Mikhaïl Gorbatchev regrettait-il autant l’Union soviétique que Vladimir Poutine ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Darius Rochebin publie « Dernières conversations avec Gorbatchev » aux éditions Robert Laffont.
Darius Rochebin publie « Dernières conversations avec Gorbatchev » aux éditions Robert Laffont.
©VITALY ARMAND / AFP

Bonnes feuilles

Darius Rochebin publie « Dernières conversations avec Gorbatchev » aux éditions Robert Laffont. Pendant vingt-cinq ans, Mikhaïl Gorbatchev s'est confié à Darius Rochebin comme il ne l'avait jamais fait, pour nous raconter, dans ces pages inédites, le miracle que fut son destin : un sursaut d'humanisme dans un système inhumain. Extrait 1/2.

Darius Rochebin

Darius Rochebin

Darius Rochebin est journaliste chez LCI, où il mène des grands entretiens comme précédemment pour le Journal de Genève et la télévision suisse. 

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Darius Rochebin :Êtes-vous nostalgique de l’Union soviétique ?

Mikhaïl Gorbatchev : D’une certaine manière, bien sûr. Une autre histoire était possible.

Laquelle ?

On ne peut pas retourner en arrière. Mais il faut méditer les leçons du passé, pour se prémunir contre les bégaiements de l’histoire. Nous sommes sortis de l’affrontement des deux blocs, le bloc communiste et le bloc capitaliste. Nous avons mis fin à la guerre froide. Attention à ne pas retomber dans un monde de nationalismes exacerbés. «Le nationalisme, c’est la guerre», disait François Mitterrand! Il n’y a pas de meilleure formule.

Vous restiez attaché à une l’URSS supranationale. Eltsine au contraire croyait au retour de la Russie. Les faits ne lui ont-ils pas donné raison ?

Réfléchissez à l’enchaînement qui a suivi. Le plus grand pays du monde s’est vu dépecé !

Les pays prenaient leur liberté!

Bien sûr. On ne pouvait évidemment pas maintenir  l’URSS par la force. J’ai été le premier à agir en conséquence. Mais un autre avenir pouvait s’écrire. Une confédération d’États aurait ouvert une ère nouvelle. Quel beau signal cela aurait donné, après l’époque totalitaire ! Une entente multiethnique, fondée sur des bases démocratiques. Au lieu de cela, on a emprunté la voie nationaliste.

On objectera que la nation n’équivaut pas au nationalisme. Bien des pays libérés du joug soviétique vivent paisiblement, sans menacer personne.

Dans une certaine mesure, vous avez raison. Mais étudiez l’histoire des guerres qui ont ensanglanté l’Europe. Et voyez où nous risquons de régresser. L’équilibre de 1945 est terminé. J’y ai contribué. C’était un équilibre de la terreur entre deux superpuissances. Ce monde bipolaire n’est plus, mais que va-t-il arriver ?

Que risquons-nous selon vous ?

Ce que nous risquons, c’est de retomber en 1914, quand les nationalismes, en flambant de tous les côtés, ont fini par pousser l’humanité dans l’abîme.

N’est-ce pas du catastrophisme? La fierté d’être russe, américain ou français n’a rien de condamnable en soi. Au fond, n’est-ce pas une vérité plus enracinée, plus ancienne que les fictions internationales, comme l’aura été le communisme ?

Il faut aimer son pays, sa culture, sa langue. Et, de manière raisonnable et tolérante, aimer sa religion. Mais si on dérive dans l’excès, cela donne le terrorisme, cela engendre le 11-Septembre, cela entraîne les guerres ethniques, comme celles qui ont meurtri la Yougoslavie, à la chute du régime socialiste. Il faut redoubler de vigilance, car sinon, je vous le prédis, vous regretterez le XXe siècle !

N’avez-vous pas méconnu les consciences nationales ? Vous rappeliez vous-même la métaphore d’Helmut Kohl. À Bonn, il vous montrait le Rhin. Il comparait son courant irrépressible à l’aspiration des Allemands à être des Allemands…

Certes. Mais je peux vous citer d’autres rencontres qui m’ont marqué, avec des personnages qui étaient inspirés par des idées supérieures. Des idées qui dépassent les frontières et qui réunissent les hommes. Il n’est pas interdit, que je sache, de rêver à un monde meilleur!

Qui mettez-vous dans cette catégorie ?

J’ai éprouvé cela avec Jean-Paul II. C’est vous dire qu’il faut aller au-devant de gens éloignés de soi. Moi, le secrétaire général du Parti communiste, j’ai trouvé chez le pape la vision la plus exigeante pour l’humanité. Ce pape est un des géants de l’histoire. Il faisait entendre l’avertissement dont je vous parle : si les égoïsmes nationaux et l’instabilité succèdent à la guerre froide, le monde peut devenir plus dangereux encore qu’il ne l’était avant la chute du rideau de fer.

Extrait du livre de Darius Rochebin, « Dernières conversations avec Gorbatchev », publié aux éditions Robert Laffont

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