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Michele Ferrari, surnommé le "docteur EPO", avait sa théorie : "Tout ce qui n’est pas détecté par les contrôles n’est pas du dopage"
©Reuters

Bonnes feuilles

Michel Guérin, dans ce livre, propose un florilège des phrases mythiques prononcées à l'occasion de nombreuses courses. L'occasion de revenir sur quelques grands moments de l'histoire cycliste. Extrait de "Les grands mots de la Petite Reine", de Michel Guérin, aux éditions Mareuil 2/2

Michel Guérin

Michel Guérin

Michel Guérin est l'auteur de nombreux ouvrages sur le cyclisme.

Il a publié récemment, Les grands mots de la Petite Reine (Mareuil Éditions), dans lequel il raconte à partir de citations célèbres de coureurs ou de journalistes sportifs, la grande histoire du vélo.

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« L’EPO n’est pas dangereuse, c’est son abus qui l’est. Il est aussi dangereux de boire dix litres de jus d’orange » Ferrari, 1994

Le dopage est-il aussi vieux que le cyclisme ? Éternelle question, qui peut se conclure sans doute par l’affirmative. Les témoignages en la matière sont nombreux. Entre le gros rouge de Léon Georget, la strychnine des frères Pélissier, les amphétamines de Coppi, le « pot belge », les « chaudières », la « dynamite », la « bomba », etc., le cycliste n’a jamais manqué de produits pour se « soigner » ou « faire le métier ».

Il suffit de bien écouter les champions du passé, depuis les inévitables Pélissier jusqu’à Jacques Anquetil, pour s’en convaincre. Sans parler des tristes révélations des champions de l’ère moderne, poussés à des aveux rarement spontanés par une politique de lutte anti-dopage de plus en plus intensive et une opinion publique de moins en moins tolérante.

Malgré tous les « substituts alimentaires » pris à travers les âges par ces remarquables athlètes que sont les coureurs cyclistes, une certitude demeure : dopage ou pas dopage, un champion reste un champion ! Et Pierre Chany de confirmer, en cœur avec beaucoup d’autres spécialistes : « Le jour où un bourrin détrônera un pursang grâce à une piqûre, alors là, oui, le cyclisme sera en danger de mort. »

Il aurait pu ajouter aussi à la sentence : le jour où le coureur ne dormira pas correctement… Car à l’aube des années 1990, plusieurs journalistes commencèrent à rapporter d’étranges pratiques ayant lieu dans les chambres d’hôtels de certaines équipes selon lesquelles à trois heures du matin, des coureurs feraient des pompes dans leurs chambres !

Bizarre, n’est-ce pas ? Quel nouvel entraînement – sans doute révolutionnaire – obligeait désormais de jeunes coureurs à sacrifier des heures de sommeil précieuses et réparatrices ?

L’érythropoïétine, autrement appelé l’EPO. Une substance jusqu’alors réservée à la médecine qui permet au sang d’augmenter sa capacité à transporter de l’oxygène, en augmentant le nombre de globules rouges. La contrepartie est un risque de tension artérielle élevée et une augmentation de la viscosité sanguine. Pour compenser cet effet secondaire, l’obligation de faire des exercices physiques à l’heure où l’honnête homme dort, permet à ceux auxquels on a fait ingérer ce produit miracle d’éviter de sérieux problèmes !

On établit très rapidement l’identité de celui qui avait amené dans le cyclisme cette potion magique : Michele Ferrari, médecin de son état et accessoirement… docteur Mabuse. Après avoir travaillé avec le professeur Francesco Conconi sur des techniques d’amélioration de la performance, il devint le médecin de l’équipe italienne « Gewiss-Ballan », dont la domination dans les classiques devint pour le moins suspecte. Lors de La Flèche Wallonne en 1994, trois coureurs de la Gewiss, – Evgueni Berzin, Moreno Argentin et Giorgio Furlan –, réalisèrent un véritable festival : eux devant faisant une course à trois et tous les autres derrière, à plusieurs minutes.

À ceux qui mirent en cause ses méthodes, Michele Ferrari, surnommé le « docteur EPO », répondit dans un article de Jean-Michel Rouet paru dans L’Équipe du 22 mai 1994, sous le titre « Gewiss roule en Ferrari » : « L’EPO n’est pas dangereuse, c’est son abus qui l’est. Il est aussi dangereux de boire dix litres de jus d’orange. » Nous comprenons mieux maintenant la raison pour laquelle les coureurs n’arrivaient pas à dormir la nuit ! Mais, il fallait le dire… que l’on nous prenait pour des imbéciles !

En fait, cette phrase fut souvent reprise sous la forme : « L’EPO n’est pas plus dangereuse que dix litres de jus d’orange », ce qui ne correspond pas exactement à la citation originelle de Ferrari et n’a pas de surcroît tout à fait la même signification… Mais comme un peu plus loin dans le papier Ferrari déclarait : « Tout ce qui n’est pas détecté par les contrôles n’est pas du dopage », on retint surtout la comparaison avec le jus d’orange, ce qui, en soit, est conforme à l’esprit (mauvais) du « docteur EPO » !

Extrait de "Les grands mots de la Petite Reine", de Michel Guérin, publié aux éditions Mareuil, juillet 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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