Michèle Alliot-Marie : "Les citoyens se sentent menacés par une justice mise au service d'une gauche totalitaire"<!-- --> | Atlantico.fr
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Michèle Alliot-Maire juge la gauche
Michèle Alliot-Maire juge la gauche
©REUTERS/Gonzalo Fuentes

Bonnes feuilles

Après avoir détenu tous les pouvoirs, la gauche vient d'être sanctionnée en prenant un sérieux revers électoral aux municipales et aux européennes. Dans ce livre polémique, Michèle Alliot-Marie fait éclater la vérité sur la tentation totalitaire de la gauche. Extrait de "La tentation totalitaire de la gauche", publié chez Plon (2/2).

Michèle  Alliot-Marie

Michèle Alliot-Marie

Membre des gouvernements Jacques Chirac puis Édouard Balladur, elle a consécutivement la charge de quatre ministères : la Défense, l'Intérieur, la Justice et les Affaires étrangères de 2002 à 2011.

Elle est tête de liste pour la circonscription Sud-Ouest pour les élections européennes de 2014.

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Juriste et ancienne garde des Sceaux, je suis plus que quiconque attachée au respect de l’institution judiciaire. Sa crédibilité est un facteur déterminant de l’acceptation des règles de vie en commun et donc de l’unité de la nation.

Son fonctionnement peut parfois être critiqué : lenteur, lourdeur, coût. Tout cela peut s’améliorer.

L’essentiel n’est pas là : il est dans la confiance – confiance du citoyen dans l’autorité, confiance du justiciable dans l’application équitable du droit, dans l’impartialité.

Qui dit impartialité dit absence d’intérêt, d’idéologie ou de passion.

Certes, les magistrats ont droit comme tout citoyen à leurs convictions politiques. Certains s’engagent d’ailleurs à un moment donné de leur carrière dans des mandats électifs, qu’ils soient de droite ou de gauche.

Mais ce qui est attendu des hommes et des femmes qui servent la justice, c’est, en conformité avec le serment qu’ils prêtent, une attitude d’impartialité idéologique à l’égard de ceux qui comparaissent devant eux.

Certains témoignages font douter du respect de cette déontologie par certains magistrats. Même s’ils ne sont qu’une petite minorité, ils permettent à la suspicion de porter atteinte à l’image de la justice. On ne peut être qu’inquiet de l’attitude politicienne d’une partie des personnels relevant de la Chancellerie, parfois sous le masque syndical, parfois ouvertement.

J’avais déjà été choquée, en tant que garde des Sceaux, par les prises de position politiques de certains magistrats qui défilaient en robe avec le sigle affiché de la CGT contre le gouvernement. Je l’avais fait savoir aux intéressés. Depuis, la situation s’est largement aggravée.

L’attitude de Christiane Taubira, premier ministre de la Justice du quinquennat, y a grandement contribué : renvoi aussi rapide que systématique des magistrats en place dans l’administration de la Chancellerie, soupçonnés de sympathie de droite simplement parce qu’ils ont pris ces fonctions sous l’ancien gouvernement ; création d’une structure, le parquet financier, concurrente de ce qui existe déjà au parquet de Paris mais qui permet de nommer une personnalité nouvelle et de répartir les dossiers entre le parquet et la nouvelle structure ; tentative de déplacement forcé du procureur général de Paris qui déplaît à la ministre.

L’affaire des écoutes judiciaires prolongées d’un ancien président de la République et de son avocat, alors que cette procédure, attentatoire aux libertés fondamentales, est réservée aux dossiers de terrorisme, de trafics ou de grande criminalité, et les mensonges de la ministre interrogée sur la connaissance qu’elle en avait créent une aura délétère autour de la justice. L’utilisation de la procédure de la garde à vue à l’égard du même quelques mois plus tard, alors qu’on ne l’imagine pas disparaître dans la nature pour se soustraire aux juges ou échanger des secrets avec son avocat puisque celui-ci est aussi en garde à vue, alourdit encore ce climat de suspicion.

Et ce climat tend à se diffuser dans et autour de l’institution. C’est un ancien juge d’instruction,Georges Fenech, qui l’analyse clairement dans une interview dans Le Figaro du 15 mars 2014 : « Les juges se sentent pousser des ailes en raison du climat instauré par l’actuelle majorité, notamment par Mme Taubira. Il n’y a pas de complot anti-Sarkozy, mais un climat malsain qui s’est installé. »

Quand l’instrumentalisation politique de la justice est évoquée, c’est toute l’institution qui est soupçonnée. Pas seulement par ou pour les politiques. Qui ne comprend pas que les citoyens se sentent menacés par une justice mise au service d’un pouvoir, d’une idéologie ?

Selon que vous serez de gauche ou de droite...

L’affaire du « mur des cons » est en ce sens très significative.

Qu’un syndicat de magistrats se permette d’afficher sur un mur de ses locaux officiels la tête de ceux qui sont considérés comme des adversaires est inadmissible. Cela constitue une atteinte à tous les principes de la justice en République. Que cela soit révélé au public a été une oeuvre de salut démocratique. Que la garde des Sceaux considère qu’il n’y a pas lieu à sanctions est une preuve de plus de cette duplicité politique.

Il a fallu en effet plusieurs jours, et apparemment des pressions fortes sur la garde des Sceaux, pour obtenir qu’elle condamne, du bout des lèvres, ce « mur des cons », tapissant les locaux du Syndicat de la magistrature. Or c’est un fait contraire à tous les principes républicains et démocratiques, qui aurait dû être dénoncé au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. Celui-ci oblige tout agent public à dénoncer aux autorités un acte manifestement illégal dont il a connaissance. Cette prise de position politique de magistrats à l’encontre de citoyens en raison de leur choix idéologique ou de leur position sociale constitue un manquement constitutionnel, l’absence de réaction du ministre un scandale d’Etat.

Tout comme constituent un scandale les déclarations de la présidente du syndicat revendiquant le positionnement à gauche de son organisation, et donc de ses membres. Je ne sais si elle s’est rendu compte de l’énormité de ses propos. Ils viennent en contradiction formelle avec le serment prêté par chaque magistrat lorsqu’il entre en fonctions. Ils bafouent les principes constitutionnels et les bases de la démocratie qui veulent qu’un justiciable ait la certitude de la neutralité du jugement qui sera pris à son égard.

Le « mur des cons » et ces propos font naître une suspicion légitime vis-à-vis de tout magistrat, membre du Syndicat de la magistrature, dès lors qu’il sera en charge d’un dossier concernant un ou une de ces « cons », et, par extension, toute personne partageant leurs convictions.

Après la condamnation du bout des lèvres par Mme Taubira du principe de ce « mur », on attend encore les suites données à la violation de l’éthique par la présidente du syndicat. La garde des Sceaux ne l’a même pas évoqué lorsqu’elle a affirmé qu’il n’y aurait pas de sanctions contre les auteurs.

Les syndicats de gauche de la presse, on l’a vu, n’ont pas attendu, eux, pour demander et obtenir une sanction contre le journaliste qui avait révélé ces manquements.

Preuve supplémentaire de duplicité, les syndicats de gauche de magistrats et d’avocats montaient quelques mois plus tard à l’encontre d’un jeune magistrat, élu conseiller sur la liste municipale du maire (UMP) d’Orléans, une controverse autour de l’impartialité des juges. L’intéressé était au tribunal administratif de Lyon chargé notamment du contentieux des étrangers. Après l’élection, le maire lui confie une délégation pour limiter les mariages blancs et les fausses demandes de séjours et d’attestations d’accueil que condamne la loi. Immédiatement, les syndicats et sa hiérarchie estiment que la controverse risque de nuire à l’image de la justice. Le président du tribunal administratif envisage de lui retirer le suivi du contentieux des étrangers au motif que « ses opinions politiques peuvent nuire à son impartialité » (Le Figaro, 20 avril 2014) ! Peut-il y avoir meilleure preuve du deux poids deux mesures en fonction des idées politiques ?

Quand on regarde au prisme de cette prise de position un certain nombre des dossiers où des juges d’instruction ont poursuivi des manifestants, des personnalités politiques ou économiques qui ne sont pas à gauche, on ne peut qu’émettre des doutes sur la parfaite objectivité de certaines décisions et procédures.

Comment se rassurer quand on constate les écarts d’appréciation dans les jugements prononcés par un même magistrat pour des faits similaires, commis par des personnes réputées l’une de gauche, l’autre de droite ?

Extrait de "La tentation totalitaire de la gauche", de Michèle Alliot-Marie, publié chez Plon, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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