Nouvelle contre-offensive russe en vue en Ukraine : même cause, mêmes effets ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'armée russe prépare une contre-offensive en Ukraine.
L'armée russe prépare une contre-offensive en Ukraine.
©YASUYOSHI CHIBA / AFP

Guerre en Ukraine

Alors que le premier anniversaire de la guerre en Ukraine approche, l'armée russe est en pleine contre-offensive.

Jérôme Pellistrandi

Jérôme Pellistrandi

Le Général Jérôme Pellistrandi est Rédacteur en chef de la Revue Défense nationale.

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Emmanuel Dupuy

Emmanuel Dupuy

Emmanuel Dupuy est enseignant en géopolitique à l'Université Catholique de Lille, à l'Institut Supérieur de gestion de Paris, à l'école des Hautes Études Internationales et Politiques. Il est également président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). 

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Atlantico : Que sait-on de la contre-offensive russe qu’on semble observer actuellement ?

Jérôme Pellistrandi : Depuis plusieurs jours, on assiste à un effort conséquent des forces russes, l’armée régulière et Wagner, autour de Bakhmout. Il y a une pression très forte pour enfoncer la ligne de front autour de la ville. Cette dernière, qui recensait 60 000 habitants au début de la guerre, n'en compte plus que 6000. Les Russes semblent avoir l’objectif de prendre cette ville rapidement afin d’afficher une forme de victoire. Notamment en agissant avant l’arrivée des renforts blindés occidentaux. Ils essaient de reprendre une dynamique offensive positive avant que l’armée ukrainienne ne reprenne des forces. C’est une course contre la montre. La question qui se pose c’est : est-ce que nous assistons à l’Offensive de printemps ou bien y a-t-il un risque d’autres offensives pour à nouveau attaquer Kiev ? Les Russes ont sans doute appris de leurs erreurs, donc vont-ils risquer de se casser les dents sur Kiev ou sur Kharkiv, difficile à dire. La seule certitude c’est que les Russes ne sont pas dans une dynamique d’apaisement ou de réduction des combats pouvant mener à la table des négociations.

Emmanuel Dupuy : C’est une contre-offensive qui se déroule déjà depuis plusieurs semaines. On constate que les Russes sont dans la mobilisation permanente. Il y a une volonté de conquérir des territoires de manière imparfaite depuis plusieurs mois. Cela fait presque six mois qu’il y a des offensives sur les villes de Bakhmout ou Soledar, et cela ne leur a permis d'avancer que de quelques kilomètres. C’est une technique de grignotage régulière. Il y a des avances de part et d’autre, mais je ne suis pas certain que cela peut être appelé une « contre-offensive ».

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Les Russes mobilisent de plus en plus d’ordres, sans avoir nécessairement les équipements militaires qui accompagnent cette mobilisation. Au-delà des 140 000 soldats tués selon les autorités ukrainiennes, elles affirment avoir détruit 1 700 chars russes. Or les Russes en avaient 3 000 sur le territoire. Par ailleurs, en abandonnant des équipements (blindés, chars de combat, véhicules de transports de troupes), les Russes donnent aux Ukrainiens le moyen de se renforcer.

L’approche de la date anniversaire du début de la guerre joue-t-elle dans le déroulement des évènements ?

Jérôme Pellistrandi : Bien sûr. Du côté ukrainien, cela peut donner le sentiment que « c’est dur mais on tient le coup ». Et du côté russe c’est un rappel que l’opération militaire qui devait être rapide est un fiasco et que les objectifs militaires de Poutine ne sont pas remplis. Et la Russie a construit un nouveau rideau de fer avec l’Ouest. Si les plans de la Russie avaient réussi, l’Occident aurait été mis devant le fait accompli. Mais actuellement, il semble exclu tout rapprochement entre la Russie et l’Ouest. Nous sommes dans une nouvelle phase et, pour Poutine, il y a urgence à gagner la guerre.

Les Ukrainiens étaient-ils préparés à cette éventualité d’une contre offensive ?

Jérôme Pellistrandi : Oui, les Ukrainiens sont efficaces depuis le début du conflit mais le temps joue plutôt contre eux, malgré l’aide occidentale et notamment pour des raisons démographiques. Vladimir Poutine dispose d’une ressource humaine quasiment illimitée, pas l’Ukraine. Moscou pense avoir la profondeur stratégique qui l’a déjà sauvée par le passé. L’Ukraine, elle, sans aide, risque de s’effondrer face à une Russie jusqu’au-boutiste. Dans la phase actuelle, l’objectif des Ukrainiens, c’est tenir la ligne de front autant que possible et tenir en attendant les équipements lourds. Mais ils ne seront pleinement opérationnels qu’en mars ou avril. C’est ce laps de temps qu’il faut tenir en limitant les pertes humaines et territoriales.

Emmanuel Dupuy : Des drones ukrainiens ont pris des images pour prévenir les offensives russes. Puis les autorités ukrainiennes ont miné les routes, déployé les pièces d’artillerie à portée de tir, à savoir les obusiers américains M777, les canons César ou encore les lance-roquettes. La ligne de front est en train de se renforcer, donc on est dans une logique de guerre de position.

Quelle est la position de Vladimir Poutine aujourd'hui ?

Emmanuel Dupuy : Le 21 février prochain, Vladimir Poutine fera un grand discours, après un an de guerre en Ukraine, pour tenir informée l’opinion russe sur l’état de l’opération spéciale, mais il est peu probable qu’il dira la vérité sur le nombre de morts par exemple. Il està noter que Joe Biden interviendra le lendemain en Pologne, qui aspire à devenir le principal allié militaire en Europe à l'aune des achats considérables que la Pologne a effectués depuis plusieurs mois. De plus, Vladimir Poutine va se targuer d'avoir obtenu le rattachement des quatre oblasts (ou régions) le 30 septembre dernier : Lougansk, Kherson, Zaporijjia et Donetsk. C’est surtout à Lougansk que les Russes ont atteint leur objectif, avec 98% du territoire conquis. 

Au total, 7,15% avait été conquis par la Russie depuis 2014 et avant le 21 février. Après le début de l’opération spéciale militaire, ce chiffre est monté jusqu'à 22% du territoire, mais ils n’en ont plus que 18% aujourd’hui. Les Russes ont perdu certains territoires qu’ils avaient conquis le 21 février dernier (notamment autour de Kharkiv et de Kherson). 

Il est évident que Vladmir Poutine emploie de plus en plus de moyens dans cette guerre. Il a d'ailleurs confié la direction de l'opération militaire spéciale à son chef d’état-major à son chef Valeri Guerassimov, et il essaye de récupérer les très modestes gains territoriaux obtenus par Wagner, ce qui entraine également des tensions entre le Kremlin et Prigojine (chef des mercenaires de Wagner).  

Enfin, on parle de moins en moins de dénazification ou de démilitarisation, mais plutôt de l'obtention de la libération totale du Donbass. C'est en tout cas l'objectif du président russe. 

Les Russes peuvent-ils réussir leur action ?

Jérôme Pellistrandi : Ils peuvent grignoter du terrain et progresser un peu. Mais admettons qu’ils arrivent à récupérer Bakhmout, quel objectif ensuite ? Et surtout à quel prix. Même s’ils réussissent, ce sera une victoire à la Pyrrhus. Et il leur faudrait des mois pour atteindre l’intérieur de l’Ukraine. Prigogine a parlé d’un an et demi pour réussir à conquérir la totalité du Donbass.

Les Etats-Unis ont appelé leurs ressortissants à quitter immédiatement la Russie, la France a fait de même pour la Biélorussie. Est-ce le signe d’une inquiétude particulière ? Peut-être que la menace est particulièrement sérieuse ?

Jérôme Pellistrandi : Oui cela répond sans doute à une inquiétude, mais le ministère des affaires étrangères français n’a pas communiqué officiellement sur quelles sont ses menaces. Nous sommes dans une situation qui rappelle celle d’il y a un an quand on a demandé aux ressortissants de quitter la Russie peu avant l’annonce du début de l’opération.

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