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Manifestations en Iran : pourquoi la République islamique est loin d’être à la veille d’une nouvelle révolution
©Reuters

Vrai espoir ?

Après cinq jours de violences et une douzaine de morts en Iran, le président Rohani a assuré que "le peuple iranien répondra aux fauteurs de troubles". Malgré la colère, peu de chance d'être à l'aune d'une nouvelle révolution iranienne.

Thierry Coville

Thierry Coville

Thierry Coville est chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran. Il est professeur à Novancia où il enseigne la macroéconomie, l’économie internationale et le risque-pays.
 
Docteur en sciences économiques, il effectue depuis près de 20 ans des recherches sur l’Iran contemporain et a publié de nombreux articles et plusieurs ouvrages sur ce sujet.
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Atlantico : Des manifestations contre la vie chère et la corruption à répétition ont commencé à dégénérer en Iran, entrainant la mort d'au moins une douzaine de personnes. C'est la quatrième nuit de manifestation de suite, signe d'un degré d'exaspération important au sein de la population. Faut-il y voir le signe précurseur d'un grand bouleversement ou s'agit-il d'une secousse sans conséquence pour la République islamique ?

Thierry Coville : C'est une secousse qui peut se révéler potentiellement dangereuse, notamment pour les forces modérées. Les personnes qui manifestent dans de nombreuses villes proviennent à priori de deux groupes. On trouve d'abord les plus pauvres qui pour la plupart d'entre eux ne participent jamais aux élections (taux de participation de 70 % lors des dernières élections présidentielles). Ce groupe proteste à cause d'un quotidien économique difficile marqué par un chômage élevé (au moins 18 % en réalité, taux qui est encore plus élevé pour les jeunes diplômés, ce qui touche énormément de jeunes avec près de 700 000 nouveaux diplômés de Masters chaque année). Les protestations portent également sur la corruption, le sentiment étant très fort en Iran que les institutions publiques ne travaillent que pour les initiés proches du pouvoir Il est possible qu'il y est également une partie de la classe moyenne qui est déçue par les premiers mois du nouveau mandat de Rohani et qui considèrent qu'il a oublié toutes ses promesses de campagne (où il promettait de lutter pour l'ouverture politique et la défense des droits individuels entre autres). 

On ne sait pas encore si c'est un signe avant-coureur d'un grand bouleversement. Pour l'instant, les millions d'habitants de la classe moyenne et aisées qui travaillent et vivent en ville ne sont pas dans la rue. Un certain nombre d'entre eux pourraient commencer à protester si le cycle manifestations-répression s'amplifie et franchit un cap. Par contre, cette crise est potentiellement dangereuse pour les modérés et Rohani. Ils réalisent qu'ils doivent répondre à ces préoccupations sociales et économiques en ne basant pas leurs programmes uniquement sur des politiques d'austérité. L'autre risque est qu'une trop forte répression conduise à un lâchage de Rohani par une partie de ses anciens électeurs. Ceci pourrait annoncer un retour en force des radicaux sur la scène politique. Rohani doit absolument montrer par ses actes qu'il n'a pas oublié ses promesses de campagne. Il doit également engager les réformes structurelles qui permettront d'accroître le poids du secteur privé et d'attirer des investissements étrangers. Tout cela devra être fait dans un environnement interne et externe (avec le maintien des sanctions américaines qui a pour l'instant empêché le retour des grandes banques européennes en Iran) compliqué. 

Le poids des sanctions internationales se fait violemment ressentir, ce genre de manifestations ne risquent-elles pas paradoxallement de renforcer la ligne dure et d'affaiblir encore plus Rohani ?

Tout à fait. Ces adversaires radicaux ont déjà commencé à dire que ces protestations étaient le résultat de l'échec de sa politique économique et étrangère (avec un accord sur le nucléaire qui n'a pas donné tous les résultats attendus). En outre, les adversaires de Rohani contrôlant le judiciaire et les forces de sécurité peuvent durcir la répression et cela peut conduire à une chute de la popularité de Rohani auprès de sa base électorale.

Faut-il s'attendre à ce que les ennemis de l'Iran profitent de cette période de trouble ?

Je ne crois pas. Les radicaux, comme d'habitude accusent les pouvoirs étrangers ennemis d'être à l'origine de ces troubles. On vient de voir que ce n'est pas le cas. Les pouvoirs israéliens, américains ou saoudiens ont à mon avis très peu d'influence. S'ils soutiennent trop nettement ces mouvements, cela sera la meilleure manière de les décrédibiliser car les radicaux en Iran y verront une preuve d'une intervention étrangère. En outre, les différentes déclarations et actions de Trump l'ont rendu peu populaire en Iran (interdiction des visas aux iraniens, maintien des sanctions, refus de certifier l'accord sur le nucléaire, soutien absolu à l'Arabie Saoudite que beaucoup d'Iraniens voient comme un pays finançant le terrorisme extrémiste sunnite). le président américain n'est donc pas vraiment populaire auprès des manifestants et on n'a entendu aucun slogan pro-américain parmi cs derniers ... Par contre, un retour en force des radicaux sur la scène intérieure conduirait sans doute à une politique régional iranienne encore plus agressive.

Donc, si l'on écarte le scénario d'un grand bouleversement en Iran, un affaiblissement de Rohani suite à cette crise ne serait pas forcément une bonne nouvelle pour les pays ennemis de l'Iran

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