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Mais pourquoi préférer l’accélération de la fin de vie plutôt qu’une loi grand âge ?
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Arbitrages politiques

Une loi grand âge était prévue à la fin du quinquennat précédent ou au début de celui-ci, avant d'être abandonnée pour des raisons obscures

Marie de Hennezel

Marie de Hennezel

Marie de Hennezel est psychologue, psychothérapeute et écrivaine. Elle est connue pour son engagement à l'amélioration des conditions de la fin de vie.

Elle est l'auteure de nombreux ouvrages, notamment L'adieu interdit (Plon, ivre avec l'invisible, (Robert Laffont, de La Vie « L’aventure de vieillir ».

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Atlantico : Alors qu’une loi grand âge était prévue à la fin du quinquennat précédent ou au début de celui-ci, cette dernière semble avoir été enterrée. Comment l’expliquer ? 

Marie de Hennezel : Les raisons de l’abandon définitif de cette loi sont opaques. Elles sont, vraisemblablement financières. Car la prévention de la perte d’autonomie, l’anticipation, la mise en place d’habitats à taille humaine, l’articulation des différents financements. Tout cela a un coût. Et dans cette société âgiste, "mettre de l’argent" sur les vieux et la vieillesse ne semble pas une priorité. Il y a un déni de réalité, vieillir et mourir font peur.

Dans le même temps, le gouvenement souhaite avancer sur la fin de vie et l’euthanasie. Pourquoi le gouvernement semble préférer l’accélération de la fin de vie plutôt qu’une loi grand âge ?

C’est une question que l’on peut se poser. L’euthanasie n’est pas une question urgente, c’est une question marginale : une toute petite minorité de Français veulent maitriser l’heure de leur mort. Alors que la grande majorité veut mourir sans souffrir, sans être prolongé, et en étant accompagnés. Se concentrer sur ceux qui veulent maitriser leur mort est une forme d’insulte à l’égard de ceux qui veulent vieillir dignement. On veut faire croire aux Français qui ont peur de mal mourir qu’une loi sur l’aide active à mourir va leur garantir une mort digne. C’est un mensonge. Il y a d’autres moyens pour cela, notamment garantir l’accès aux soins palliatifs, ce qui n’est pas le cas pour 80% des français qui en auraient besoin. Que signifie mettre tant d’énergie sur une loi qui concerne une minorité, avant d’appliquer la loi du 9 juin 1999, donnant accès à tous aux soins palliatifs ?

Est-ce une fuite en avant plutôt que de traiter la situation actuelle, et d’y mettre les moyens ?

Ce qui est choquant c’est l’actualisation d’une concertation nationale en vue de légitimer l’euthanasie, de lancer un débat qui divise les Français, alors que la priorité est d’engager les moyens nécessaires à l’adaptation de la société au vieillissement de sa population. Notre solidarité à l’égard des plus vulnérables et des très âgés ne peut pas se concentrer sur la réponse euthanasique par compassion.

Que faudrait-il faire ? Que serait-il possible de faire ?

Accepterons nous dans dix ans que, faute de moyens, les gens fatigués de vivre dans l’indignité réclament de mourir ? C’est une question de moyens et de prévention. Il faut repenser la solidarité vis-à-vis des personnes vieillissantes. Celle ci doit être pensée avec les interressés eux mêmes. La loi Grand Âge était un énorme chantier qui est abandonné, avec beaucoup d’aspects intéressants, comme l'habitat, la mobilité, le changement de regard sur ce qui est vieillir.

Qu’est-ce que cela dit de notre société ?

L'âgisme gouverne notre société. La honte de vieillir est présente chez les personnes vieillissantes qui se sentent mises de côté. Nous sommes dans une société qui a des valeurs de rentabilité, de jeunisme, d’effectivité, et qui est en train de se déshumaniser, malgré les efforts certains associations humanistes qui sont l’honneur de notre société.

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