Pierre Kosciusko-Morizet : "Pour se développer en Europe, PriceMinister va changer de nom" <!-- --> | Atlantico.fr
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Pierre Kosciusko-Morizet, DG Europe de Rakuten.
Pierre Kosciusko-Morizet, DG Europe de Rakuten.
©Reuters

L'interview Atlantico Business

On peut appeler cela une promotion. Pierre Kosciusko-Morizet, le patron et fondateur de PriceMinister.com, a été officiellement nommé directeur général de la nouvelle filiale "Europe" de Rakuten, le groupe japonais de services en ligne qui a racheté son site de e-commerce en 2010. Celui qui se considère "toujours" comme un entrepreneur, va devoir accélérer le développement du groupe sur le vieux continent, notamment dans le service financier online.

Atlantico Business : Vous venez de prendre la direction de la nouvelle branche Europe de Rakuten, le groupe qui vous a racheté PriceMinister 2010. Quelles sont vos ambitions et la stratégie de développement ?

Pierre Kosciusko-Morizet : Cette nouvelle branche structure le groupe avec trois régions : l'Asie, l'Europe et les Amériques. Sur l'Europe, le but est d'accélérer en acquisition et en croissance organique, nous avons trois axes de développement. D'une part, continuer à développer nos places de marchés en France, Angleterre, Allemagne, Autriche et Espagne. D'autre part, on souhaite en lancer de nouvelles dans les pays de l'est et, enfin, nous voulons développer de nouveaux business ou en racheter. On regarde déjà des choses qui sont dans l'écosystème de Rakuten et qui marchent fort au Japon, notamment dans le service financier. Avec la création de cette division Europe, nous sommes plus autonomes grâce à des budgets dédiés au niveau européen sans passer par Tokyo.

Avec ces lancements et ces rachats, le but est d’imposer partout en Europe la marque PriceMinister ?

Non, au contraire, nous sommes plutôt en train de migrer vers la marque Rakuten. On a déjà renommé l'Allemagne et l'Espagne, l'Autriche était directement lancée sous le nom Rakuten et l'Angleterre est en cours. C'est finalement la France qui restera le plus longtemps sous PriceMinister, puisque la marque historique est plus forte. Mais d'ici un ou deux ans, PriceMinister changera de nom, on s'appellera aussi Rakuten.

Est-ce des développements que vous auriez pu assurer si vous n’aviez pas vendu votre entreprise ?

Il y a une réalité dans l'e-commerce : c'est un métier où à un moment on est obligé de rentrer dans une phase d'investissement lourde. Avec PriceMinister on avait réussi à se développer et devenir très rentable en investissant relativement peu. Mais si on voulait être l'un de ces leaders mondiaux, on avait vraiment besoin d'investir dans la logistique. La notion de leader locale est difficile à tenir parce que c'est compliqué d'atteindre la masse critique, localement, en termes de puissance technologique et vis-à-vis des fournisseurs mondiaux, pour avoir la capacité d'acheter correctement. A un moment donné, on s'était donc dit que'on aurait du mal à rester franco-français.

Est-ce que votre métier, votre modèle économique, votre concurrence peut encore bouger ou est-ce un business qui est arrivé à maturité ?

On n’est pas encore sur un business mature : en France on a une croissance d'environ 40% par an, au Japon c'est 20%. Et puis je crois que, par principe, il ne faut jamais dire que des nouveaux acteurs ne peuvent plus arriver. C'est vrai qu'il y a peu de chances de voir émerger une boite qui se placerait dans le top 5 mondial. Il y a tellement d'investissements à faire qu'on a du mal à voir comment tout à coup une boite venant de nulle part pourrait prendre une place de leader. Mais restons prudent, tout bouge très vite dans l'internet !

Vous considérez-vous toujours comme un entrepreneur ?

Oui, je suis entrepreneur. Après, est-ce un métier que je fais au sein de Rakuten, oui et non. Disons que j'ai la légitimité du créateur de PriceMinister mais au quotidien je suis plutôt dirigeant d'une zone géographique au sein d'un groupe mondial qui commence à être relativement gros. Mais il est vrai que la manière dont je gère tout cela, c'est plutôt une logique entrepreneuriale parce que ce métier va très vite, donc il faut aller très vite. On n’a pas forcement le temps de se poser, de regarder tous les process comme le ferait un grand groupe.

En parallèle, vous continuez à investir dans des start-up, pourquoi ?

Parce que ça m'amuse beaucoup ! Je le fais d'une part avec ma holding Kernel que j'ai monté avec Pierre Krings et à travers le fond ISAI où là, il y a une équipe et j'essaie d'y contribuer le plus possible. Globalement, investir est très intéressant parce que ça permet d'être au fait de tout ce qui se développe. Et puis financièrement, je ne sais pas trop ce que je ferais de l'argent que j'ai gagné car je n'imagine pas le laisser à la banque ou le mettre dans des produits que je ne comprends pas.

Justement, comme ces patrons de petites entreprises, partagez-vous aussi le ras-le-bol fiscal, l’inquiétude de certains entrepreneurs, le combat il y a quelques mois des "pigeons"?

Je crois justement que les pigeons ont été très bien écoutés. Pour un créateur d'entreprise, la fiscalité est correcte. C'est une des pires d'Europe, dans la fourchette haute, mais elle est correcte car elle n'est pas complètement décorrelée des autres. Ceci étant, quand on voit l'état des finances françaises, c'est aussi normal que les entrepreneurs contribuent. Je pense évidemment que ce serait mieux pour l'économie que tout soit plus bas pour que la création d'entreprise soit encouragée. En revanche, l'incertitude fiscale est plus grave. Avec les épisodes de ces derniers mois, on a dissuadé beaucoup de jeunes de monter leur boite.

Xavier Niel, ce week-end, a décrit la France comme "un paradis fiscal favorable aux entrepreneurs", vous êtes d’accord avec lui ?

Je pense qu'il a dit ça pour faire un bon mot. Là où il n'a pas tort c'est que la fiscalité est devenue acceptable, de là à parler de paradis fiscal, c'est un peu grotesque. Quand on regarde tous nos voisins en Europe on est plus cher qu'eux sur ce point. Nous ne sommes ni un paradis, ni un enfer fiscal, juste un pays où on peut entreprendre dans de bonnes conditions si on en a envie. Mais il faut que ces conditions ne changent pas tout le temps.

Où vous imaginez-vous dans dix ans ?

Je serais probablement en France. Je n'envisage pas de partir car j'aime mon pays et je trouve ça normal de payer des impôts. Je pense que je continuerai toujours à investir parce que j'aime beaucoup ça et c'est vraiment intéressant. Mais de là à savoir si je serai encore chez Rakuten ou si j'aurai remonté une boite... Je ne sais pas car je suis déjà incapable de me projeter, ne serait-ce qu'à deux ans.

Vous parliez de faire de la musique, une de vos passions. Est-ce toujours d'actualité ?

Oui ça me travaille toujours mais désormais je vais arrêter d'en parler... Je vais en faire !

Propos recueillis par Julien Gagliardi


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