Marine Le Pen : Le sourire du pitbull<!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen veut être appréciée de la presse.
Marine Le Pen veut être appréciée de la presse.
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Dans les pas de papa...

Comprendre la personnalité et les ambitions des prétendants à la course présidentielle, c'est le défi que s'est lancé le collectif Sophocle, auteur du livre "Les Candidats et ceux qui vont compter en 2012", dont Atlantico publie les bonnes feuilles. Coup de projecteur sur l'une d'entre eux, Marine Le Pen...

 Sophocle

Sophocle

Sophocle est un collectif anonyme d’une douzaine de journalistes politiques, qui publient Les candidats et ceux qui vont compter en 2012 (Editions l'Archipel, 2011).

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Fiche d’identité

Nom : Le Pen

Prénom : Marine

Âge en 2012 : 44 ans

Terre d’élection : Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais)

Fonction principale : présidente du Front national

Sur scène : la voisine de palier

Dans la loge : la fille de son père

Message subliminal : « N’ayez pas peur »

Comprendre : « Je ferai ce qu’il disait »

Arme fatale : l’humour

Défaut majeur : bûcheuse plus que talentueuse

Qualité première : enthousiaste

Haine primale : Bruno Gollnisch

Mentor politique : Jean-Marie Le Pen

Secret inavouable : souhaite la victoire de la gauche pour que l’UMP explose et lui laisse la place

Marine Le Pen veut être appréciée de la presse. Aimée, l’objectif est inatteignable, elle est lucide. Mais elle veut séduire ces représentants de la « bien-pensance » qui ont tellement fait défaut à son père.

Elle se souvient encore de sa blessure ce 1er mai 2002, quand la foule est descendue dans les rues clamer son dégoût de Le Pen. Une haine autorisée, glorifiée par les médias et les représentants des partis politiques respectables. Une injure jetée à la face de sa famille. De son père. Une injustice ! (…)

Elle sera avocate, comme son père, puis présidente du Front national, comme son père, et candidate à la présidence de la République, comme son père. Mais elle, elle ira encore plus loin. Elle réduira, dépassera cette droite qui se dit « républicaine ». L’UMP de Nicolas Sarkozy, fille du RPR de Jacques Chirac, devra « s’agréger » à elle pour goûter une petite part du pouvoir. Ceux qui la regardent de haut, un jour, seront obligés de rendre gorge. Ils viendront lui manger dans la main. Elle, la fille de Jean-Marie Le Pen qu’ils ont honni ! (…)

Depuis des années, Marine Le Pen incarne une ligne stratégique, la dédiabolisation du Front national. Au départ, c’était plutôt une question de génération. Marine Le Pen n’a pas quarante ans, elle est divorcée, elle parle avec ses amis, des gens de son âge, et certaines idées du Front national lui paraissent vieillottes. Elle n’est pas grenouille de bénitier. La tendance catholique traditionaliste de Bruno Gollnisch l’insupporte ; elle la juge trop étriquée. Des pisse-froid, pour elle, qui aime rire à gorge déployée. Le recours à l’avortement ne lui paraît pas condamnable, par principe. Il peut se comprendre dans certains cas. Et si ça enrage les vieux bougons, ça ne la fera pas pleurer. Elle n’a pas encore de plan de carrière. (…)

Elle n’a pas le talent de ceux que l’on dit brillants, mais elle sait réfléchir et analyser froidement, lucidement, une situation politique. Elle comprend que pour que les médias s’intéressent au Front national, il ne suffit pas d’adoucir le discours. Il faut aussi adoucir l’image. Il faut être gentil, leur faire baisser la garde pour ensuite gagner en crédibilité, et convaincre les électeurs d’adhérer sans complexe à ses idées. (...)

Elle est désormais décidée à reprendre le flambeau et à porter le FN au pouvoir. Elle en « a assez d’avoir à cautionner les petites phrases de tel ou tel ». « Elle veut se ressembler », dit-elle. Elle veut prendre son autonomie. Son père la traite-t-il comme une petite fille? Elle va lui montrer que sa petite fille a grandi et peut lui en remontrer. Serait-elle un garçon, on dirait qu’elle est décidée à tuer le père. Marine est une fille et sa stratégie sera empreinte de sa féminité. (…)

Elle commente l’actualité avec une bonne humeur communicative. Elle déjeune avec des journalistes. Raconte sa découverte de la politique. Une petite fille traumatisée par un attentat, élevée par son père dans le respect de la « Politique avec un grand P ». Une avocate respectueuse des institutions républicaines. Elle dénigre Bruno Gollnisch et les tenants de la tradition catholique au FN. Ils sont « anti-fonctionnaires », « tués par leur consanguinité avec le grand patronat ». Elle a « toujours détesté les connards d’extrême droite ». En peu de temps, Marine Le Pen réussit son pari, elle incarne un Front national qui ne fait plus peur. Fréquentable ?

Elle évite les dérapages et cette image fructifie assez bien grâce à une communication bien maîtrisée. Elle est la nouvelle coqueluche des médias et impose ses règles en coulisse. Ses prises de risques sont limitées. Elle évite les plateaux qui pourraient la piéger. Au point que quand elle aborde la seconde partie de cette stratégie, son image est suffisamment bien ancrée pour résister à des prises de position moins patelines.

La seconde partie de sa stratégie, la plus importante à ses yeux, est celle de l’idéologie. Elle la met en pratique à l’occasion de la présidentielle de 2007. C’est elle qui dirige la campagne électorale de son père. Personne ne prend garde au tournant doctrinal qu’elle imprime au parti. Nicolas Sarkozy a déjà siphonné les voix du FN sur son terrain traditionnel, l’insécurité et l’immigration. Marine Le Pen est déjà ailleurs.

C’est elle qui a inspiré le discours de Valmy en septembre 2006. C’est elle qui a choisi le jour anniversaire de la bataille gagnée par les révolutionnaires contre les Prussiens. Les royalistes peuvent s’égosiller, elle veut un Front national qui s’approprie les valeurs de la République. La laïcité fait déjà partie de sa rhétorique. Lors de sa mise en retrait en 2005, elle s’est constituée un corpus idéologique, qu’elle veut désormais mettre en avant. Il ne diffère pas de celui de son père sur le fond. Sa touche personnelle, elle la met dans la forme. Elle pratique la même stigmatisation de l’étranger que son père, mais au nom de la laïcité. L’islam est critiquable, non par principe, mais parce qu’il « impose ses règles de vie à tous les niveaux, privés et publics ». Elle sait qu’elle justifie la xénophobie et assume cette posture avec le même aplomb que son père, sourire enjôleur en plus.

Cette stratégie de communication bien pensée et maîtrisée lui a permis d’asseoir son charme médiatique. Son père avait joué la victimisation, elle a réussi le pari de la séduction. Sans renier ses origines. Marine Le Pen accepte l’héritage de son père en bloc, sans aucun droit d’inventaire. (…)

La diabolisation du Front national appartient néanmoins largement au passé, Marine Le Pen s’est fait un prénom fréquentable. Elle est au firmament des sondages. Au premier tour des cantonales, le « vote FN » devient le « vote Marine ». Son discours sur l’Islam supposé imposer son style de vie est repris par le nouveau ministre de l’Intérieur Claude Guéant. Avec un large sourire, Marine lui offre une carte d’honneur de son parti. Jean-Marie Le Pen a beau se trouver dans le champ des caméras quand sa fille donne une conférence de presse, le président d’honneur du Front national a beau répondre avec obligeance aux micros qui se tendent, sa fille a pris le pouvoir et elle ne compte pas le lâcher de sitôt.

Derrière le sourire enjôleur se cache la mâchoire d’un pitbull.

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Extrait de Sophocle,Les candidats et ceux qui vont compter en 2012(Editions l'Archipel, 2011).

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