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Emmanuel Macron lors d'une visite en Arabie Saoudite le 4 décembre 2021
Emmanuel Macron lors d'une visite en Arabie Saoudite le 4 décembre 2021
©THOMAS SAMSON / AFP

Bouc-émissaires

Emmanuel Macron assume de vouloir "emmerder" les non-vaccinés, les reléguant au rang de bouc-émissaires. Une stratégie qui peut rappeler celle employée pendant la crise des Gilets jaunes

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : En conférence de presse avec Ursula Van Der Leyen, Emmanuel Macron a expliqué assumer ses propos sur le fait de vouloir emmerder les non vaccinés qu’il pointe comme responsable de la situation. Dans quelle mesure est-ce une logique du bouc émissaire à visée électorale ?


Christophe Bouillaud : Effectivement, cela se présente d’abord comme une stratégie de santé publique, mais, évidemment, il s’agit aussi d’une stratégie visant à « éviter le blâme » (blame avoidance dans le jargon de la science politique) lié aux conséquences de la pandémie de COVID-19 en désignant un groupe de responsables, les non-vaccinés. C’est très proche d’une stratégie visant à désigner un bouc émissaire à la vindicte populaire, et cela peut fonctionner électoralement. Il faut bien noter que cela fait partie d’un discours constant depuis le début de la pandémie où les gouvernements successifs insistent sur les responsabilités individuelles de chacun dans la maîtrise de l’épidémie et où ils diminuent leur propre responsabilité, tout au moins quand les choses se passent mal. C’est bien connu, ce n’est pas qu’il n’y ait pas eu de masques dans les stocks stratégiques, ce sont les Français qui, si on en avait eu, n’auraient pas su les mettre… 

De fait, il va de soi que cette stratégie de défausse sur les seuls mauvais citoyens irresponsables ne peut fonctionner que si les électeurs sont amenés à croire que le pouvoir en place n’a aucune responsabilité dans le fait même que certains de nos concitoyens ne soient pas vaccinés. Or cette prémisse me parait pour le moins largement discutable sur un plan factuel : nombre de non-vaccinés le sont sans doute à cause la défiance qu’a créé le gouvernement depuis 2020 dans sa gestion de la pandémie, et nombre de vaccinés sont tout simplement des personnes éloignées du système de santé parce que ce dernier ne couvre plus toute la population. La non-vaccination n’est pas qu’une histoire de mauvaise volonté individuelle. 

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Essaie-t-il, comme avec les gilets jaunes, de provoquer un réflexe légitimiste de la part de la population vaccinée pour susciter une adhésion en fédérant contre les non-vaccinés ?

Nous n’en sommes pas encore là, mais cela commence à ressembler à une telle stratégie. Pour l’instant, les hôpitaux ne sont pas trop débordés, et la vie économique et sociale se poursuit presque comme avant. C’est seulement si tout tournait très mal d’ici quelques semaines qu’il serait fort heureux pour Emmanuel Macron d’avoir des coupables tout trouvés pour le désastre, les non-vaccinés. 

Quoi qu’il en soit de cette éventualité, on a au moins cru comprendre que les stratèges électoraux de la majorité actuelle avaient déjà passé par pertes et profits les non-vaccinés, dont ils présupposent, sans doute à raison, qu’aucun ne votera plus pour eux. Mais est-ce qu’il s’agit de faire voter pour Emmanuel Macron en tant que grand emmerdeur des non-vaccinés ? C’est peut-être un peu tôt pour le dire.  

Emmanuel continue de compter sur une partie l'électorat de gauche, tentée par le vote utile en 2022, et sur une partie de l’électorat de droite séduite pendant son mandat. Dans quelle mesure faire vivre un clivage aussi primaire que vacciné-non vaccinés est-il une manière d’éviter d’avoir à se positionner sur un axe gauche-droite ?

Il me semble que ce clivage revient à réactiver, dans une autre forme, ce que des analystes ont appelé le « bloc bourgeois », cette union du centre-gauche et du centre-droit, qui caractériserait le « macronisme ». Dans le fond, le gros des classes supérieures et des classes moyennes supérieures a bien compris l’intérêt de la vaccination, comme en témoignent les données de vaccination disponibles. Seules les personnes les plus extrêmes dans leurs convictions politiques sont séduites par le discours anti-vaccination. Il y a bien sûr aussi la petite minorité des anti-vaccins historiques. Du coup, pourquoi ne pas tenter de réactiver ce clivage entre les membres du « cercle de la raison » et les autres électeurs autour de la vaccination ? Ce n’est pas vraiment pour éviter de se positionner sur l’axe droite-gauche, mais il s’agit occuper fermement une position centrale, celle qui correspond à des électeurs pour lesquels globalement la France ne va pas si mal que cela, et pour lesquels la gestion de la pandémie par Emmanuel Macron est plutôt satisfaisante. 

Cette option peut fonctionner électoralement, tout au moins tant que la vaccination est en mesure de limiter vraiment l’ampleur de l’épidémie. Emmanuel Macron semble en effet avoir fait le pari de ne pas recourir du tout à des mesures de fermeture de la vie sociale et économique, et compte sur l’efficacité de la vaccination pour limiter l’ampleur de la vague Omicron. Nous verrons si son pari s’avère gagnant. 

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