"Microfictions 2022" de Régis Jauffret : les histoires les plus courtes sont les meilleures<!-- --> | Atlantico.fr
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"Microfictions 2022" de Régis Jauffret a été publié aux éditions Gallimard.
"Microfictions 2022" de Régis Jauffret a été publié aux éditions Gallimard.
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"Microfictions 2022" de Régis Jauffret a été publié aux éditions Gallimard.

Charles-Édouard Aubry pour Culture-Tops

Charles-Édouard Aubry pour Culture-Tops

Charles-Édouard Aubry est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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Microfictions 2022

De Régis Jauffret

Editions Gallimard

Parution : 24 mars 2022

1025 pages

26 €

Notre recommandation : EXCELLENT

THÈME

Les Microfictions, ce sont 500 histoires, indépendantes, courtes (environ 1 page à une page et demie), le plus souvent tragiques et désespérées. Le livre se situe dans la continuité, dans la forme comme sur le fond de deux de ses précédents ouvrages, Microfictions (2017) et Microfictions 2018.

C’est un panorama fragmenté à l’infini dans une multitude de destinées dont l’ensemble compose un roman-somme, un roman sur notre monde décrit comme déshumanisé et en voie de décomposition.

Microfictions décompose notre univers quotidien en 500 fragments de vies fracturées. Elles sont fascinantes tellement elles sont ordinaires, implacables et classées par ordre alphabétique.

POINTS FORTS

500 histoires bien distinctes mais un roman qui les réunit toutes sous le même pavillon. Leur filiation est évidente et les situations, bien que toutes différentes, semblent rejouer sans fin la même éternelle histoire, celle de la désespérance et du cynisme.

On peut parler de dark web de la littérature pour Microfictions 2022 qui serait la face sombre et cachée de la littérature. Un monde peuplé de personnages tout à fait ordinaires qui vivent des histoires banales dans lesquelles ils semblent s’enliser pour s’y perdre.

Coups de foudre, mariages, abandons, divorces, naissance, trahisons, crise, pandémie … la vie est un drame perpétuel que seules de furtives éclaircies viennent éclairer d’une lumière incertaine et tremblotante.

Difficile de ne pas croiser aux détours de ces 1 000 pages quelqu’un qui nous ressemble comme si ces milliers de silhouettes incertaines dessinaient un portrait dans lequel chacun de nous pourrait se reconnaître.

Le style de Régis Jauffret est toujours aiguisé. Le scalpel sanguinolent qui lui tient lieu de plume découpe et disperse façon puzzle. Il façonne un climat étouffant et tendu, oppressant. Le style et le vocabulaire sont au service d’une crudité et d’une violence punk qu’on pourrait caractériser par un « no future ».

Tous ces arguments pourraient très bien être utilisés à décharge si le talent de l’auteur n’était pas capable de sortir une pépite du bain de boue dans lequel il se plonge. Microfictions 2022 est un nouveau sommet dans une œuvre singulière, pour ne pas dire unique, qui dissèque notre monde sans pitié.

QUELQUES RÉSERVES

La lecture de Microfictions 2022 pourrait faire passer Michel Houellebecq pour un Gai Luron. Évidemment ce livre est à ne pas mettre en toutes les mains, sans pour autant être réservé à des lecteurs avertis. Mais il faut mieux être en forme pour se donner le recul nécessaire afin de se délecter des peintures monstrueuses de son petit musée imaginaire.

ENCORE UN MOT...

La lecture de Microfictions 2022 m’a fait penser aux peintures noires de Francisco Goya, une série de quatorze fresques qui décoraient sa maison et sont maintenant conservées au Musée du Prado à Madrid. Ces peintures, empreintes de tragique et de désespoir, expriment une violence et une tristesse sombres et sinistres.

UNE PHRASE

« Le monde est une fiction terrible et fabuleuse que les humains se racontent ». (4ème de couverture)

L'AUTEUR

Régis Jauffret est un auteur français né en 1955 à Marseille. Après ses études (maîtrise de philosophie), il s’installe à Paris et écrit des pièces radiophoniques pour France Inter et des articles pour la revue Tel Quel. En 1985, il publie son premier roman, Seule au milieu d’elle. Suivront, entre autres, Clémence Picot (1999), Univers, univers (2003, prix Décembre), Asiles de fous (2005, prix Fémina), Microfictions (2007, prix France Culture-Télérama). Trois de ses romans seront directement inspirés par des faits divers : Sévère (2010, sur la mort du banquier Edouard Stern), Claustria (2012, sur la séquestration d’une jeune fille par son père dans une cave pendant vingt-quatre ans) et La Ballade de Rikers Island (2014, sur l’affaire DSK).

Ces Microfictions, pierre angulaire et fil conducteur de son œuvre, racontent en de très courtes scènes un nombre infini de destins, le plus souvent sur un ton cynique et désabusé, marqués par “ les souffrances, humiliations, les rapports de domination et les désirs refoulés”.

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