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Municipales : Marine Le Pen maintient sa fervente opposition à l’union (locale) des droites
©JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Pas d'union à l'horizon

Marine Le Pen a déclaré vouloir prouver la capacité de rassemblement du RN en soutenant la candidature aux municipales de l'ex-président LR de l'Hérault à Sète. Elle a pourtant démenti toute prise de position en faveur de l'union des droites.

Guillaume  Bernard

Guillaume Bernard

Guillaume Bernard est maître de conférences (HDR) à l’ICES (Institut Catholique d’Etudes Supérieures). Il a enseigné ou enseigne dans les établissements suivants : Institut Catholique de Paris, Sciences Po Paris, l’IPC, la FACO… Il a rédigé ou codirigé un certain nombre d’ouvrages dont : Les forces politiques françaises (PUF, 2007), Les forces syndicales françaises (PUF, 2010), le Dictionnaire de la politique et de l’administration (PUF, 2011) ou encore une Introduction à l’histoire du droit et des institutions (Studyrama, 2e éd., 2011).

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Atantico : Le soutient de Marine le Pen à Sébastien Pacull n'était-il pas seulement conjoncturel, expliquant ce qui aussi s'apparenter à un revirement éclair ?

Guillaume Bernard : Il me semble qu'elle s'enferre par son démentis dans sa stratégie du ni droite ni gauche. Pour autant, le RN est confronté a une vraie difficulté pour présenter des listes aux municipales. Il a de nombreux électeurs mais très peu de candidats, d'élus et de collaborateurs d'élus... Elle doit donc consentir à porter son soutien à d'autre listes non RN sans pour autant accepter l'idée d'une unité de la droite.

La stratégie du RN n'est-elle pas en définitive plus portée sur la prédation de l’électorat et des élus LR ? Etant donné la fragilité actuelle de ce dernier, n'est-ce pas une stratégie potentiellement plus payante ?

Je crois que le RN aurait tout intérêt d'essayer de capter l’électorat et les élus locaux de droite qui refusent la convergence Macron, étant donné que les digues psychologiques sont tombées. Maintenant elle fait partie de ce personnel politique, à l'image de Nicolas Dupont-Aignant, qui confond l'union avec la fusion/absorption. Dans cette optique, elle veut des ralliés et non pas des alliés. Et c'est toute la limite de sa stratégie. 
Elle parie effectivement sur le l'implosion à moyen terme de LR. Mais elle sait aussi qu'elle n'est pas nécessairement la candidate naturelle à droite. A ce titre, le fait qu'elle se soit annoncée comme candidate pour 2022 si tôt est selon moi le signe d'une certaine fébrilité. Dès lors, sa prise de position à Sète m’apparaît plus comme un cas d’espèce plus qu'un revirement dans sa stratégie. Quand à l’implosion de LR, c'est effectivement une possibilité. Il faut toutefois rester prudent : c'est un parti qui a encore beaucoup d'élus locaux. S'il aura certainement des difficultés avec la présidentielle, en revanche, les élections locales peuvent être un moyen de survie pour ce parti. En tout état de cause il ne va pas disparaître tout de suite.

Derrière la question des élus qui peuvent ou non vouloir trouver des accords avec le RN, il demeure la question de l’électorat. Pour pouvoir l’emporter au second tour des présidentielles il faut d'abord rassembler son camp et ensuite élargir. Or comme je l'ai dit, il me semble que Marine le Pen s'enferre dans d'idée que le clivage droite/gauche a disparu. Que ce clivage ait évolué dans ses définitions intrinsèques, c'est une chose, mais le spectre politique dans un clivage droite/gauche demeure et les imaginaires qui vont avec aussi. Marine Le Pen s'imagine qu'elle peut trouver du patriotisme à droite comme à gauche. Or le logiciel idéologique de la gauche demeure internationaliste malgré les saillie patriotiques d'un Jean-Luc Mélenchon. Car la LFI n'en finit pas de se laisser tenter par la dialectique communautariste/indigéniste. Elle persiste à confondre le sociologique et l'idéologique :  certes elle peut rallier des électeurs de gauche ponctuellement, mais cela ne signifie pas que les clivages idéologiques profonds sont indépassables et cela elle ne peut le nier. 

Outre l’aspect purement politique et électoral, quel intérêt idéologique aurait Marine Le Pen à soutenir des listes d'union des droites ? Les deux appareils RN/LR s'estimant être définitivement irréconciliables sur de nombreux points ?

C'est dans la continuité de mon précédent raisonnement. Derrière le clivage souverainiste/mondialiste il demeure des imaginaires politiques irréconciliables. On peut mettre d'accord des gens contre une menace commune, c'est relativement aisé. mais c'est autre de chose de les faire adhérer à un programme commun. Si Marine Le Pen parvenait à se faire élire, et elle le peut, sans véritable bloc à droite elle pourrait se retrouver paralysée dans son action. L'opposition qu'elle utilise entre mondialistes et patriotes est réelle mais cette opposition se décline sur de nombreux autres sujets : protectionnisme, identité, immigration, bio-éthique... . Or sur ces thèmes là, le clivage demeure très fort voire antagoniste entre droite et gauche. On ne peut pas bâtir un programme présidentiel sur une convergence de façade qui omet des thèmes centraux qui eux ne font pas l'unité dans le "bloc souverainiste". Pire, dès lors elle ne prend pas la peine proposer un discours sur l'ensemble de ces thèmes. Elle se focalise un seul et néglige les autres. C'est ce qui à l’origine de son refus obstiné de viser l'union des droite. Elle ne pourra gagner qu'en réalisant, au-delà des structures partisane, une convergence idéologique avec des thèmes propres à la droite : autorité de l'état, sécurité, souveraineté comme instrument et pas comme finalité, libertés économique et sociale, principe de subsidiarité dans la société civile, refus de la marchandisation de la personne et bien sûr la question de la défense de l'identité française. Ces thèmes peuvent résumer la droite actuellement au-delà de ses divergences. Ces idées sont partageables par plus de 80% de l’électorat RN/LR/DLR. Cela pourrait représenter, potentiellement, 35 et 40% de l’électorat dés le premier tour. Au lieu de cela, les meneurs des partis droite continuent de raisonner en terme de structures partisanes. Ils n'envisagent pas de dépassement de ces structures. C'est d'ailleurs à ce titre que je préfère parler d'unité de la droite plutôt que d'union des droites. 
Si Marine Le Pen avait profité de l’occasion des municipales pour modifier sa ligne stratégique elle aurait pu couper l'herbe sous le pied de ses concurrents possibles pour 2022 tels que Marion Maréchal, Zemmour ou Poisson. Au lieu de cela elle se cornerise. Car il y aura des tentatives de propulsion de candidatures alternatives à la sienne. Attention je ne dis pas que la candidature d'un de ses trois noms est une certitude, je ne suis pas dans leur tête. Mais des personnalités cohérente et sans langue de bois comme Zemmour ou ayant pris le soin de se mettre à l'écart de du RN comme Marion Maréchal, bénéficiant en outre d'une importante visibilité médiatique, pourraient s'imposer comme des figures fédératrices. Marine le Pen, malgré d'évidentes qualité et des résultats historiques aux présidentielles n'est pas parvenusà s'élargir à droite.
Il n'y aura jamais d’alliance entre les deux formations politiques RN/LR c'est très clair. Soit l'une des deux forces, a priori le RN, sera capable d’absorber l'autre soit il n'y aura d'autre solution que le dépassement de leurs structures respectives. J'estime moi qu'aucune des ces forces n'est en capacités de réaliser l'union avec ses propres forces. Il faut donc impérativement dépasser les structures pour atteindre une convergence d'ordre psychologique (enracinement, notion de limites...), idéologique et programmatique. Présentées en aveugle, les idées de droite sont majoritaires dans le pays mais dés lors qu'elles sont étiquetées elles échouent. Les grands partis de droite ont échoués à rassembler autour d'eux. En revanche ils peuvent parvenir à construire une union au-delà d'eux.

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