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Nucléaire iranien : premiers pas vers l'accord qui révolutionnera la scène internationale
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Engagées en octobre dernier, les discussions entre l'Iran et le groupe des 5+1 (Etats-Unis, France, Chine, Russie, Grande-Bretagne et Allemagne) reprennent jeudi 7 et vendredi 8 novembre à Genève.

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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Atlantico : L’Iran et les grandes puissances (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne) se retrouvent ce jeudi à Genève afin de négocier les termes d’un accord sur le programme nucléaire de Téhéran. Engagées en octobre dernier, les discussions ont pour sujet la réduction du programme nucléaire iranien en échange d’un allégement des sanctions de la part du groupe des 5+1. Mais quels sont les véritables enjeux des discussions ? Qu’est-ce qui se joue à Genève durant ces deux jours ?

Ardavan Amir-Aslani : Le groupe de 5+1 (les membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU plus l’Allemagne) cherche avant tout à s’assurer que l’Iran ne se dote pas de l’arme nucléaire. Les grandes puissances vont donc s’employer à obtenir des iraniens un arrêt de l’enrichissement à 20% et la transformation de l’uranium déjà enrichi à ce niveau en fuel pour un usage exclusif par des recteurs civils.

Ils chercheront également à obtenir de l’Iran l’adhésion de ce pays au protocole additionnel du Traité de non-prolifération qui impose des inspections intrusives surprises ainsi qu’une réduction du nombre de centrifugeuses qui aujourd’hui avoisine les 20 000. Tout cela afin de rendre détectable rapidement la course à la bombe que l’Iran pourrait vouloir mener. Il ne s’agit que de faire en sorte à ce que les grandes puissances disposent du délai nécessaire afin d’intervenir militairement pour le cas où l’Iran chercherait ouvertement ou en cachette à fabriquer une bombe nucléaire. En fait, à assurer la non-prolifération nucléaire dans la région et à apporter aux pays arabes du golfe persique ainsi qu’à Israël des garanties de sécurité.

Si les grandes puissances demandent expressément à l’Iran de cesser d’enrichir l’uranium à des degrés proches de la militarisation, l’Iran ne souhaite pas renoncer à la possibilité d’enrichir sa production d’uranium. Pourquoi l’uranium est à la base de ces négociations ? En quoi le programme iranien menace l’équilibre international ?

Ce n’est pas tant le nucléaire iranien qui menace l’équilibre international que la perception des grandes puissances que la République Islamique d’Iran cherche à développer l’arme nucléaire. Si l’Iran était perçu comme un allié de l’Occident, la question ne se poserait même pas. N’oublions pas que la quête du nucléaire par l’Iran date de l’époque impériale et les années 70. Etonnamment, preuve en est que le Pakistan qui est un pays militairement nucléaire semble ne pas trop inquiéter l’Occident alors qu’il n’est même pas signataire du TNP et qu’il a mené trois guerres contre l’Inde depuis la partition des Indes britanniques.

Pourquoi l’Iran tient-il à produire de l’uranium ? Est-ce une ressource première pour l’Iran ?

L’Iran qui recèle en son sein les premières réserves gazières au monde devant la Russie (d’après le Statistical Review of World Energy publié en juin 2013 par BP) et les troisièmes réserves pétrolières prouvées, n’a pas besoin du nucléaire pour des besoins énergétiques même si les mêmes craintes environnementales et de développement durable qui prévalent ailleurs sur l’usage des hydrocarbures fossiles peuvent trouver application aussi en Iran. Il se trouve que l’enrichissement de l’uranium n’a pas pour finalité que la production d’une bombe. En effet le nucléaire civil a aussi un rôle primordial dans de nombreux domaines en dehors du domaine énergétique. Ainsi le nucléaire civil joue un rôle en matière de santé (lutte contre le cancer et diagnostic), agriculture, nutrition, accès à l’eau, L’AIEA considèrent même que ces applications doivent bénéficier, en particulier à des Etats en développement.

Par ailleurs, l’histoire a démontré que tous les pays qui ont maitrisé le nucléaire ont fait un bond en avant technologique. Les Iraniens cherchent ainsi à non seulement profiter des avancées techniques que la maitrise du nucléaire apporte à leurs industries de surcroit à s’assurer un positionnement de premier plan dans la région qu’ils considèrent comme leur zone naturelle d’influence.

Alors qu’Israël et une partie du Congrès Américain s’opposent à ces négociations, peut-on imaginer que ces discussions puissent aboutir ? Sur quels points peuvent s’entendre les parties opposées ?

Les parties ont conscience qu’un accord préalable ne peut être obtenu d’un coup cette semaine. Elles considèrent qu’il convient de procéder, étape par étape et point par point. C’est d’ailleurs ce qui a été convenu entre le président iranien et le président Obama à l’occasion de leur entretien téléphonique historique il y a moins de deux mois. Chacun sait que lors de cette rencontre un accord global ne peut être obtenu et qu’il s’agira pour les deux parties de procéder étape par étape. Ainsi il ne faut pas s’attendre à ce que tous les souhaits des grandes puissances soient réalisés dès cette semaine.

Les Iraniens exigeront en retour du ralentissement ou de l’arrêt momentané de leur programme nucléaire des avantages en retour, notamment une réduction graduelle des sanctions. Bien entendu, ils ne s’attendent pas à ce que les sanctions visant leur secteur pétrolier ou bancaire soient enlevées de suite. Ils espèrent en revanche une modification des sanctions de manière à rapatrier partiellement leurs avoirs bloqués à l’étranger et/ou à vendre des produits pétrochimiques. Il convient de noter que le régime des sanctions qui frappent l’Iran est le plus sévère qui ait été imposé à quelque pays que ce soit depuis la deuxième guerre mondiale. Même les sanctions cubaines sont moindres. Chacun est conscient que l’accord définitif prendra au moins encore six mois et sa transposition sur un plan pratique six mois de plus. L’essentiel étant que, phase par phase, les deux parties puissent accorder des concessions réciproques. Et ce alors que les deux principaux protagonistes, l’Iran et les Etats-Unis, ont leur propres conservateurs réactionnaires à calmer parallèlement à l’avancé des négociations. A cet égard rappelons, la volonté de certains des sénateurs américains de relancer des débats sur un alourdissement du régime des sanctions à l’encontre de l’Iran dès ce vendredi.

Je pense qu’il y a de fortes chances que les iraniens décident d’un arrêt de l’enrichissement à 20% et la transformation de l’uranium d’ores et déjà enrichi à ce niveau en fuel pour un usage civil. Ils pourront ainsi n’enrichir qu’à 3,5 ou 5% pendant six mois de manière à créer une relation de confiance. L’Iran, pour sa part, cherche à obtenir en échange des concessions sur son programme nucléaire, un allégement des sanctions économiques qui étouffent son économie.

Quelles seraient les conséquences à court et long terme d’une telle entente ?

La conséquence majeure serait le retour de l’Iran dans le concert des nations. Ce retour bouleversera la donne géopolitique internationale. Le retour de l’Iran dans le système économique mondial sera le plus grand rajout depuis l’intégration du bloc soviétique.

Avec ses 80 millions d’habitants éduqués et ses ressources énergétiques pharaoniques, le pays deviendra une puissance industrielle majeure et un marché économique important. Certains parlent déjà d’une deuxième Chine au Moyen Orient. Toutes les alliances régionales seraient modifiées. Les pays arabes du golfe persique seraient relégués au deuxième rang. Les Etats-Unis basculeront du sud du golfe persique vers le nord (Iran et Iraq). A terme, le conflit israélo-palestinien serait dépassionné. Le Hezbollah intégrerait la vie politique libanaise pacifiquement. Les Etats-Unis avec une alliance iranienne pourraient aussi contenir l’essor de la Chine.

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