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Petit hit parade de ces domaines où sévit bel et bien la police de la pensée en France
©ERIC FEFERBERG / AFP

Prière de penser dans la zone autorisée

Mardi 18 Avril, François Fillon a estimé que s’il gagnait ce serait en grande partie à cause de la police de la pensée. Il désigne dès lors le champ de bataille de cette campagne comme non plus seulement de nature politique, mais aussi largement idéologique. Dans lequel les tabous sont encore fortement ancrés.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Mardi 18 Avril, François Fillon a estimé que s’il gagnait ce serait en grande partie à cause de la police de la pensée. Que faut-il éviter pour ne pas être la victime d’une telle police ? 

Bertrand Vergely : Nous vivons aujourd’hui un paradoxe. D’un côté, cette campagne présidentielle est une réussite démocratique. Avec les primaires, les électeurs ont eu le choix. Les prétendants à la présidence  ont pu s’exprimer à travers une multitude de meetings, d’émissions et de débats. Et question transparence, les candidats ont été passés au crible. En ce sens, la pensée unique, si fortement attachée à la liberté de choix, au droit à l’expression ainsi qu’à la transparence peut être contente. Ses exigences ont été comblées. 

En même temps, on a assisté, il faut le dire, à une confiscation de la démocratie. Avec les primaires, les élections présidentielles durent deux ans.  C’est trop. L’électeur finit par crier grâce en ayant hâte que « tout ça se termine ». D’autant que cette présidentialisation épuise la présidence qui, pendant ce temps là, est éclipsée. Témoin ce qui se passe aujourd’hui avec François Hollande, lequel  n’existe plus. Ce qui est un comble. Alors que l’on fait tout pour élire un président on ne respecte même plus celui qui est en place ! 

En outre, en voulant prendre en main le débat politique les medias l’ont tué. Par le fait de se battre pour emporter le marché juteux de l’audience. Par le fait de produire des émissions interminables de quatre heures. Par le fait de rendre la pensée confuse à force de faire  discuter ensemble cinq puis onze candidats sur un même thème.  

Enfin, quand une enquête sur la transparence d’un candidat  est lancée deux mois avant l’élection alors que rien ne s’est fait en la matière durant des années, on n’est plus dans la transparence mais dans un coup politique afin de couler ce même candidat. 

Compte tenu de tous ces éléments, François Fillon a raison. S’il l’emporte en passant le premier tour puis le second, il pourra dire merci à la police de la pensée. Celle-ci l’aura servi après avoir cherché à lui nuire. Et ce parce que cette pensée lui aura permis de faire valoir trois qualités qu’il faut lui reconnaître  à savoir : 1) la retenue d’abord lors des débats, 2) la clarté dans son programme et dans ses propositions, 3) le courage et la persévérance  face au déchaînement médiatico-judiciaire dont il a été l’objet.  

Qu’est-ce qui fait que la pensée est devenue plus libre aujourd’hui ? Ou bien au contraire qu’elle s’est durcie ? 

Il en va de la pensée comme il en va de la démocratie. Ce qui se passe est double. D’un côté, alors que hier cela était interdit, on peut critiquer le communisme, la gauche et prononcer les mots de morale ou de spiritualité sans se faire foudroyer. En même, temps, il existe une guerre idéologique féroce.  

Pas question de critiquer la gauche quand celle-ci défend les fiertés minoritaires, marginales et libertaires. Elle qui, hier, s’efforçait de penser le monde de façon objective, réaliste, matérielle, scientifique, sociale, économique et politique, investit aujourd’hui  le champ moral  en ne parlant plus de l’objectif mais du subjectif, du réel mais de l’imaginaire, du matériel mais de l’utopie,  de l’économie mais de l’écologie, de la société mais du sociétal, du politique mais des gens. Peu sûre d’elle en ces domaines qu’elle maîtrise mal, elle compense sa faiblesse par le recours à l’intimidation, à la propagande ainsi qu’à la judiciarisation. D’où un climat de tension générant des conduites d’autocensure afin de ne pas avoir affaire à la censure. 

Il y a des tabous qui pèsent aujourd’hui sur la politique française. Quels sont-ils ? Et que révèlent-ils ? 

Un géographe français, Christophe Guilluy, dans un ouvrage intitulé La France périphérique (Flammarion 2014) a écrit que, dans les vingt prochaines années, le problème numéro un allait être celui de l’identité. Le tabou, il est là, dans l’identité et dans ce qui va avec, à savoir le fait de prononcer les mots « Français », « chrétien » « racines », « chez soi ». Bien sûr, il y a la crispation identitaire, le chauvinisme, le repli sur soi, la peur. Mais, depuis cinquante ans, à quoi assiste-t-on  dans la culture ? À un effort systématique pour détruire tout ce qui ressemble à une identité, du sens, une spiritualité, une morale ainsi qu’un enracinement. À quoi cela aboutit-il ? À un monde déraciné, dévasté, errant, désorienté, sans mémoire faute de traditions, sans avenir faute de perspectives, sans présent faute de mémoire et de perspectives. La France est une âme, un souffle, une vocation. Il faut que ce soient cette âme, ce souffle, cette vocation qui gagnent les élections. Alors quelque chose présidera vraiment ce grand pays et ces élections n’auront pas été inutiles. 

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