Mais que s’est-il vraiment passé entre la Commission de Bruxelles et Pfizer ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La Commission européenne a refusé de dévoiler des échanges par SMS entre sa présidente Ursula von der Leyen et le PDG de Pfizer
La Commission européenne a refusé de dévoiler des échanges par SMS entre sa présidente Ursula von der Leyen et le PDG de Pfizer
©JOHN THYS / AFP

« Mauvaise administration »

En avril 2021, un article du « New York Times » révélait les messages envoyés entre Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, et le PDG de Pfizer, Albert Bourla. Des échanges que la Commission a refusé de dévoiler.

Claude Moniquet

Claude Moniquet

Claude Moniquet, né en 1958, a débuté sa carrière dans le journalisme (L’Express, Le Quotidien de Paris), avant d’être recruté par la Dgse pour devenir "agent de terrain" clandestin. Il exerce ainsi sous cette couverture derrière le Rideau de fer à la fin de l’ère soviétique, dans la Russie des années Eltsine, dans la Yougoslavie en guerre, au Moyen-Orient ou encore en Afrique du Nord. En 2002, il cofonde une société privée de renseignement et de sûreté : l’European Strategic Intelligence and Security Center. De 2001 à 2004, il a été consultant spécial de CNN pour le renseignement et le terrorisme, et est aujourd’hui consultant d’iTélé et RTL. Il est l’auteur, notamment, de Néo-djihadistes : Ils sont parmi nous (Jourdan, 2013) et Djihad : d’Al-Qaïda à l’État islamique (La Boîte à Pandore, 2015), de Daech, la Main du Diable(Archipel, 2016) et, avec Genovefa Etienne, des Services Secrets pour les Nuls (First, 2016). Il est également scénariste de bandes dessinées : Deux Hommes en Guerre (Lombard, 2017 et 2018). Il réside à Bruxelles.

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Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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Atlantico : Selon une enquête menée par le médiateur européen sur les SMS envoyés par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen au PDG de Pfizer, la Commission a été accusée coupable de « mauvaise administration ». Que reproche concrètement le médiateur à la Commission et à Ursula von der Leyen ?

Charles Reviens : La question fait référence aux investigations de « l’ombudswoman » de l’Union européenne (UE), l’Irlandaise Emily O'Reilly qui occupe ces fonctions depuis 2013. Le bureau du Médiateur européen a en effet vocation à « enquêter sur des cas de mauvaise administration et examiner des questions systémiques plus vastes avec les institutions de l’UE selon leur propre définition ».

L’affaire commence avec un article du New York Times du 28 avril 2021 intitulé « Comment l’Europe a conclu un deal sur les vaccins avec Pfizer avec des textos et des appels téléphoniques ». L’article mentionne des échanges personnels entre la présidente de la Commission Ursula von der Leyen et le président directeur général de Pfizer Albert Bourla qui aboutissent à la conclusion de l’achat par la Commission près d’un milliard de doses de vaccins covid, tout simplement le plus gros contrat passé par la Commission et faisant de Pfizer l’acteur clé des vaccins covid en Europe comme cela sera développé ci-après.

Le média en ligne allemand netzpolitik a demandé au cours de l’été 2021 à la Commission l’accès aux message et s’est vu opposer un refus. Netzpolitik s’est alors adressé à l’ombudsman européen qui a déclenché une enquête le 16 septembre 2021. Le bureau de la Médiatrice a essuyé à son tour le refus de la Commission d'accorder un accès aux messages SMS échangés entre la présidente de la Commission et le président de Pfizer, les services de la Commission ne cherchant pas vraiment les message en question et indiquant qu’ils n’avaient pas mission à les conserver. Tout cela a conduit le bureau d’Emily O'Reilly a publié sa décision constatant que « la Commission n’a pas indiqué à la Médiatrice si elle avait procédé à cette recherche de SMS non enregistrés. La Commission n’a pas motivé sa décision de ne pas procéder à une telle recherche » et confirmant logiquement son constat de mauvaise administration (« maladministration »).

Emily O'Reilly s’est exprimée de nouveau sur le dossier sur un entretien sur France 24 le 27 janvier dernier (voir le passage en question à la 5ème minute) en expliquant que la Commission avait eu une attitude constante d’obstruction (« stonewall ») depuis la sortie de l’affaire au printemps 2021, il ya près de deux ans, et que cette posture de rétention d’information était délétère pour la confiance du public, la transparence étant selon elle préférable même si c’était couteux sur le plan politique, puisque l’attitude actuelle alimentait idéalement les argumentaires des antivax par exemple.

Claude Moniquet : Les reproches de la médiatrice européenne, Emily O’Reilly, en charge de la surveillance de la transparence et de la bonne gouvernance des institutions, se concentrent sur un aspect précis  des négociations menées entre la Commission et la société Pfizer pour la fourniture de vaccins contre le COVID-19. Il s’agit de textos qui ont été échangés entre la présidente von der Leyen et le directeur général du laboratoire, Albert Bourla. C’est Mme von der Leyen elle-même qui avait révélé avoir échangé ses messages avec M. Bourla, mais quand des journalistes ont demandé accès à ces messages, il leur a été répondu qu’ils n’avaient pas été conservés.    

La médiatrice a, par la suite, découvert qu’aucune recherche sérieuse n’avait été faite pour la bonne raison que les messages n’étaient pas considérés comme des « documents » méritant d’être conservés au titre de la transparence du fonctionnement des institutions et n’étaient donc pas archivés. C’est ce qui l’a amenée à évoquer, en janvier 2022, une « mauvaise administration » et à affirmer que « cette façon d’agir ne répond pas aux attentes en matière de transparence ». Du côté de la commission, on rétorquait que « les documents éphémères et de courte durée ne sont pas conservés…» Ce qui amenait la médiatrice à se faire plus précise :  « Ces messages entrent dans le cadre de la législation européenne sur l’accès du public aux documents […] s’ils concernent le travail de l’institution… » 

Que savons-nous exactement, à ce jour, du lien entre Ursula von der Leyen, son cabinet, la Commission et Pfizer ?

Claude Moniquet : Ce que l’on sait de manière certaine, c’est que, en 2021, la Commission européenne, s’est inquiétée de voir les Etats membres négocier en ordre dispersés et se livrer à une sorte de concurrence inter-étatiques qui auraient pu influencer les prix ou même menacer l’égalité d’accès des citoyens de l’Union aux vaccins. Si on se rappelle la pagaille qui avait marqué, lors des premiers mois de la pandémie la chasse aux approvisionnements en masques et matériels de protection, en respirateurs ou en tests de détections, cette crainte n’avait rien d’infondé. La commission a donc décidé de se charger elle-même de cette négociation. 

Ensuite, Mme von der Leyen s’est impliquée elle-même dans les discussions, ce qui est relativement inhabituel mais peut s’expliquer par le fait qu’elle est, elle-même (entre autres, car il s’agit d’une surdiplômée…), médecin de formation, et il se dit même qu’elle aurait « écarté» les équipes normalement chargées de ce genre de tractations pour négocier directement le contrat avec Pfizer. Ceci a, évidemment, nourri de nombreuse thèses complotistes. 

Charles Reviens : Il faut partir du choix fondamental fait au début de l’été 2020 par les pays membres de l’UE de confier à la Commission la négociation avec les laboratoires pharmaceutiques et la gestion de l’approvisionnement en vaccins covid. Cela a été fait selon l’adage « l’union fait la force  » et on a constitué l’occasion une « Europe de la santé » absolument pas prévue dans les textes (on aurait pu tout à fait considérer qu’il était opportun d’appliquer le principe de subsidiarité qui lui est dans les traités. Cela n’aurait toutefois pas été dans le sens d’une « union toujours plus étroite » et j’ai écrit à l’époque plusieurs contributions sur cette thématique.

Selon l’eurodéputé belge Marc Botenga, après avoir promu le vaccin comme un bien commun accessible à tous » et en réaction à une très forte pression publique et la concurrence avec d’autres pays occidentaux (USA et Royaume-Uni notamment), la stratégie vaccinale de la Commission a changé brutalement et Ursula von der Leyen semble avoir privilégié des accords d’achat avec les laboratoires pharmaceutiques probablement beaucoup lucratifs et protecteurs en matière de propriété intellectuelle pour ces derniers que l’approche « bien public ».

Selon le rapport spécial « L'UE et l'acquisition de vaccins contre la COVID-19 » de la Cour des Comptes européenne de septembre 2022, la Commission a signé onze contrats avec huit fabricants garantissant jusqu’à 4,6 milliards de doses pour un coût total proche de 71 milliards d’euros. Pfizer/BioNTech est le seul industriel faisant l’objet de trois contrats pour un total de 2,4 milliards de doses soit pour ce seul partenaire plus de la moitié du total des doses achetées comme cela apparait sur les tableaux ci-après de la Cour des comptes européenne.

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En effet selon la même Cour des Comptes européenne, « le vaccin de Pfizer/BioNTech domine le portefeuille de 2022-2023 en raison, selon la Commission, de la capacité de cette entreprise à approvisionner l'UE de manière fiable ».

En outre la Cour des Comptes pointe les spécificité de la négociation du méga contrat (900 millions de doses ferme + 900 millions en option) entre la Commission et Pfizer : « au cours du mois de mars 2021, la présidente de la Commission a mené les négociations préliminaires ayant pour objet un contrat avec Pfizer/BioNTech. Il s'agit du seul contrat pour lequel l'équipe conjointe de négociation n'a pas participé à cette étape des négociations, contrairement à ce que prévoit la décision de la Commission relative à l'acquisition de vaccins contre la COVID-1939. Le 9 avril 2021, la Commission a présenté au comité de pilotage les conditions négociées entre la présidente de la Commission et Pfizer/BioNTech, et le comité de pilotage a convenu de lancer un appel d'offres. Le contrat, signé le 19 mai 2021 (…) est le contrat de fourniture de vaccins contre la COVID-19 le plus important que la Commission ait signé, et il dominera le portefeuille de vaccins de l'Union jusqu'à la fin de 2023 ».

Le rapport spécial de la Cour des Comptes est le document le plus détaillé en la matière dans un environnement marqué par la très grande réticence de la Commission et de sa Présidente à fournir des informations détaillées sur le processus de négociation, notamment dans sa phase amont et ses détails :

  • la Médiatrice européenne s’est vu refuser l’accès aux textos d’Ursula von der Leyen ;

  • la Cour des Comptes européenne indique que « nous avons eu accès aux documents pertinents de la Commission, à l'exception de ceux concernant la participation de la présidente de la Commission aux négociations préliminaires avec Pfizer/BioNTech » ;

  • les versions des contrats d’achat des vaccins disponibles en ligne sur le site de la Commission ne sont pas complètes et sont considérées par certains comme caviardées et illisibles ; la réponse de la Commission au rapport spécial de la Cour des Comptes laisse en outre supposer que la Cour n’a pas eu accès non plus aux contrats complets.

Cette affaire hors norme, dans laquelle nous nous retrouvons quelque peu dans la situation d’Hercule Poirot ou du lieutenant Columbo, suscite régulièrement de bons articles de synthèse, comme celui de Carlo Martuscelli dans Politico ou celui d’Elsa de La Roche Saint-André dans Libération.

Sur la gestion à date des contrats, Reuters a récemment mentionné des négociations en cours entre la Commission et les entreprises pharmaceutiques visant à obtenir la livraison de moins de vaccins en échange d’une augmentation du prix.

L’implication personnelle d'Ursula von der Leyen dans les négociations d'accords commerciaux est-elle une certitude ? Dans quelle mesure s'est-elle engagée ?

Charles Reviens : La participation directe et décisive de la présidente de la Commission dans la négociation amont du méga-deal Pfizer est l’hypothèse retenue tant par les institutions européennes que par les commentateurs et analystes d’un dossier devenu gênant sinon plus pour Ursula von der Leyen.

Toute le monde voudrait connaître les détails des actions et échanges de la Présidente, que ce soit comme on l’a vu la Médiatrice européenne qui constate en la matière un blocage de près de deux ans que dans le rapport spécial de la Cour des comptes européenne.

Mais le Parlement européen est également sur la brèche. Un comité spécial sur « la pandémie covid-19 : leçons retenues et recommandations pour le futur » (acronyme COVI) a été créé en mars 2022. Le président directeur général de Pfizer ne s’est pas présenté au grand désagrément des membres du comité et il est très probable qu’Ursula von der Leyen soit bientôt invitée à se présenter devant le comité parlementaire.

On note aussi que le Procureur européen a reconnu dans un communiqué rare et exceptionnel le 14 octobre 2022 la réalité d’une enquête en cours sur l'acquisition de vaccins COVID-19 dans l'UE, communication rendue nécessaire selon lui du fait l'intérêt extrêmement élevé du public sur le sujet.

Claude Moniquet : L’implication de Mme von der Leyen est certaine, oui. Mais le degré exact de cette implication reste difficile à déterminer. De même bien entendu que les motivations de la présidente. Il est tout à fait possible qu’elle ait décidé de se charger elle-même du dossier pour éviter les lourdeurs de la Commission pour tout ce qui concerne les passations de marché. Après tout, on se rappellera qu’il y avait, à l’époque, urgence à se procurer rapidement les vaccins qui étaient le seul moyen d’enrayer la pandémie. Il est également possible qu’elle se soit concentrées sur les « négociations préalables » au cours desquelles, dans ce type de contrat, on évoque le cadre général de l’opération, les budgets en cause et les délais de mise en œuvre avant de passer à la phase de rédaction des contrats qui, elle, passe en général par des cabinets d’avocats.   

C’est dans ce cadre que se situent les fameux SMS qui ont fait couler d’autant plus d’encre et alimenté d’autant plus de fantasmes conspirationnels que leur contenu n’est pas connu.

Cela étant il ne faut pas oublier que c’est Ursula von der Leyen elle-même qui, la première, a évoqué ces échanges en déclarant au New York Times, en avril 2021, que dans les semaines qui avaient précédé la signature des contrats, elle avait échangé de nombreux textos avec Albert Bourla. L’aurait-elle fait si elle avait quelque chose à cacher ?  

En tout état de cause, on peut espérer finir par y voir plus clair. Il y a en effet trois institutions qui se penchent sur ce dossier (et pas seulement sur les vaccins de Pfizer) : la Cour des comptes, le Parquet européen (spécialisé dans la lutte contre la corruption) et le Parlement européen dont la commission spéciale sur le COVID-19 vient de voter en faveur de la convocation de Mme von der Leyen pour s’expliquer sur l'achat de vaccins. Mais c’est maintenant la présidente du Parlement, Roberta Metsola qui doit décider si elle donne suite ou non à cette « invitation » en la transmettant à la Commission. D’autre part, plusieurs Etats membres demandent également des précisions sur les termes exacts des négociations entre la Commission et les laboratoires et souhaitent savoir, très précisément, ce qui a été promis. 

Il y a quelques mois, le médiateur européen a dénoncé les « portes tournantes » dans l'Union européenne, en disant que Bruxelles devenait comme Washington. Y a-t-il un problème dans la manière dont le lobbying se déroule dans l'Union européenne ?

Claude Moniquet : Je ne pense pas que le cas des vaccins relève du lobbying. Il s’agit davantage à mes yeux de la manière de gérer l’urgence en s’affranchissant, le cas échéant, de certaines règles qui s’appliquent normalement aux marchés publics. C’est une question complexe, difficile à trancher, mais on ne peut nier qu’en 2021, face au Covid, il y avait réellement urgence et que la centralisation des négociations a été profitable à l’ensemble de l’Union et à ses citoyens. Idem aujourd’hui pour ce qui est de la guerre en Ukraine : certaines décisions concernant les fournitures d’armes ou d’autres équipements doivent être prises très rapidement. Et, sans doute, pas toujours de manière très transparente car il s’agit de questions de sécurité internationale.

Maintenant, pour répondre plus précisément à votre question, je pense que Bruxelles a dépassé Washington depuis longtemps. On y trouve sans doute plus de lobbyistes (et d’espions…) que dans la capitale américaine parce que les institutions européennes sont devenues un formidable centre de pouvoir mondial et que s’y négocient des contrats et des accords colossaux. Il s’y prend quotidiennement des décisions qui affectent l’ensemble des marchés et pays de la planète… Que les parties concernées cherchent à faire entendre leurs voix avant la prise de ces décisions est simplement logique.

Charles Reviens : Les « portes tournantes » renvoient aux situations lorsque des fonctionnaires de l’UE acceptent un poste dans le secteur privé, ou lorsque des individus rejoignent les institutions de l’UE en provenance du secteur privé. C’est la version bruxelloise du très français pantouflage et c’est un domaine d’attention pour le Médiateur européen, les changements de postes via les portes tournantes pouvant dans certains cas être préjudiciables aux institutions européennes et porter atteinte à la perception de l’UE par le public.

Le « problème » évoqué dans la question renvoie au problème habituel des conflits d’intérêt qui ont un caractère inéluctable pour les membres des institutions européennes, notamment le Parlement et la Commission qui ont chacun leur « gate » (Qatargate et Pfizergate). L’écosystème européen accueille jusqu’à 30 000 lobbyistes ce qui fait de Bruxelles la seconde capitale mondiale du lobbying après Washington.

La Médiatrice européenne s’efforce en tout cas de mettre progressivement en place des règles protectrices pour caler en lien avec la Commission le problème spécifique des portes tournantes.

Y a-t-il un manque général de transparence à Bruxelles qui favorise la critique et le complotisme ?

Charles Reviens : Le roman Ursula-Pfizer constitue un exemple puissant et désormais très visible d’absence de transparence de Bruxelles : on n’a pas les textos (pire, on suppose qu’ils existent comme les bandes magnétiques du président Nixon lors du Watergate), on n’a pas les contrats non plus, bref l’usine à rumeurs peut fonctionner à fond. Emily O'Reilly a déclaré que cette situation était délétère et renforçait les critiques des « anti » de tous poils (UE, vaccins covid, capitalisme, Big Pharma…). Tout cela va de pair avec le scandale récent du Qatargate au Parlement européen qui remet une autre pièce dans le distributeur.

Enfin tout cela percute le bourdonnement permanent de moraline libérale et de discours sur « les valeurs européennes » qui constitue le bruit de fond récurrent des éléments de langage des pro Européens en général et de la communication d’Ursula von der Leyen en particulier.

Claude Moniquet : Le lobbying, en soi, n’est pas un mal. Il est normal que des pays, des secteurs industriels, des groupes de pressions, des organismes de défenses catégoriels ou toute autre organisation représentant l’économie ou la société civile se fassent entendre. Le lobbying, s’il est bien fait, ce n’est rien d’autre que l’un des moyens d’information des décideurs. 

Maintenant, dire qu’il n’y a pas de problème, serait évidemment faux. En schématisant, on peut discerner trois manières de pratiquer le lobbying. La première, la plus classique et la plus répandue consiste à annoncer clairement, d’entrée de jeu, quels intérêts on représente. Il existe d’ailleurs, au parlement, un registre dans lequel les lobbyistes doivent s’inscrire et dire quels intérêts ils représentent. Rien à dire donc. Une deuxième méthode est plus discutable mais pas illégale, à défaut d’être transparente : des centaines d’ONG prospèrent dans la capitale européenne et certaines peuvent, au-delà de la défense « normale » d’une cause ou d’une autre, dépenser beaucoup d’énergie à plaider pour des personnes, des Etats ou des secteurs industriels. Ces activistes circulent au Parlement, à la Commission ou autour des représentations permanentes des Etats membres et peuvent très bien tenter de peser sur les décisions. Enfin, comme on le voit à travers du dossier du « Qatargate », il existe évidement un lobbying corruptif qui, lui, est clairement de nature criminelle. 

Mais il y a également un autre problème. Dans son fonctionnement quotidien, la Commission européenne s’entoure de centaines d’experts contractuels recrutés pour des missions et des durées spécifiques et payés sur les fonds européens. Or il est très fréquent que ces experts, loin d’être indépendants, proviennent d’un lobby, d’une ONG ou d’une industrie. Dès lors la question de l’objectivité dont ils font preuve en conseillant les fonctionnaires se pose. 

Il est évident qu’un effort doit être fait pour plus de transparence et, bien entendu les pratiques illégales doivent être éradiquées, mais sans pour autant nuire à la représentation légitime d’intérêts. Pour ce qui est des complotistes, malheureusement, quelle que soit la manière dont fonctionneront les institutions, ils trouveront toujours matière à alimenter leurs fantasmes…   

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