Mammouths, dinosaures, dodos : est-il éthique de vouloir ressusciter les animaux de la Préhistoire ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Science
Et si les hommes pouvaient un jour ramener à la vie ces grosses bébêtes, dinosaures, mammouths et autres espèces disparues il y a bien longtemps ?
Et si les hommes pouvaient un jour ramener à la vie ces grosses bébêtes, dinosaures, mammouths et autres espèces disparues il y a bien longtemps ?
©DR

Jurassik Park

Certains scientifiques affirment que le clonage des mammouths sera bientôt possible. Au-delà de l'avancée scientifique, ce sont de véritables problèmes éthiques qu'une telle manipulation génétique poserait. Deuxième volet de notre série consacrée au clonage des espèces disparues.

Marianne Celka

Marianne Celka

Marianne Celka est chercheur en sociologie de l’imaginaire à l’IRSA-CRI de Montpellier. Ses travaux portent sur les représentations sociales de l’animal et de l’animalité. Egalement membre du comité de rédaction pour Les Cahiers européens de l’imaginaire, Editions du CNRS, elle y a récemment publié un article intitulé « L’animal dans l’assiette et sous la couette. Objet de désir et désir d’objet ». Le dernier numéro, « Le Fake » vient de paraître : http://www.lescahiers.eu/fake.

Voir la bio »

Lire aussi sur le sujet : Mammouths, dinosaures, dodos : sommes-nous en voie de faire réapparaître les espèces disparues ?

L’esprit du temps est animée par un enthousiasme particulier pour les figures mythiques et, que ce soit le mammouth ou le dinosaure, ils sont incontestablement de ces figures faisant écho au « Monde Perdu ». La théorie de l’évolution peut engendrer le sentiment qu’une fatalité pèse sur la lutte des espèces et que leur disparition est irréversible. Elle peut aussi et au contraire être perçue comme un processus plein de potentialités parmi lesquelles celle de maîtriser et de modifier son cours. L’idée de ressusciter des espèces disparues, aujourd’hui concevable, met le doigt sur ce paradoxe darwiniste. Par ailleurs, une vision écosystémique du monde implique le développement d’une éthique capable de tempérer la marche du progrès. Celle qui relève de l’animal se charge de prendre en compte sa nature intrinsèque en tant qu’être sensible et dans une certaine mesure, la considération de ses intérêts.

La résurrection du mammouth (d’avantage probable en termes techniques que celle du dinosaure) s’inscrit d’ores-et-déjà dans une ambivalence sociétale, entre fascination pour le monstre et éthique responsable. Comment octroyer une place à cet animal préhistorique qui soit compatible à sa nature sans que cela n’engendre des conséquences néfastes pour les hommes ? Il ne pourrait pas être « relâché » dans un milieu qui n’est plus le sien depuis des dizaines de milliers d’années. C’est alors que se dessinent les contours du parc tel que porté sur grand écran par Steven Spielberg. Le public, à n’en pas douter serait au rendez-vous, cependant le sentiment d’être face à une absurdité persiste, d’autant que le mammouth, s’il est ressuscité, ne sera en fin de compte qu’un hybride (issu de cellules préhistoriques nécessairement incorporées dans l’utérus d’une mère porteuse en l’occurrence éléphante). C’est en ce sens, en tant qu’hybride, que ces animaux préhistoriques pourraient être appréhendés comme de nouvelles créatures de Frankenstein. Incarnation spectaculaire du mythe prométhéen, ce mammouth n’en serait pas moins un monstre capable de se retourner contre son créateur.

En réalité, comme le soulignait Günter Anders à propos de l’arme nucléaire, nous sommes dorénavant « incapables de ne plus être capables de ce dont nous avons été capables une fois ». Si l’éthique commandait de ne pas cloner l’animal préhistorique, si elle tentait d’empêcher l’accouchement de cette « nouvelle » créature, l’idée elle, survivrait. En finalité, la résurgence (réelle ou fictive) de ces animaux mythiques est une manière de sentir à nouveau ce frisson, celui qui nait de la rencontre du terrible et du fascinant.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !