Patrick Clervoy : « Vivre c’est chercher la beauté sous toutes ses formes »<!-- --> | Atlantico.fr
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Patrick Clervoy a publié « Le hasard enchanté ou les forces de l’espoir » aux éditions Odile Jacob.
Patrick Clervoy a publié « Le hasard enchanté ou les forces de l’espoir » aux éditions Odile Jacob.
©S Franco Ferrer

Atlantico Litterati

Patrick Clervoy publie « Le hasard enchanté et les forces de l’espoir » aux éditions Odile Jacob. Patrick Clervoy s’intéresse aux mystères du psychisme humain.

Annick Geille

Annick Geille

Annick GEILLE est journaliste-écrivain et critique littéraire. Elle a publié onze romans et obtenu entre autres le Prix du Premier Roman et le prix Alfred Née de l’académie française (voir Google). Elle fonda et dirigea vingt années durant divers hebdomadaires et mensuels pour le groupe « Hachette- Filipacchi- Media » - tels Playboy-France, Pariscope et « F Magazine, » - mensuel féministe (racheté au groupe Servan-Schreiber par Daniel Filipacchi) qu’Annick Geille baptisa « Femme » et reformula, aux côtés de Robert Doisneau, qui réalisait toutes les photos d'écrivains. Après avoir travaillé trois ans au Figaro- Littéraire aux côtés d’Angelo Rinaldi, de l’Académie Française, AG dirigea "La Sélection des meilleurs livres de la période" pour le « Magazine des Livres », tout en rédigeant chaque mois pendant dix ans une chronique litt. pour le mensuel "Service Littéraire". Annick Geille remet depuis sept ans à Atlantico une chronique vouée à la littérature et à ceux qui la font : « Atlantico-Litterati ».

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«Médecin psychiatre, auteurde nombreux ouvrages, Patrick Clervoy ne cesse de s’intéresser au fonctionnement du psychisme humain, à ses mystères et sa part d’insondable. Pourquoi notre esprit semble-t-il fasciné par le hasard ? Et qu’est-ce au juste que le destin ? Une sorte de hasard qui commence et finit bien ?« On ne peut pas vivre sans se dire que tout est possible affirme Patrick Clervoy. La vie est un combat qui se nourrit des forces de l’espoir. Cette énergie formidable, c’est l’élan d’espérance qui anime l’humanité dans les progrès qu’elle accomplit pour se développer. Mais il y a dans notreesprit une contradiction. S’y trouvent mêlées la perspective que tout est possible avec la pensée que l’enchaînement des événements est dicté selon une finalité déterminée à l’avance. » A partir d'histoires étonnantes nées de sa propre expérience de médecin- psychiatre, l’essayiste explore notre manière de réagir aux épreuves de la vie. Il relate dans« Le hasard enchanté et les forces de l’espoir » ( Odile Jacob) notre quête incessante de sens et révèle comment et pourquoi une voie d'apaisement est possible, celle de l'enchantement. Au beau milieud’une actualité morose- pour ne pas dire déprimante-un livre d'espoir. 

Repères

« Patrick Clervoy est médecin psychiatre, professeur agrégé du Val-de-Grâce. Il est l'auteur d'ouvrages sur les traumatismes psychiques et les mécanismes inconscients de violence collective. Il a publié aux éditions Odile Jacob plusieurs ouvrages qui explorent les phénomènes de guérison « Le pouvoirs de l’esprit sur le corps » – et « Vérités ou mensonges », explorant les mécanismes psychologiques régissant l'emprise du mensonge sur un groupe. »

Vivre c’est chercher la beauté sous toutes ses formes

Patrick Clervoy ne cesse de s’intéresser au fonctionnement du psychisme humain, à ses mystères et à sa part d’insondable. Pourquoi notre esprit semble-t-il fasciné par le hasard ? « On ne peut pas vivre sans se dire que tout est possible. (…)Mais il y a dans notreesprit une contradiction. S’y trouvent mêlées la perspective que tout est possible et la pensée que l’enchaînement des événements est dicté selon une finalité déterminée à l’avance. »Patrick CLERVOY.

Extraits

« L’examen de notre fonctionnement psychique montre que, pour apaiser la pénible incertitude du futur, nous sommes continuellement en train de calculer les évènements à venir. Prévoir, c’est se rassurer. Notre faculté d’anticipation est stimulée en continu. Notre esprit construit le récit de notre vie.    Chacun se raconte : « J’ai été... je suis... je serai... » Anticiper, c’est se projeter dans l’avenir avec la mémoire du passé. L’homme apaise son inquiétude existentielle par sa capacité à comprendre le présent et prévoir l’avenir. Si un malheur survient, il l’explique par l’existence d’un mal antérieur ».

« L’idée que la valeur de nos actes pourrait influencer notre destin est très ancienne. Dans la mythologie grecque, à chaque faute que commettait un mortel, une Parque enlevait un brin au fil de sa vie.

Le constat est que, d’une manière générale, l’éducation laïque et religieuse invite chacun à regarder le malheur comme un châtiment. Réfléchir sur le destin à partir d’une faute de conduite n’est pas une perspective saine car on pourra toujours en trouver une dès lors qu’on la cherche. Et s’il n’y a pas de faute évidente à constater, on sera toujours prêt à en inventer une. Le catalogue des fautes est infini. Tous les jours on peut reprocher à quelqu’un un excès d’orgueil, un moment de paresse, un comportement égoïste, un mensonge, une trahison, que ce reproche soit justifié ou non ».

« Henri Ey considérait la conscience comme la plus extraordinaire faculté dont nous soyons dotés, qui nous offre de donner de la réalité à nos rêves et projeter du rêve dans notre réalité. Dans l’appareil psychique, la conscience est comme la surface de l’eau. En dessous, elle est animée par les émotions et les contenus imaginaires et au‐dessus par les perceptions du monde et les représentations que nous en construisons. Être conscient, résumait Henri Ey, c’est disposer d’un modèle personnel de son monde. C’est dire « Je pense », « Je sens » pour comprendre que nous sommes vivants et animés d’un projet que nous définissons de jour en jour. »

« Qu’est‐ce qu’on fait sur cette planète ? Est‐ce qu’on a un rôle ? Un observateur sagace dira qu’il voit des gens s’agiter et chercher à̀ comprendre si cela a du sens. La vie est apparue sur Terre il y a quatre milliards d’années. On voudrait comprendre le miracle de la vie. Comprendre ce quelque chose qui donne à un être vivant l’énergie et la direction de son existence. Dans les tentatives de réponse à ces questions cruciales, le monde intellectuel se divise en deux camps. Il y a ceux qui voient dans l’évolution du vivant le déroulement d’un merveilleux pro‐ gramme porté par une force créatrice universelle. À l’opposé, il y a ceux qui refusent cette idée et qui diront que l’être vivant représente l’exécution d’un programme qu’aucune volonté n’a choisi, qu’aucune intelligence n’a conçu. Ceux‐là reprennent la posture de Démocrite, ce penseur grec de l’Antiquité qui ne croyait plus aux dieux, qui disait que tout ce qui existait dans l’univers était le fruit du hasard et la nécessité́.

ceux‐là, le théologien répond qu’une telle organisation ne peut avoir émergé sans l’intervention d’une puissance supérieure. Teilhard de Chardin affirmait que la vie, selon ses propres mots, ne se diversifiait pas au hasard, mais suivait un chemin de conscience croissante. Ce faisant, il affrontait un dilemme. Il lui fallait examiner les dogmes religieux et les soumettre aux progrès de la connaissance. C’est un chemin qu’il fit en solitaire, entouré de membres de sa famille et de quelques amis fidèles.

L’absence de preuve que le développement de la vie soit le fait d’un projet « supérieur » ne prouve pas l’absence de ce projet. Si l’évolution se fait à l’aveugle, au gré des variations adaptatives montrées par Charles Darwin, elle conduit cependant à des formes de plus en plus complexes et performantes. Les imperfections dans les réplications du vivant n’ont fait qu’en améliorer les générations suivantes. On ne peut douter d’une finalité puisque le vivant se perpétue avec des performances augmentées qui permettent à l’homme de réfléchir sur sa place dans l’univers. Alors, même si on ne parvient pas à expliquer l’apparition du vivant, on peut s’émerveiller à l’observer. On peut chercher une émotion sans limite à contempler le miracle permanent de la vie. C’est la grande leçon que nous pouvons retenir des écrits de Teilhard de Chardin qui résumait « J’aime l’univers, ses énergies, ses secrets. »

« Au bout de ce chemin, il y a cette leçon simple :– L’existence est tragique.
– Seul compte le moment présent.
– Vivre consiste à se défendre contre le mal sous toutes ses formes.
– Le mal se combat par la quête de ce qui est beau.
– Vivre, c’est chercher la beauté, s’émerveiller et remercier l’univers.
Dans la Grèce antique, on montrait aux enfants comment accrocher aux branches des fils de laine.  À l’occasion, des poètes prenaient la lyre et chantaient. Les enfants faisaient le tour des habitations en dansant. Avec ces fils de laine, ils apprenaient à marquer la présence invisible des forces qui régissaient l’univers. On leur apprenait à enchanter le monde. Cela faisait partie de leur éducation.

L’enchantement n’est rien d’autre que la démarche de celui qui cherche à prendre conscience des liens qui unissent les objets pour comprendre les événements qui entrent dans sa réalité. Il y a les liens visibles que la science permet de mesurer. Et il y a des liens que l’on devine à peine et que nous ne comprenons pas. Ces liens invisibles excitent notre curiosité. On cherche à les expliquer avec plus ou moins de perspicacité. Hasard, destin, manifestations de puissances supérieures. Aucune physique ne peut démontrer que ces liens mystérieux existent, personne ne peut affirmer qu’ils n’existent pas.

Lors d’un entretien avec une patiente victime d’un traumatisme majeur, j’évoquais ces objets que portent parfois des rescapés pour se rassurer. Sans un mot, elle mit la main sous sa chemise et fit ressortir l’intérieur du vêtement. Il y avait deux petites médailles cousues sur un ruban. Elle m’expliqua que c’était sa tante, une religieuse, qui lui avait donné ces médailles. Après les avoir replacées contre son épaule elle me dit : « Si je ne les ai pas sur moi, il me manque quelque chose ».

Dans les pages précédentes, au fil des histoires racontées, ce « quelque chose » incessamment revient. C’est un phénomène qu’on ne peut saisir que par ses contours. Tous, nous ressentons que « quelque chose » est là, présent, permanent, au milieu de nos vies. C’est sur ce point que chacun peut, pour les plus heureux, se réjouir de son bonheur ou, pour les malheureux, se réconcilier avec les accidents de la vie. Nous pouvons tous être portés par l’intuition que « quelque chose », infime et puissant, nous réconforte et nous apporte l’espérance.»

Copyright Patrick Clervoy « Le hasard enchanté et les forces de l’espoir » (Odile Jacob) 256 pages 21,90 euros / Toutes librairies et « La Boutique »

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