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New York Shanghai en fusée en 30 min : le nouveau projet fou d’Elon Musk est-il crédible ?
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Rêve

Elon Musk a présenté, en marge de son plan pour coloniser Mars, un projet permettant d'utiliser des fusées pour se déplacer d'un point à l'autre de notre planète.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : Le milliardaire Elon Musk, dirigeant de Space X, a indiqué lors du congrès international d'astronautique (IAC), jeudi en Australie, vouloir développer des vols en fusée pour relier tous les points de la planète en moins d'une heure, et ce, en utilisant un nouveau modèle de lanceur développé par sa société. Un tel projet est-il réalisable ?

Olivier Sanguy :Sur le plan purement technique, cette idée fonctionne. C'est même en fait un concept ancien envisagé par les pionniers de l'astronautique. Mais à cette époque-là, avant la seconde guerre mondiale, on parlait surtout d'un bombardier capable d'aller larguer sa sinistre cargaison à l'autre bout de la planète ! Le plus connu de ces projets est le bombardier antipodal (ou Silbervogel pour oiseau d'argent) de l'ingénieur autrichien Eugène Sänger (1905-1965), un appareil qui allait suffisamment haut pour "rebondir" sur l'atmosphère et atteindre sa cible. Le BFR, pour Big Falcon Rocket, d'Elon Musk en version "terrestre" pour ainsi dire reprend une partie de ce principe, mais apparemment sans les rebonds. En gros, il s'agit d'une fusée habitée qui ne se met pas sur orbite, mais profite du fait de quitter l'atmosphère pour survoler la planète à 27000 km/h et enfin se poser en rétropropulsion. Il n'y a là aucune technique réellement nouvelle à mettre au point. Sur le papier, ça marche. Reste bien évidemment les contraintes d'une utilisation en réel !

Quelles sont les contraintes techniques qui pourraient s'opposer à un tel projet ?  Quels sont les délais envisageables pour en arriver à une telle révolution du transport ?

Les contraintes sont à la fois dans les détails et les dimensions hors norme de l'engin envisagé : 106 m de haut et 4400 tonnes au décollage ! Dans les détails, car si toutes les techniques requises existent, certaines sont très poussées. Je pense plus particulièrement aux gigantesques réservoirs en fibre de carbone pour le méthane et l'oxygène liquides qui y seront stockés à des températures très basses, environ -180 °C, ce qui implique des contraintes énormes. Il ne faut pas oublier les propulseurs Raptor qui présentent des performances importantes et donc à nouveau des contraintes très fortes en ce qui concerne par exemple la pression de la chambre de combustion. En plus il faudra gérer simultanément 31 de ces moteurs pour le premier étage du BFR ! Mais il est à noter 2 choses. Tout d'abord le BFR d'Elon Musk n'est pas qu'une fusée de papier. Elle capitalise sur certains concepts que SpaceX emploie aujourd'hui avec succès sur ses fusées Falcon 9, notamment la phase de retour rétropropulsé du premier étage. De plus, les équipes de SpaceX ont concrètement testé un prototype de réservoir en fibre de carbone jusqu'à sa pression de rupture. Un test couteux ! De même, le propulseur haute performance Raptor est en développement et là aussi les tests ont commencé.

Le gros problème reste le calendrier qui, comme toujours avec Elon Musk, s'avère optimiste. Il a même plaisanté à ce sujet lors de sa conférence au congrès d'astronautique que vous évoquez puisqu'il envisage les premiers vols habités sur Mars avant 2030. Pourquoi je vous parle de Mars ? Car l'énorme engin présenté pour des voyages rapides à l'autre bout du monde est un dérivé de celui qui doit faire d'une réalité les vols habités vers Mars. Il ne faut pas oublier que la société d'Elon Musk, SpaceX, accomplit des vols cargo vers la Station Spatiale Internationale pour le compte de la NASA, sous contrat, et doit bientôt y transporter les astronautes de cette agence. Avec ce concept, Musk souligne que son rêve martien repose sur un engin qui peut servir aux projets de la NASA qu'il s'agisse de la Station Spatiale Internationale (il a montré une version de l'engin allant vers cette station) ou pour aider à l'établissement d'une base lunaire. Au final, le calendrier dépendra, outre les défis du développement technique, des investissements. Et la version permettant des vols longue distance sur notre planète en moins d'une heure adresse un message clair aux investisseurs : c'est un moyen de rentabiliser plus rapidement une infrastructure qui coutera au bas mot dans les 10 milliards de dollars à mettre au point.

Dans le cas ou tel projet arrivait à son terme, quelles seraient les conditions de transport à envisager pour les passagers ? Comment pourrait se dérouler un tel "vol" pour une personne non préparée ?

Le profil de vol n'a pas été détaillé, mais ce qui est montré semble avoir les caractéristiques classiques d'un vol suborbital. Ceci implique au décollage éventuellement jusqu'à 3g, donc les passagers subiront 3 fois leur poids. Et peut-être un peu plus en phase de retour lors de la décélération. Et entre les deux, il y aura une phase d'impesanteur. Ce ne sont pas des conditions trop difficiles à supporter sur le plan de la santé, mais ce peut être clairement inconfortable pour du transport de masse de style aérien. Il sera intéressant de voir si les ingénieurs de SpaceX peuvent mettre au point un profil de vol plus "doux".

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