Mario Draghi prédit une catastrophe économique à l’Europe et… son explosion possible. Y a-t-il quelqu’un pour réagir au message à Paris ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'ancien président de la BCE présente des perspectives pessimistes pour la croissance de l'Union européenne.
L'ancien président de la BCE présente des perspectives pessimistes pour la croissance de l'Union européenne.
©DANIEL ROLAND / AFP

Alerte récession

Mario Draghi lance une alerte dans les colonnes du Financial Times. L'ancien président de la BCE présente des perspectives pessimistes pour la croissance de l'Union européenne.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : « Nous connaîtrons une récession d'ici la fin de l'année dans l'Union européenne. Soit l'Europe agit ensemble et devient une union plus profonde, soit je crains que l'Union européenne ne survivra qu'en étant un marché unique ». Mario Draghi nous annonce une catastrophe économique à venir ?

Don Diego de la Vega : La récession, ça fait 18 mois que nous sommes dedans. Mario Draghi est-il au courant ? 

Les indicateurs de conjoncture les plus connus, les PMI (Purchasing Manufacturing Index), sont très mauvais. Si on regarde les agrégats monétaires, là aussi c’est très mauvais. Depuis la création de la monnaie unique, on n'a jamais vu une telle contraction monétaire en zone euro ! Même lors de la crise de 2008, les agrégats monétaires se portaient beaucoup mieux qu'aujourd'hui. Depuis mi-juin 2022, donc bientôt 18 mois, nous n'avons plus d'augmentation de l'activité du secteur privé hors subventions, hors budget public de l'Union européenne et en particulier de la zone euro. Mario Draghi a quinze mois de retard dans sa déclaration. C’est surréaliste de dire qu’il y a un risque de récession alors qu’on y est déjà. 

Cette déclaration illustre-t-elle selon vous la déconnexion des élites qui mettent en place la politique économique de l’Union européenne ?

Prenons l’exemple de l’année 2022. La Banque centrale européenne a lancé son programme dément de hausse des taux d'intérêt, alors qu’elle savait déjà que le pic de croissance connu en 2021 était terminé et qu'on avait une normalisation économique. C'était dans les colonnes d'Atlantico bien avant Mario Draghi dont le bilan global n’est pas fameux. Dans son pays, l’Italie, il n’y a pas d'augmentation de PIB par tête depuis 1995. La récession là-bas, c'est quasiment une année sur deux depuis 28 ans. Mario Draghi n’est donc pas quelqu'un qui, je trouve, est bien placé pour donner des leçons, notamment en termes de soutien à l'activité. Il n'a pas non plus réformé la BCE, l'institution qu'il a dirigée pendant dix ans. Il ne l'a pas réformé en termes de transparence, ni sur le plan technique, organisationnel ou managérial. Mario Draghi a veillé à ce que le système tienne et grâce à lui, le système a tenu une décennie de plus. 

Dans sa déclaration, il met en avant le risque de voir la zone euro exploser. Le risque existe-t-il ? Si oui, est-ce que cela veut dire que chaque pays reviendrait à sa monnaie d’origine ? 

Vous vous souvenez des promesses de l’euro dans les années 1990 ? Il n’y en a pas une qui a été accomplie. Nous pouvons même penser que l’euro est l’une des raisons de nos malheurs économiques et financiers. Le jour où ça va exploser, ce sera de façon désordonnée. Malheureusement, il faut essayer de s'organiser pour que le soldat euro tienne encore un petit peu en colmatant les brèches. Quand l’euro va sauter, ça va faire un peu mal. Le moindre français qui a un contrat d'assurance vie en euros ; juridiquement, ce sera un casse-tête. Il va y avoir pas mal de perdants. Voilà pourquoi il faut soutenir l’euro même si c’est l’un des principaux responsables de nos problèmes économiques depuis 30 ans. 

Dans son message, Mario Draghi s’aperçoit que le spread des taux d’intérêt entre l’Allemagne et l’Italie se met à être assez important. On va trop loin dans la hausse des taux et ça va nous retomber dessus. Mais cette déclaration arrive trop tard. On est passé de taux négatifs à des taux à 4%. C’est dans cette période qu’il fallait dire les choses. 

L’alerte de Mario Draghi est-elle entendue à Paris ?

A Paris, il n'y a pas grand monde qui écoute le message des économistes raisonnables. Bruno Le Maire croit que la France va faire 1,4% de croissance en 2024. Je pense qu’il n’est pas récupérable. Tout comme la Banque de France qui mise aussi sur 1,4% de croissance, ce qui est assez surréaliste. 

Il n'y a pas de vrai débat économique puisqu’il porte essentiellement sur des questions budgétaires, sociales ou fiscales. Les questions monétaires n'intéressent à peu près personne. Tout ce que fait ou ne fait pas la BCE, ça n'est relayé que par 50 personnes dans Paris. Ça n'intéresse absolument pas les gens. 

En réalité, le gouvernement français ne peut rien faire, ne veut rien faire et de toute façon, sa marge d'action est très limitée. Il pourrait avoir une petite marge en exerçant son droit d'actionnaire de la BCE. Le gouvernement ne fait que des micro ajustements budgétaires, de la com et un peu de réglementaire. Il a quand même encore un pouvoir réglementaire au niveau national. Il fait des micro ajustements sur le marché du travail, sur le marché du logement, le code de l'urbanisme, le code des impôts. La grosse partie macro qui est quand même très monétaire, c'est la BCE à Francfort, en Allemagne. C‘est triste parce que la France avait, jadis, de très bons analystes monétaires. 

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