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Michel Delebarre, préfet retraité, dispose toujours d’une indemnité de parlementaire mensuelle de 11 389,69 euros net
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Bonnes feuilles

Statistiques inédites à l’appui, l’ouvrage débusque cette armée de rentiers, dont les plus célèbres, retraités ou en activité, s’appellent Édouard Balladur, Jeannette Bougrab, Dominique de Villepin, Fadela Amara, Aquilino Morelle, Brice Hortefeux ou encore Jean Glavany. Jusqu’au président François Hollande qui a reconnu, en 1989, n’avoir eu aucune mission à effectuer à la Cour des comptes quand il y était en poste. Extraits de Rentiers d'Etat, d'Yvan Stefanovich, aux éditions du Moment 1/2

Yvan Stefanovitch

Yvan Stefanovitch

Yvan Stefanovitch, journaliste, s’est spécialisé dans les enquêtes sur les gaspillages français. i l est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages, dont Aux frais de la princesse (2007), Le Sénat : Enquête sur les super-privilégiés de la République (2008), La Caste des 500 (2010), Enquête sur les faiblesses de l’armée et les milliards gaspillés par l’État (éditions du Moment, 2013) et Histoire secrète de la corruption sous la Ve (Nouveau Monde, 2014).

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Le préfet Michel Delebarre, roi du cumul et des absents

Contrairement à ses petits camarades parlementaires qui empochent leur retraite de faux préfet avec un léger sentiment de honte, l’ancien champion de France, et du monde probablement, du cumul des mandats et fonctions (selon l’hebdomadaire L’Express du 10 septembre 2013) ne s’en cache nullement. Sur les documents officiels, Michel Delebarre écrit comme profession : préfet, préfet honoraire ou préfet à la retraite. Il est préfet à la retraite et fier de l’être… Ce diplômé de l’université en géographie, fasciné depuis l’adolescence par ces grands commis gardiens de la République, a toujours rêvé d’être préfet. Même fictive, il a vécu et vit encore cette intronisation comme une consécration. Michel Delebarre, notamment sept fois ministre, a été une sorte de superpréfet par procuration. Avant son long compagnonnage avec Pierre Mauroy à Lille et à Matignon, il avait été secrétaire général adjoint, puis secrétaire général du Comité d’expansion économique du Nord-Pas-de-Calais de 1968 à 1974.

Ce sénateur de soixante-neuf ans indique, le 28 janvier 2014, dans sa Déclaration d’intérêts et d’activités les 5 287,08 euros brut (soit un peu plus de 4 200 euros net) qui lui tombent dans la poche, chaque mois, en tant que « préfet honoraire en retraite ». Il ajoute que son indemnité mensuelle brute de base de sénateur de Dunkerque s’élève à 4 437 euros net mensuels, mais ce petit cachottier oublie de préciser qu’il a également droit à une indemnité de fonction non imposable de 1 420,03 euros et à une autre de résidence de 165,44 euros. Selon les services du Sénat, Michel Delebarre percevait, en 2014, comme aujourd’hui, une indemnité totale net mensuelle de 5 366,32 euros à laquelle il faut ajouter une Irfm (Indemnité représentative de frais de mandat) de 6 023,37 euros net par mois non imposable. Une somme fixe allouée pour les frais de chaque député (destinée officiellement à acheter ou louer une permanence, payer ses déplacements et son hébergement) sans qu’il ait à présenter le moindre justificatif.

À l’exemple de la quasi-totalité des parlementaires patrons d’un exécutif local, Michel Delebarre épargnait ces 6 023 euros net. Explication : un parlementaire cumulard, en tant que maire d’une ville importante, maire adjoint, président de Conseil départemental ou régional, possède un cabinet à son service, un chauffeur, une carte de crédit et des locaux. Chacune de ces assemblées lui permet légalement et à discrétion de régler tout ou partie de ses frais de parlementaire. Un exemple : le nouveau maire de Dunkerque depuis mars 2014, Patrice Vergriete (Divers gauche), qui a succédé à Michel Delebarre, a vendu aux enchères, en décembre 2014, une Citroën DS5 hybride 4 diesel sport achetée 45 000 euros, en juillet 2013, par la mairie à la demande Michel Delebarre. Ce puissant véhicule de 163 chevaux servait à tous les déplacements de l’ancien maire de la ville. Cette voiture était équipée de six airbags, d’une caméra d’aide au stationnement, d’un système de climatisation automatique et de sièges chauffants, celui du conducteur étant également massant ! Aujourd’hui, Michel Delebarre a plus de mal à épargner son Irfm de 6 023 euros net puisqu’il n’est plus patron d’aucun exécutif local.

L’ancien maire et préfet retraité (depuis 2011) disposait et dispose toujours d’une indemnité de parlementaire mensuelle de 11 389,69 euros net. La loi stipule qu’un parlementaire ne doit pas toucher plus de 2 757,34 euros mensuels brut au titre de ses mandats locaux. C’est‑à-dire une fois et demie le montant de son indemnité parlementaire de base. Dans sa Déclaration d’intérêts du 28 janvier 2014, Michel Delebarre se montre fort précis. Ses deux autres mandats à l’époque, maire de Dunkerque et président de la communauté urbaine de cette agglomération lui rapportaient, chaque mois, respectivement 2 678,25 euros et 72,75 euros, soit un total mensuel brut de 2 751 euros ou d’environ 2 271 euros net. Rien à dire. Pour reconstituer le revenu mensuel net de Michel Delebarre en janvier 2014, il suffit d’additionner sa retraite de préfet (4 200 euros), ses indemnités de sénateur (11 389,69 euros) et ses deux indemnités d’élu local (2 271 euros). Ce qui donne un total de 17 860,69 euros net par mois. Pour un retraité de la préfectorale, ce diplômé de géographie ne se débrouille pas trop mal. Aujourd’hui, son revenu a baissé d’environ 2 000 euros puisqu’il n’est plus maire ni président de la communauté urbaine de Dunkerque, étant simple conseiller municipal depuis mars 2014.

Issu d’une famille catholique du Nord, cet ancien scout n’a jamais eu d’atomes crochus avec les patrons historiques de la SFIO puis du PS dans cette région, qui sont en majorité francsmaçons et anciens professeurs des écoles ou du secondaire. Tout a commencé par son mariage en 1969 avec Janine Debeyre, fille du célèbre recteur de l’académie de Lille, Guy Debeyre, proche d’un certain Pierre Mauroy, dont il était l’un des adjoints à la mairie de Lille. Celui qui sera le futur maire de Dunkerque pendant vingt-cinq ans recevra « en dot » un appui politique décisif. En effet, ce colosse doit tout à son pygmalion, un autre géant des Flandres, l’ancien Premier ministre. Fasciné par ce gros bosseur, Pierre Mauroy le prend comme directeur de son cabinet au conseil régional de la région Nord-Pas-de-Calais en 1974, puis à la mairie de Lille en 1977, avant de l’emmener dans ses bagages à Matignon pour y occuper le même poste, de 1981 à 1984. Et c’est encore lui qui le fait nommer, le 20 avril 1983, PMSP. Histoire de lui procurer un placard doré, une assurance pour l’avenir.

Problème : Pierre Mauroy va trop vite… Nommé PMSP le 20 avril 1983, Michel Delebarre est titularisé dans ses fonctions de préfet le 1er mai 1984. Soit un an et dix jours plus tard. Or, dans son référé du 9 juillet 2014 sur la « gestion des préfets », la Cour des comptes écrit : « Sur le plan statutaire, les PMSP se distinguent des autres préfets en ce que leur titularisation ne peut intervenir que deux ans après leur nomination. Dans un cas [Nda : il y en pourtant eu d’autres…], ce délai de deux ans n’a pas été respecté, ce qui est irrégulier. » À l’époque, Pierre Mauroy est un Premier ministre sur le départ, puisqu’il quitte Matignon le 17 juillet 1984. Le 11 mai 1984, il signe donc le décret suivant : « M. Michel Delebarre est, sur sa demande, titularisé dans le grade de préfet à compter du 01-05-1984 ». La nomination de Michel Delebarre est donc irrégulière – puisqu’il ne pouvait être titularisé qu’à compter du 21 avril 1985 – tout comme celle de Brice Hortefeux. La précipitation de Pierre Mauroy s’explique aisément par la crainte que son successeur ne titularise pas son protégé dans son placard doré.

Extrait de "Rentiers d'Etat", d'Yvan Stefanovich, aux éditions du Moment, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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