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Mesures en faveur des contractuels : le projet de réforme est-il suffisant pour transformer la fonction publique en employeur (enfin) décent ?
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Pas sûr

L'examen du projet de loi de réforme de la fonction publique en séance publique a commencé à l'Assemblée Nationale après des travaux en commission jugés "constructifs".

Jean-Marc Boyer

Jean-Marc Boyer

Jean-Marc Boyer est diplômé de Polytechnique et de l’Ecole Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique (ENSAE). Il a commencé sa carrière en tant que commissaire contrôleur des assurances puis a occupé différentes fonctions à l’Inspection Générale des Finances (IGF), à la Commission de Contrôle des Assurances et à la direction du Trésor. Il est cofondateur de GLM et de la Gazette de l’Assurance.

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Atlantico : Les conditions de travail des contractuels dans la fonction publique sont souvent décriées. Les mesures annoncées en faveur des contractuels par le gouvernement dans le cadre de la réforme de la fonction publique sont-elles à même de modifier cette situation problématique ?

Jean-Marc Boyer : Les mesures vont dans le sens d’une harmonisation avec le privé. Le Gouvernement veut augmenter les contractuels, qui sont déjà 1,35 million. Le projet prévoit aussi des ruptures conventionnelles, plus de mobilités, et une représentation syndicale convergeant vers les nouvelles règles du code du travail. Mais ces mesures visent plus le flux des recrutements que les millions de fonctionnaires à vie.
Quantitativement, B. Le Maire prétend que l’objectif de baisse de 120 000 postes dans les fonctions publiques n’est pas abandonné, mais le gouvernement n’en prend pas le chemin (création de maisons France service, dédoublements de classe, etc). Les contrats aidés et les effectifs de certains établissements publics ont certes régressé. Mais au global, les effectifs publics hors emplois aidés ont augmenté, si l’on en croit l’INSEE.
Les effectifs de la fonction publique territoriale (près de 2 millions d’agents) ont augmenté de 0,9% en 2017, alors que la fusion des régions était supposée réaliser des synergies de coûts. Les régions ont plutôt enregistré des nivellements par le haut des rémunérations, en gardant des temps de travail souvent inférieurs aux normes du privé. L’Etat tente pourtant de réduire les dotations aux collectivités, mais leurs dépenses ont encore augmenté de 0,8% en 2018. On est loin des 60Md€ d’économies promises sur les dépenses publiques par le candidat Macron.
Les mesures sur les contractuels sont un épiphénomène par rapport aux enjeux.

La reconnaissance de la nécessité de créer une prime de précarité pour les contrats courts va-t-elle sur ce point dans le bon sens ou montre-t-elle un problème de management de fond dans la fonction publique ?

La prime de précarité pour les CDD de moins d’un an est un placebo. On pourrait aussi citer l’instauration d’une part variable pour les contractuels et d’un intéressement à l’hôpital. Le Gouvernement donne des gages pour faire passer une convergence partielle avec le secteur privé.
Cela ne traite pas le stock de fonctionnaires qui ne sont pas « managés » mais administrés. Or, si les Français ne veulent pas de diminution des services publics, ils veulent que ceux-ci soient moins chers donc plus efficaces. Pour cela, il faut mieux les « manager ».
Or, les statuts ne sont pas adaptés à des activités concurrentielles comme dans les établissements publics ou la fonction publique hospitalière. Compter sur des baisses d’effectifs dans la fonction publique hospitalière, soit 1,2 million d’agents, est illusoire dans un contexte de dérapage des dépenses de santé, de suppression du numerus clausus, de vieillissement, de stress des services d’urgences et de psychiatrie, de lutte contre les déserts médicaux, et de projets pour la dépendance. Couplé avec la contrainte comptable, on pousse les agents au burn out, dans les Ehpad notamment.  La seule solution serait de déporter une partie de l’activité vers le secteur libéral.

Olivier Dussopt a particulièrement insisté sur la nécessité de recruter des cadres de haut niveau en tant que contractuels, dans le fil des critiques émises contre l'ENA notamment. Ce genre de recrutements vous semble-t-il envisageable ?

La suppression de l’ENA relève d’un effet d’annonce populiste. En réalité, le souhait du Gouvernement est au contraire d’élargir la haute fonction publique. Aujourd’hui, la primauté va aux hauts fonctionnaires, qui en sortant d’école, sont sans expérience ni même compétence, faute de formation pratique. Recruter dans l’administration des contractuels du privé qui savent de quoi il retourne serait évidemment préférable. Mais alléger la bureaucratie serait encore mieux.
Pour alléger ses effectifs, l’Etat compte sur des départs naturels à la retraite. Les réformes envisagées sont en effet des ajustements paramétriques et pas une refondation systémique, qui seule permettrait de résoudre le mal français de la dépense publique incontrôlée. Pour pouvoir supprimer des postes, il faudrait d’abord éliminer les tâches redondantes ou devenues obsolètes, voire nuisibles. Ce serait ça la vraie révolution qu’E. Macron avait promis dans son livre.

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