Mort de 3 soldats français en Libye : mais que font les forces spéciales sur ce terrain, et avec quels objectifs ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des soldats libyens alliés aux forces de l'ONU durant une bataille avec l'Etat islamique en Libye, le 15 juillet 2016.
Des soldats libyens alliés aux forces de l'ONU durant une bataille avec l'Etat islamique en Libye, le 15 juillet 2016.
©REUTERS / Goran Tomaseciv

Secret défense

Ce mercredi 20 juillet le ministre de la défense, Jean-Yves le Drian, a annoncé par communiqué le décès de trois militaires français en mission en Libye. Il a salué "le courage et le dévouement" des soldats engagés pour la France et qui luttent contre le terrorisme.

Hasni Abidi

Hasni Abidi

Politologue, Hasni Abidi est un spécialiste du monde arabe. Il est par ailleurs directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à l'Université de Genève. 

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Atlantico : L'annonce, ce mercredi 20 juillet, de la mort de 3 soldats des forces spéciales en Libye constitue la première reconnaissance officielle de la présence de troupes Française sur place. Que sait-on de ces troupes et des objectifs qu'elles poursuivent ? 

Hasni Adibi : C'est le veto de Fabius, alors ministre des Affaires étrangères et celui de l'Algérie et la Tunisie qui a convaincu le President Hollande de ne pas suivre son ministre de La Défense, fervent partisan d'une intervention militaire en Libye. Hollande a opté pour une option intermédiaire, une présence ciblée mais discrète. Mais la présence militaire française en Libye n'est pas nouvelle. Au lendemain de la chute de Kadhafi et le développement des djihadistes dans la bande Sahel, les francais ont renforcé leur présence au Tchad, donc pas loin de la frontière et depuis scrutent le ciel libyen. 

La France craint un mouvement d'hommes et d'armes de la Libye vers ses positions dans les pays du Sahel. Le renforcement de Daech à Derna, à l'est du pays, en 2015 et sa soudaine progression à Syrte ont constitué un tournant dans la politique française en Libye. Paris a décidé de renforcer sa surveillance aérienne mais aussi se positionner au sol avec des hommes et du matériel sur place.  

Le troisième élément qui a motivé l'engagement francais est l'intensification des frappes aériennes de la coalition en Syrie et en Irak qui pourraient amener Daech a chercher un lieu de repli et de refuge. La Libye qui a sombré dans l'instabilité est bien placée pour le devenir. La France ne peut se permettre de subir un retour des djihadistes au flanc sud de la Méditerranée. Sa faille résiste dans le choix de ses alliances en Libye pas au goût de tout le monde. La deuxième faille de cet engagement est la perte d'un capital de sympathie suite au soutien de Paris aux Libyens lors des révoltes contre le colonel Kadhafi.

Quel est aujourd'hui le théâtre des opérations libyennes ? Dans quelle situation se trouve concrètement le pays et quels sont les éventuels enjeux pour la France, susceptible de justifier cette présence sur le terrain ?

L'est du pays est vulnérable, le sud est difficilement contrôlable. Le Nord est partagé entre le General Haftar, Daech et le duo Misrata et Tripoli.

La France n'est pas seule en Libye. D'autres Etats occidentaux et même arabes sont présents. Au delà de la proximité, les enjeux pour la France sont énormes tant sur le plan politique que sécuritaire et économique.  Le pays est officiellement dirigé par un seul gouvernement adoubé par la communauté internationale, mais peine à obtenir la validation du parlement de Tobrouk. Ce dernier n'a pas pu se tenir faute de Quorum et, aujourd'hui, son mandat a expiré. La Libye se trouve ainsi paralysée par ses enjeux internes et les influences externes. S'ajoute à cela le refus du General Haftar, autoproclamé chef de l'état major à l'est, a s'allier au nouveau gouvernement reconnu et maintient sa volonté de constituer sa propre armée.  En raison de son passé sulfureux, les milices de Misrata et les militaires de Tripoli refusent de lui accorder un statut officiel. La situation s'est dégradée avec le contrôle de la ville de Syrte par Daech. Cependant, les  forces loyales au gouvernement de Tripoli ont réussi à stopper la progression des terroristes et à les encercler.  Enfin la situation économique est extrêmement difficile suite aux combats autour du "croissant fertile" qui regroupe les principaux centres de production pétrolière. La Libye est au bord de l'asphyxie financière. 

Dans quelle mesure la France est-elle désormais devenue un acteur à part entière du conflit libyen ? Pour quelles conséquences concrètes ?

La présence française sur le terrain est officiellement une mission de renseignement et de soutien. Elle est censée rester discrète. Depuis quelques mois, des milices contrôlées par des anciens militaires ayant rejoint là révolution et des miliciens d'obédience islamistes stationnés à l'est, évoquent la présence de militaires français. La mort de militaires français a été annoncée par les "brigades de Benghazi" dimanche dernier. Les forces loyales au Général Haftar ont démenti l'information. Un démenti très maladroit et fâcheux puisqu'ils confirme la présence des militaires français aux côté du Général putschiste, véritable bête noire de Tripoli et de Misrata, bastion des troupes les plus fortes et les plus équipées.  

Officiellement la France soutient le gouvernent de M. Serraj, constitué suite aux accords de l'ONU. Mais, face à la mollesse et le manque de moyens de ce cabinet, La France a décidé de s'implique dans le conflit libyen. Hollande qui a a critiqué l'action de son prédécesseur se trouve dans une situation où il est difficile de rester à l'écart. Sauf que un soutien à Haftar est lourd de conséquences. Hormis dans son fief, ce Général qui rêve de devenir le Sissi de la Libye risque d'entraîner d'autres victimes, dans sa couse au pouvoir. Même les Nations Unies n'ont pas voulu accéder à sa demande par peur de réhabiliter les anciens du Colonel et s'attirer les foudres des nouveaux. Pire, alimenter le brasier libyen. 

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