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Noël est devenu la fête des familles, qu'elles soient chrétiennes ou non
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Auberge espagnole

Toutes les religions célèbrent à leur manière les changements de saison mais aujourd'hui, c'est le Noël chrétien qui l'a emporté par KO. Toute la société se l'est réappropriée, au prix d'une déchristianisation de la fête.

Raphaël Liogier

Raphaël Liogier

Raphaël Liogier est sociologue et philosophe. Il est professeur des universités à l'Institut d'Études Politiques d'Aix-en-Provence et dirige l'Observatoire du religieux. Il a notamment publié : Le Mythe de l'islamisation, essai sur une obsession collective (Le Seuil, 2012) ; Souci de soi, conscience du monde. Vers une religion globale ? (Armand Colin, 2012) ; Une laïcité « légitime » : la France et ses religions d'État (Entrelacs, 2006).

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Atlantico : La fête de Noël a-t'elle des racines autres que chrétienne ?

Raphaël Liogier : Du point de vue purement théologique, Noël est une fête spécifiquement chrétienne : c'est la naissance supposée de Jésus. C'est cette période que l'on appelle la nativité, qui a donné lieu à une multitude d'interprétations, y compris à l'intérieur même du christianisme. Par exemple, certains mouvements protestants ne fêtent pas Noël parce qu'ils considèrent que c'est une fête païenne. Le 25 décembre est en effet le jour du solstice d'hiver, c'est à dire le moment où la lumière est la plus basse, et c'était à l'origine l'occasion de fêtes païennes. A posteriori seulement, l’Église catholique a interprété le choix de cette date en disant « si c'est le jour du solstice d'hiver qui a été choisi, c'est parce que c'est le moment où nous sommes dans les ténèbres et nous attendons le retour de la lumière. Le moment où la lumière commence, c'est le moment de la naissance du christ. »

Les autres religions n'ont pas de célébrations correspondantes ?

Toutes les religions fonctionnent sur le rythme des saisons, du chamanisme à l'hindouisme en passant par le bouddhisme. Le changement des saison est tout le temps l'objet de célébrations particulières. Il existe par exemple il y a une retraite d'hiver spécifique au bouddhisme.

Mais le 25 décembre est une date spécifique à la chrétienté. Dans le monde juif, il existe la fête que l'on appelle Hanouka, on appelle aussi parfois la fête des lumières. Elle se réfère à l'édification du second temps à Jérusalem et à la lutte des juifs contre l'empire hellénistique. Comme elle correspond à peu près au solstice d'hiver, il y a beaucoup de familles juives qui ont tendance à mêler les deux, c'est à dire à traduire Noël par Hanouka. C'est assez fréquent, même si c'est pas exactement au même moment : Hanouka peut avoir lieu entre le 20 et le 28 décembre. Aux Etats-Unis, il y a presque une assimilation entre Hanoucca et Noël. En Europe c'est moins fréquent.

Mais est-ce une fête purement religieuse ?

Depuis le milieu du 20ème siècle, dans les sociétés industrielles avancées et de culture occidentale (Europe, Australie, Amérique du Nord), Noël est devenu un phénomène commercial majeur, l'objet d'une célébration marketing. Tout le monde achète des cadeaux, croyants ou athées. Le symbole du père Noël a lui-même dépassé la symbolique originelle. Aujourd'hui, de moins en moins de gens savent que le père Noël, avec sa barbe blanche, c'est Saint-Nicolas, et plus personne ne s'y intéresse. Le père Noël, c'est celui qui est dans les grand magasins. C'est une croyance généralisée, qui est l'objet de rituels particuliers, d'une manière de se comporter, de donner des cadeaux, que tout le monde pratique, même si on est athée. Sauf si on est un athée revendiqué. Aux États-Unis, ce sont plutôt des groupes extrémistes protestants qui peuvent éventuellement refuser de fêter Noël, de façon très rare. En France, les extrémistes sont plutôt du côté des laïcistes durs, qui se refusent à pratiquer Noël parce que c'est une fête catholique, qui sont eux-aussi une extrême minorité, peut-être quelques centaines de personnes.

Noël est donc une fête complètement sécularisée ?

Ce qui caractérise les gens, ce n'est pas s'ils fêtent Noël ou non, c'est plutôt leur manière de le fêter, l'intensité avec laquelle ils le font. Dans les familles catholiques, on va à la messe de minuit, on mange un repas traditionnel qui comporte une dinde, on prépare la crèche, on suit le principe du calendrier de l'avent... Et puis il y a la partie la plus populaire, le cercle le plus large, qui comprend des athées, qui fêtent Noël en se faisant des cadeaux et en mangeant en famille.

On peut opposer Noël au 31 décembre. Le 31 décembre, on va à l'extérieur, on sort, on visite ses amis. Noël est devenue une fête familiale par excellence, que l'on soit catholique, juif ou musulman...

Pour les musulmans, ce qui est intéressant, c'est qu'il n'y a pas de fêtes spécifiques qui peuvent être assimilées à Noël. Il existe donc des débats assez complexes sur le fait de fêter Noël ou non. Il est par exemple écrit dans le Coran que l'on ne doit pas être en contradiction avec la société dans laquelle on vit, donc si les gens se réjouissent, il faut se réjouir avec eux. Certains l'utilisent comme argument en faveur de Noël. D'autres arguent du fait que Jésus est considéré comme un très grand prophète dans l'Islam, et que l'on peut donc célébrer sa naissance.

Dans tous les cas, Noël est devenu une fête familiale.

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