortent tous les jours par milliers pour dresser des barricades, pour marcher, bloquer les rues, pour réclamer la fin de la dictature sandiniste. Ortega c’est le nouveau Somoza qui avait gouverné d’une main de fer le Nicaragua de1937 à 1979. Le 13 juillet dernier tout le système productif du pays a été arrêté grâce à une grève nationale décrétée par l'opposition.

Ortega, comme Maduro, ne risque-t-il pas de devoir affronter une récession économique bien plus déstabilisante encore que l'opposition armée qui le défie dans la rue ?

Non, ces deux régimes ne tomberont pas à cause d’une récession économique. Ils sont des dictatures bestiales. La récession économique, l’hyperinflation et la  famine au Venezuela sont devenues évidentes. Pourtant ce régime continue de plus belle et a même des alliés politiques en Europe (Podemos en Espagne, Die Link en Allemagne, les Insoumis en France).  Et l’UE el les gouvernements d’Occident que font-ils ? Rien. Et les peuples de ces deux pays continuent à mourir.
L'appareil répressif d’Ortega, bien entendu, est désespéré et sa répression montre ses limites. Des bandes sandinistes sont même en train d’incendier et de saccager des églises, car la hiérarchie catholique est avec le  peuple. Il y a même des évêques attaqués et blessés, comme le nonce apostolique Stanislaw Waldemar Sommertag, comme le cardinal Leopoldo Brenes, comme l’évêque auxiliaire de Managua, Silvio Baez. Plusieurs prêtres ont connu le même sort après avoir tenté de s’interposer entre les barbares et des étudiants. Dans la ville de Managua, les paramilitaires et la police d’Ortega ont attaqué la paroisse de la Divina Misericordia où s’étaient réfugiés des étudiants et des paysans. Ils ont tué par balle deux étudiantes et ont ouvert le feu sur le véhicule de Mgr Abelardo Mata alors qu’il se dirigeait vers Masaya.
Contrairement à d'autres pays latino-américains où elle sert plus ou moins les intérêts des groupes « progressistes » et « révolutionnaires », l’Eglise Nicaraguayenne  est clairement aux côtés des jeunes et des paysans que le régime veut mater.
Tout avait commencé le 18 avril. Des milliers de jeunes étudiants, dans tout le pays, sont descendus dans les rues pour protester contre la réforme de la sécurité sociale. Le régime a riposté violemment. Un étudiant a été tué. Plus de 300 jeunes, hommes et femmes, ont été battus et emprisonnés. Cela a décuplé la colère populaire.

Quelles solutions envisager pour une sortie de crise ? La situation va-t-elle immanquablement continuer de s'enliser ?

La seule sortie au Nicaragua est la chute du sandinisme. Mais le Nicaragua est seul. C’est après ce carnage de 351 morts que la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme ont daigné dénoncer Ortega et l’accuser de « graves violations des droits de l'homme ». La diplomatie seule ne peut rien contre ce type de régime, qui bénéficie de puissants soutiens politiques et diplomatiques à l’international : la Russie de Poutine, la Chine de Xi Jinping, l’Iran des ayatollahs, tous motivés par la possibilité de pénétrer un peu plus sur l’hémisphère occidental et d’éroder l’influence des Etats Unis. Ortega a aussi le soutien des satellites de la dictature vénézuélienne, comme Evo Morales en Bolivie et du nouveau Komintern, le Foro de Sao Paulo, fondé par Fidel Castro et Lula da Silva en 1990, dont le seul mot d’ordre n’est rien d’autre que « démolir la démocratie de l’intérieur».

Jugez-vous que la pression de la diplomatie internationale est suffisante pour avoir raison de l'entêtement d'Ortega ?

Ce qui est nécessaire c’est une action beaucoup plus déterminée  des pays où règne la démocratie. Ces gouvernements devraient cesser d’adopter une posture de neutralité feutrée et soutenir, comme fait le gouvernement Trump, les opposants au Nicaragua et au Venezuela. Ils doivent avoir le courage d’affirmer haut et fort que des régimes comme ceux du Venezuela  et du Nicaragua ne peuvent plus être tolérés.  Ce qui se passe au Venezuela et au Nicaragua est d’une telle gravité que la solution concerne les nations unies. Ce n’est pas une affaire  exclusivement latino-américaine.

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