Pas seulement des ressources énergétiques : tout ce que l’industrie française perd à l’interdiction de la recherche sur les gaz de schiste<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
La France ne peut pas se permettre de faire l’impasse sur les gaz de schiste.
La France ne peut pas se permettre de faire l’impasse sur les gaz de schiste.
©Reuters

Facture énergétique = 68 milliards

Un rapport parlementaire plaide pour l'exploration des ressources du sous-sol français, car la dépendance énergétique de la France lui coûte 83 % de son déficit commercial.

Jean-Claude  Lenoir

Jean-Claude Lenoir

Jean-Claude Lenoir est sénateur UMP de l'Orne et Maire de Mortagne-au-Perche.

Voir la bio »

Atlantico : Dans un rapport d’étape sur les gaz de schiste (voir ici) vous plaidez, avec son collègue le député socialiste Christian Bataille, pour une reprise de la recherche. Quels sont vos arguments ?

Jean-Claude Lenoir : En premier lieu, nous plaidons pour une reprise de la recherche afin que de nouvelles expérimentations soient faites à partir de quelques dizaines de puits. Le but est de pouvoir vérifier que la méthode qui est aujourd'hui généralisée en Amérique du Nord peut convenir à notre environnement. Enfin, nous proposons de pouvoir exploiter le gaz de houille qui, lui, n'a pas besoin de fracturation hydraulique.

Dans quelle mesure cette exploitation pourrait-elle constituer un atout pour l'économie française ?

Si les ressources sont avérées, comme on peut le supposer au regard des études fournies par les géologues, ceci nous permettrait de consommer, de préférence, des hydrocarbures présents sous nos pieds plutôt que de les acheter à l'étranger. Dans l'hypothèse où ces ressources seraient importantes, l’atout serait donc de taille pour la France. D’une façon générale, cette exploitation constitue, sans conteste, un enjeu économique important. De ce point de vue, les Etats-Unis constituent un très bon exemple.

Les blocages français sur la question du gaz de schiste font-ils que certaines entreprises envisagent leur avenir ailleurs qu’en France ?

On a observé que, parmi les plus grandes entreprises qui travaillent sur ces ressources figurent des leaders français dont l’activité essentielle est basée à l’étranger. Pour l’instant, compte-tenu de la loi, aucune entreprise française ne peut intervenir sur ce type d’opération, ce qui restreint bien évidement tout projet d’investissement. Le dossier est complètement fermé en France, comme cela est également le cas en Bulgarie.

Pourtant le chiffre d’affaires généré par ces entreprises françaises, dont l’activité est largement concentrée à l’étranger, à l’instar de Veolia qui retraite les eaux revenant à la surface ou bien de plus petites structures qui fabriquent les petites billes de céramique utilisées pour maintenir les microfissures ouvertes, est extrêmement important. A l’inverse, la part de leur chiffre d’affaires réalisée en France est très faible, générée seulement par les études qui y sont réalisées. Les opportunités pour l’économie française sont multiples, tant sur le plan de l’énergie que de l’industrie. C’est précisément en cela que certains disent qu’il s’agit d’une activité créatrice d’emplois.

A combien estimez-vous les chances de voir les conclusions de votre rapport reprises par le gouvernement ?

Rappelons que nous ne sommes que des parlementaires, et non pas des ingénieurs ou des scientifiques. Les réponses que nous avons fournies suite aux diverses auditions que nous avons réalisées nous permettent de partager nos convictions avec les décideurs politiques. La loi de juillet 2011, qui a fermé la porte à tout, a généré un consensus entre la droite et la gauche au regard de la sensibilité du sujet, et ce également à des fins électorales.  Actuellement les positions du gouvernement sont très contrastées. D’un côté Delphine Batho s’y oppose fermement, alors qu’Arnaud Montebourg soutient complètement notre travail. Il convient d’ajouter à cela ce qui a été essentiel dans le démarrage de notre travail, le rapport Gallois. On a préféré nous envoyer, non pas des félicitations explicites mais davantage de petits signaux comme celui du président François Hollande qui a déclaré, en novembre, ne pas s’y opposer si les conditions paraissaient favorables.

J’ai tendance à faire la comparaison avec ce qui s’était passé pour le stockage des déchets radioactifs. A l’époque, de nombreuses questions se posaient. Un rapport était alors sorti, et s’est finalement transformé en loi. A l’heure actuelle, ce que nous souhaitons, c’est une modification de la loi afin de permettre, au minimum, la poursuite de la recherche comme je l’ai déjà dit. On a d’ailleurs découvert  à ce propos que Madame Batho a signé à l’automne dernier  une circulaire qui interdit la réalisation de recherches sous-terraines par échographie comme aux Etats-Unis. C’est un point que lequel nous insisterons lorsque nous remettrons notre version définitive du rapport à l’automne.

De quelle manière les nouvelles méthodes d’extraction peuvent rassurer sur les conséquences de cette activité à l’égard de l’environnement et de la santé ?

Il convient justement, pour cela, de montrer comment les choses se passent exactement. Rappelons qu’en France, une quarantaine de puits ont été perforés par fracturation hydraulique, notamment en Seine-et-Marne où l’un des deux puits de pétrole exploités l’est de cette façon. Aucune différence avec le puits soumis à l’exploitation traditionnelle n’est à noter. Les techniques ont bien progressé depuis les premiers reportages consacrés à la fracturation hydraulique, permettant ainsi une fracturation dans les meilleures conditions qu’il soit. C’est un peu comme pour les voitures : il y a encore une dizaine d’années, on se plaignait de ces vieilles voitures qui circulaient en crachant un tas de particules dangereuses. Ceci nous avait alors conduits à nous interroger sur les alternatives possibles à l’automobile. La réponse a donc été la voiture d’aujourd’hui, bien plus propre.  Tout ceci est un long travail pédagogique qui va prendre un peu de temps, ce qui constitue d’ailleurs en partie notre mission.

Que répondez-vous à ceux qui craignent que le recours au gaz de schiste puisse aggraver notre dépendance aux hydrocarbures ?

Ceux qui disent cela sont malhonnêtes. Il n’a jamais été dit que nous devions consommer plus, mais que nous devions privilégier la consommation d’hydrocarbures issus de notre propre sol. Nous nous situons dans la perspective ouverte par le débat sur la transition énergétique, celle selon laquelle la part d’hydrocarbures va diminuer dans les quelques dizaines d’années à venir. Que la part d’hydrocarbures venant de notre sous-sol soit importante ne signifie pas consommer plus. J’ajouterai d’ailleurs que depuis que les Etats-Unis extraient leurs hydrocarbures, les émissions de CO2 ont sensiblement baissé. La raison tient au fait qu’ils utilisent beaucoup moins de charbon. Précisons toutefois que ce charbon est largement vendu à l’Allemagne, pourtant présenté comme un pays de référence par les écologistes – 40% de l’électricité y provient du charbon.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !