Une Europe de la défense ? Une illusion alors même que l'Europe ne parvient toujours pas à régler les problèmes de la zone euro<!-- --> | Atlantico.fr
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Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), s'apprête à donner sa signature qui sera imprimée sur les billets en euros à Francfort-sur-le-Main, le 27 novembre 2019.
Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), s'apprête à donner sa signature qui sera imprimée sur les billets en euros à Francfort-sur-le-Main, le 27 novembre 2019.
©©Daniel ROLAND / AFP

Sens des priorités

Le sujet d'une défense commune est de nouveau évoqué par certains dirigeants de l'Union européenne. Pourtant, peut-on penser qu'il soit viable, alors que des thèmes comme l'intégration monétaire, l'un des engagement européens les plus clairs, est loin d'être exempt de critiques depuis ces vingt dernières années ?

Bruno Alomar

Bruno Alomar

Bruno Alomar, économiste, auteur de La Réforme ou l’insignifiance : 10 ans pour sauver l’Union européenne (Ed.Ecole de Guerre – 2018).

 
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Atlantico : L'un des plus clairs engagement européen est sans doute l'intégration monétaire. L'euro est en place depuis 20 ans et est loin d'être exempt de critiques. A quel point avons-nous laissé certains égoïsmes nationaux plomber l'euro ?  

Bruno Alomar : Je ne sais pas ce que signifie « plomber l’euro ». Il n’y a pas de crise de l’euro. Il y a en revanche une zone monétaire, la zone euro, qui n’est pas optimale (comme c’est le cas à des degrés divers de toutes les zones monétaires, y compris la zone dollar), et qui, tôt ou tard, devra être restructurée, forcément dans la douleur. C’est ce que nous n’avons collectivement pas été capables de faire à l’été 2015 avec la Grèce.  

Pour ce qui concerne les « égoïsmes nationaux », là encore de quoi parle-t-on ? Si l’on suggère que l’euro a été bâti sur le modèle allemand et que les Allemands ont mieux géré les implications de l’euro pour leur économie domestique, c’est un peu court me semble-t-il. C’était à nous Français de comprendre ce qu’impliquait l’euro, et notamment l’absence de possibilité de dévaluer. C’était à nous de ne pas admettre que l’euro soit bâti ainsi. Mais pour cela, il aurait fallu que François Mitterrand, Jacques Chirac et ceux qui les entouraient soient plus compétents. 

Enfin, permettez-moi de dire une chose simple : si l’on veut que l’euro survive, la réponse n’est pas à la BCE. Elle est dans la capacité (l’incapacité en l’occurrence) de la France à tenir ses comptes publics. J’ai pour ma part décidé de quitter la direction du budget du Ministère des finances en 2003 quand le Premier ministre de l’époque, JP Raffarin a déclaré martialement que la France ne respecterait pas le pacte de stabilité et de croissance. C’était un signe fort : aucune volonté de mettre la dépense publique sous tension pour réformer l’économie. Presque 20 ans après, notre dette publique a doublé, notre taux de croissance naturel s’est réduit, notre société est en miettes, nos services publics (école, justice, police) sont en lambeaux. Ce n’est pas la faute de l’euro ou de l’Allemagne. C’est celle des gouvernants que nous choisissons. 

Le sujet de la défense européenne est, de nouveau, évoqué par certains dirigeants de l'Union européenne. Si les Etats n'ont pas réussi à mettre en place une zone monétaire véritable fonctionnelle, peut-il en être autrement pour le sujet de la défense européenne ?  

La défense européenne est un sujet de plus en plus important…à l’intérieur du périphérique parisien. Personne de sérieux en Europe n’imagine une défense européenne. En revanche, il y a, avec la guerre en Ukraine, une prise de conscience – tardive, insuffisante etc. – de la faiblesse géopolitique de l’Europe, notamment en Allemagne et dans les pays du Nord. Ceci passera – qu’on le regrette ou non - par un renforcement du pilier européen de l’Otan, et non par une défense européenne. 

Il y d’ailleurs un paradoxe apparent en la matière. C’est bien la France qui, par son histoire, ses responsabilités géopolitiques, diplomatiques et militaires, a raison : le monde est dangereux et l’UE, à ne vouloir être qu’un libre marché, est condamnée à être la proie des puissances qui s’assument. Mais la France n’est pas crédible.  

D’abord parce que l’actuel Président de la République, dernier représentant d’une lignée politique qui englobe Bill Clinton, Tony Blair ou Pascal Lamy, est un récent converti, qui s’est construit entièrement contre les idées de souveraineté et de puissance. Ces idées, il les a découvertes, comme sur le chemin de Damas, en devant enfiler le costume de chef des armées, et il prétend, toute honte bue, les avoir toujours promues.  

Ensuite, et plus fondamentalement, car au sein de l’UE, organisation économique par nature, nos partenaires nous regardent d’abord et avant tout au travers de notre économie. Pas de notre armée ou de notre diplomatie. Or, si notre armée et notre diplomatie sont, de fait, les meilleurs en Europe, après le départ du Royaume-Uni dont l’on s’obstine à ne pas comprendre le désastre qu’il est pour l’UE – ce qui jette une lumière étrange sur la volonté de supprimer le corps diplomatique – personne, parmi nos partenaires, n’est prêt à le comprendre et encore moins à le reconnaître.  

Dans quelle mesure l'Union européenne aurait elle intérêt à d'abord corriger les problème de la zone euro avant de se lancer dans un chantier de l'ampleur de la défense européenne ? Quels sont les problèmes les plus importants à régler avec la zone euro ?   

L’UE fonctionne comme la révolution de Mao, lequel disait, que si elle n’avance pas elle tombe. Il faut évidemment faire une pause dans l’intégration communautaire (élargissement ET approfondissement), et soigner la zone euro. Mais pour cela plusieurs conditions ne sont pas réunies.  

Première condition : que les pays de l’UE, notamment du Sud, en ce compris la France, réforment leurs économies et remettent de l’ordre dans leurs finances publiques. Le message de Messieurs Macron, Sanchez et Draghi est clair : il n’en est pas question, faisons encore plus de dette !  

Deuxième condition : que les institutions européennes, et notamment la Commission, retrouvent leur rôle. Au lieu de faire respecter le pacte de stabilité et de croissance, que fait la Commission ? Elle nous explique, par la voix de Mme Von der Leyen, que l’Ukraine, pays d’environ 45 millions d’habitants, profondément corrompu, dont le PIB par habitant est plus de 2 fois inférieur à celui de la Bulgarie, Etat le plus pauvre de l’UE, doit adhérer en urgence.  

Cette Union-européenne là est condamnée au déclin.  

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