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Nous vivons un des hivers les moins froids jamais enregistrés et la cause nous vient droit du... Pôle Nord
©STEPHANIE KEITH / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Oscillation Arctique

Des conditions climatiques particulières cette année au Pôle Nord ont entraîné un hiver extrêmement doux en Amérique du Nord, en Europe et en Russie, un des plus chauds jamais enregistrés selon certains experts. Comment ce phénomène a-t-il pu surprendre certains météorologistes ?

Frédéric Decker

Frédéric Decker

Météorologue - Climatologue à MeteoNews et Lameteo.org

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Atlantico.fr : Des conditions climatiques particulières cette année au Pôle Nord vont entrainer un hiver extrêmement doux en Amérique du Nord, en Europe et en Russie, un des plus chauds jamais enregistrés selon certains experts. Les raisons sont toutefois plus complexes qu'on pourrait le penser. 

Pouvez-vous nous décrire ce phénomène? Pourquoi semble-t-il surprendre certains météorologistes ?

Frédéric Decker : Cet hiver 2019-2020 a effectivement été marqué par un vortex polaire survitaminé. Le vortex polaire (ou tourbillon polaire) est une dépression d'altitude récurrente très étendue, autour de 1000 km de diamètre en moyenne, localisée près d'un des pôles géographiques. Ces centres dépressionnaires se forment dans la haute et moyenne troposphère et dans la stratosphère.

Ces zones dépressionnaires sont liées à un cœur d'air froid et fabriquent des anticyclones thermiques dans le sillage d'un front polaire, car lorsque la masse d'air se contracte et devient plus dense, elle exerce une forte pression vers le sol. Le vortex polaire s'intensifie donc en hiver et s'affaiblit en été parce qu'il dépend de l'écart thermique entre l'équateur et les pôles.

Lorsque ce vortex polaire est puissant, plus étendu que la normale comme cet hiver et fixé au-dessus du pôle, il est moins susceptible de descendre vers le sud, vers le Canada, les Etats-Unis ou l'Europe par exemple. La douceur exceptionnelle de cet hiver, le plus chaud en France notamment, en est en grande partie la conséquence. C'est également le cas au Québec avec +1,1 degrés d'écart à la normale en décembre, +3,9 degrés en janvier (le plus chaud connu) et un écart plus réduit en février, +0,6 degré.

Il a pu surprendre certains météorologistes qui s’attendaient peut-être à un hiver plus froid que la normale. Les tendances pour l’hiver étaient pourtant très claires sur l’Europe avec une douceur humide annoncée pour les trois mois d’hiver, événement que j’avais moi-même prévu sur mon site dans mes tendances saisonnières.

Il est donc surprenant qu’ils soient surpris…

Ce phénomène étant extrêmement aléatoire, on peut raisonnablement penser qu'il s'est déjà produit dans un passé plus ou moins lointain ? 

Le vortex polaire apparait tous les hivers, de façon plus ou moins prononcée. L’indice de l’oscillation Arctique (AO) permet de voir si le vortex est très concentré comme cet hiver avec un indice très positif, ou au contraire peu marqué avec un indice négatif. On voit sur ce graphique (voir fichier joint) qu’il se produit irrégulièrement d’une année sur l’autre, avec quelques anomalies récurrentes, notamment une succession d’hivers ayant connu un vortex polaire très présent et fort au cours des années 90 et donc une NAO souvent positive, avec un pic en février 90, mois extrêmement tempétueux, plus encore que cette année. Ces hivers étaient doux et humides en Europe et en France. Depuis les années 2000, on est finalement revenu à une alternance relativement équilibrée. Le record de faiblesse est d’ailleurs récent, appartenant à l’hiver 2010, certes très froid et neigeux, mais loin des grands hivers des années 80, 1963 ou 1956. 

Pourquoi alors susciter une telle émotion ? Peut-on le relier avec un phénomène de réchauffement climatique généralisé comme semble le croire certains ?

Les moindres soubresauts météorologiques ou climatiques sont souvent trop rapidement reliés au réchauffement climatique. Alors qu’en prenant ne serait-ce qu’un peu de recul, on se rend compte que la plupart de ces phénomènes font tout simplement partie de la variabilité naturelle de notre climat. Et c’est encore le cas pour le vortex polaire ! Le graphique n’indique pas de tendance particulière. Et on ne peut pas bien évidemment tirer de conclusions sur un seul hiver atypique comme cette année. On aurait pu en faire autant en 2010 avec un vortex très peu concentré, propice aux vagues de froid en Europe… Aucun lien donc avec le réchauffement climatique moderne. Un de nos prochains hivers pourrait être radicalement différent, question de variabilité naturelle du climat !

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