Manuel Valls : comment le Premier ministre a fini par être aspiré dans le trou noir "François Hollande"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Manuel Valls s'est "hollandisé", selon l'opposition.
Manuel Valls s'est "hollandisé", selon l'opposition.
©Reuters

Bye-bye Clémenceau

L'opposition reproche notamment au Premier ministre d'être arrivé à la tête du gouvernement en faisant du "Valls", et, après quelques mois, de ne faire plus que du "Hollande". Presque inconnu de la gauche en 2012 (il avait recueilli seulement 5,63% des voix aux primaires), Manuel Valls a construit sa réputation lors de son passage place Beauvau sur un style ferme et déterminé. Il était alors l'étoile montante de la gauche, qui annonçait une nouvelle jeunesse pour un gouvernement qui paraissait endormi et tatillon.

Pascal Perrineau

Pascal Perrineau

Pascal Perrineau est professeur des Universités à Sciences Po. Il est l'auteur de Cette France de gauche qui vote FN (Paris, Le Seuil, 2017), à paraître le 1er juin. 

Voir la bio »

Atlantico : Aux primaires de 2012, Manuel Valls avait rassemblé 5,63% des voix et n'apparaissait pas comme un personnage clés de la gauche. Comment a-t-il pu s'imposer si rapidement auprès de François Hollande et devenir un pilier important pour la Hollandie ?

Pascal Perrineau : Il y a plusieurs raisons. Tout d'abord, en dépit de ce faible score lors des primaires, il a été un homme clé de la campagne de François Hollande en 2012, en particulier sur le terrain de la communication. Sans être un Hollandais historique, il a joué un rôle important dans le dispositif qui a permis la victoire de François Hollande. Il s'est imposé par son efficacité – il faut dire qu'il avait de l'expérience, lorsqu'il s'est occupé de la communication de Lionel Jospin -, son sens de l'organisation, sa pertinence des diagnostiques. Il a su s'imposer dans l'équipe qui entourait François Hollande.

Cela lui a permis d'être ministre de l'intérieur. Il a alors su imposer son autorité également dans un ministère qui n'est pas toujours évident. Il a su convaincre une partie de l'opinion publique que la gauche pouvait être rigoureuse sur le terrain de la sécurité. Pour le président, qui très vite a été fragilisé par sa cote de popularité descendante, ces éléments paraissent importants. Dès lors, il a été considéré comme l'homme du renouveau pour un deuxième souffle du quinquennat. C'est pour pour donner un nouveau souffle à son quinquennat que François Hollande l'a choisi en 2014.

Cette ascension représente une séquence vertueuse pour Manuel Valls. Dans un premier temps, il s'impose comme ministre, et ensuite il s'impose comme l'homme de la relève.

D'autre part, sa marginalité, qui avait été remarquée lors de la primaire, l'a servi en terme de communication. Il apparaissait comme un homme qui ne venait pas du système socialiste, du système classique. François Hollande, au plus bas dans l'opinion avait besoin de cette image de renouveau.

Qu'incarnait-il que la gauche au pouvoir n'incarnait pas ? Sur quoi a t-il construit sa réputation lors de son passage au ministère de l'Intérieur ?

Il incarne un vrai socialisme réformisme, et même presque un social-libéralisme. En même temps, il incarne également une véritable gauche républicaine : droite dans ses bottes, une culture républicaine qui parle au-delà de la gauche, et un mélange de rigueur sur la laïcité, de rigueur dans le style, d'attachement à la tradition républicaine. Cela lui permet de dépasser la famille socialiste où son réformisme audacieux peut alors paraître comme un problème. Ce sont deux éléments du Vallsisme dont le gouvernement avait besoin.

Il y a aussi un style Valls, qui est un style d'autorité, dans un dispositif de pouvoir qui semblait manquer d'autorité. Manuel Valls, en termes d'image et de pratique donne l'impression d'un homme d'autorité. Dans ce paysage avec un président qui flotte, un gouvernement dans lequel il n'y a pas de véritable marque forte, Manuel Valls paraissait comme être une solution pour répondre au problème d'image de flou et d'indécision, qui a coûté très cher au pouvoir élu en 2012.

Comment a-t-il fait avec Arnaud Montebourg pour mettre Jean-Marc Ayrault à la porte ? Quelle était sa stratégie ?

Il y a toujours eu des hommes qui ne partagent peu sur le fond et qui s'allient temporairement et tactiquement pour écarter l'homme qu'ils cherchent à remplacer. En l'occurrence il s'agissait de Jean-Marc Ayrault. Leur alliance était malgré tout fragile, puisque quelques mois après, Arnaud Montebourg lui-même est parti. Jean-Marc Ayrault représentait pour eux un socialisme trop paisible, trop marqué par le sens du compromis Hollandais. Ils désiraient qu'une jeune génération turbulente prenne la place.

L'opposition a pointé du doigt il y a plus d'un an le changement de comportement et de ton qu'adoptait Manuel Valls. On lui a reproché d'être arrivé à la tête du gouvernement en faisant du "Valls", et après quelques mois, de faire du "Hollande". Depuis septembre dernier, le premier ministre laisse entrevoir des rétropédalages et des positions plus aussi fermes et assurées qu'avant, à tel point que l'on peut se demander si le "matador" du PS n'a pas fondu dans les hésitations de la présidence Hollande. Comment s'est-il Hollandisé ? Comment peut-on décrire et analyser ce changement d'attitude ? Dans quelle mesure François Hollande a-t-il déteins sur Manuel Valls ?

Le changement d'attitude est inévitable. Dans la Vème République, un premier ministre ne peut pas s'opposer au président de la République. Le patron, quel que soit sa position dans l'opinion publique, est le président. Aucun premier ministre n'a réussi à lui tenir tête. Lorsqu'il y a eu l'affrontement le plus fort entre VGE et Jacques Chirac en 1976, c'est Jacques Chirac qui est parti. Rien n'a changé. Il ne peut pas structurellement tenir tête au président. C'est le système même de la cinquième République qui veut cela.

Dans son discours, et encore dans le discours de l'université de la Rochelle, il met en avant le président de la République, il dit bien régulièrement que son action se développe sous l'autorité de François Hollande. Il ne met pas en avant sa popularité très nettement supérieure que celle du président – ce qui est rare sous la cinquième République ! Il n'en joue pas et il n'est pas dans une stratégie où il pourrait laisser entendre qu'il veut battre François Hollande lors des prochaines primaires pour les élections présidentielles. Il intègre jusqu'au bout la politique et le comportement de François Hollande, car il ne peut pas faire autrement. Après avoir été une météorite qui s'impose dans le paysage de la gauche, il rencontre la difficulté d'affronter les représentants de la gauche historique.

Il prépare certainement la présidentielle d'après. Sa stratégie actuelle est de représenter l'homme de la relève de la gauche et le sage élève. Seulement, en cas de défaite de la gauche, s'il veut reprendre le flambeau et assurer la relève, ce ne sera pas si facile, car il représente un courant socialiste minoritaire.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !