Meurtre d’un journaliste anti criminels : y-a-t-il quelque chose de pourri au Royaume des Pays-Bas ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La presse néerlandaise rend hommage à Peter R. De Vries.
La presse néerlandaise rend hommage à Peter R. De Vries.
©Ramon van Flymen / ANP / AFP

Assassinat ciblé

Le journaliste néerlandais Peter R. De Vries est mort de ses blessures ce vendredi, après avoir été blessé par balles le 6 juillet à Amsterdam. Un meurtre vraisemblablement commandité par un baron de la drogue.

Kleis Jager

Kleis Jager

Kleis Jager est le correspondant en France pour le quotidien national néerlandais Trouw et le journal économique Het Financieele Dagblad.

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Atlantico : Peter R. De Vries était un célèbre journaliste néerlandais spécialisé dans les enquêtes sur les affaires criminelles. Il est mort de ses blessures ce vendredi, après avoir été blessé par balles le 6 juillet à Amsterdam. Quest ce qui explique, dans sa personnalité et sa vie, le grand émoi que suscite son décè?

Kleis Jager : Peter R. de Vries était beaucoup plus qu’un journaliste spécialisé dans le crime. Il était, comme l’a dit le maire d’Amsterdam, un héros national. Il a résolu lui même des cold cases célèbres, toujours après des années de travail acharné. Pendant huit ans il a par exemple fait une quarantaine d’émissions télé sur le meurtre d’une hôtesse de l’air en 1995. Cette persévérance a abouti sur la libération de deux hommes en 2002 qui avaient déjà passé sept ans en prison.

Il a aussi joué un rôle très important dans l’affaire de Nikki Verstappen, un garçon de 11 ans tué par le pédocriminel Jos Brech en 1998. Brech fut finalement arrêté en 2018. De Vries a également trouvé le meurtrier de l’Américaine Natalee Holloway, disparue en 2005 sur l’île Antillais d’Aruba.

De Vries était acclamé pour ces faits d’armes mais il était aussi très aimé pour sa personnalité, ce qui est rare pour un journaliste. Il était rigoureux, indépendant, extrêmement courageux et loyal. Plus que le journalisme, il a voulu servir la cause de la vérité et de la justice.

Cette ambition l’a mené à être le porte parole de familles qui avaient perdu un de leurs chers. Pour lui, ça allait de soi tandis que ces confrères ont critiqué un mélange de genres.

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Il paraît que c’est cette habitude à porter des doubles casquettes qui l’a mis en danger. Il était devenu l’homme de confidence de Nabil B., un témoin clé dans le plus grand procès pénal au Pays-Bas de tous les temps. Ce procès tourne autour de Ridouan Taghi, un grand traficant de drogues néerlando-marocain, un boss de ce qu’on appelle la Mocro-maffia. Taghi aprobablement commandité le meurtre.

Ce fait divers tragique est-il symptomatique de problèmes plus profonds traversant le pays, notamment sur le sujet de la drogue?

Oui, c’est un fait divers qui montre à tel point le monde de la drogue est devenu puissant aux pays: Taghi par exemple se trouve en prison où on l’a mis dans un régime spécial. Apparemment, ce n’est pas suffisamment spécial, puisque Peter R. de Vries est probablement sa troisième victime après un frère de Nabil B. puis son avocat, Derk Wiersum, assassiné en 2019.

En 1995 le sénateur RPR Jean-Louis Masson, avec l’appui de Jacques Chirac, avait crée un tollé un tollé général à La Haye en qualifiant les Pays-Bas de "narco-État". Il me semble qu’on serait moins fâché si aujourd’hui un politicien étranger nous traitait de la sorte. Personne ne peut nier que les Pays-Bas sont une plaque tournante dans le trafic de drogue. C’est le plus gros importeur de drogues en Europe et un des plus grands producteurs de XTC et de cannabis.

Cette situation s’explique par la situation géographique du pays et le fait que le plus grand port d’Europe se trouve aux Pays-Bas (Rotterdam) mais aussi grâce à un climat pénal modéré et une permissivité culturelle vis à vis les drogues qui a toujours été très forte.

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Quand on évoque le fait que des Néerlandais ont augmenté fortement la teneur en THC (la principale molécule active dans le cannabis) ce qui a rendu caduc la notion de "drogue douce", on hausse généralement les épaules. On vous répondra que l’alcool aussi c’est pas bien. Le tourisme de cannabis est donc toujours très important et il existe un lobbying assez agressif qui continue à prétendre que le produit est inoffensif.

L’importance de l’émoi et de la médiatisation de ce drame peuvent-elles être de nature à faire bouger les lignes et susciter une prise de conscience?

Il faut espérer que les consommateurs de cocaïne font le lien entre leurs habitudes et l’extrême violence de la part des gangs comme la Mocro Maffia, qui est mise en scène dans une série télé. Ces dernières années, il y a eu, outre des liquidations, une tête décapitée qui a été déposée "à la Mexicaine" devant un bar à chicha à Amsterdam en 2016. Et la découverte l’année dernière d’une "chambre de torture" aménagée dans un container très bien insonorisé dans un petit village dans la région frontalière de Brabant.

Mais, une fois l’émotion passée, rien n’est moins sûr.

Il y a beaucoup de doutes. Le ministre de la Justice Ferd Grapperhaus était très affecté quand il a dénoncé l’attentat sur Peter R. de Vries. Mais après le meurtre de Derk Wiersum, il avait bien sûr aussi dit qu’il était bouleversé. Entre temps, rien n’a changé, ce qui donne un sentiment d’impuissance.

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