LR : une motion de censure pour oublier le vide stratégique du parti ?<!-- --> | Atlantico.fr
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François-Xavier Bellamy s'exprime à côté du député et président des Républicains Eric Ciotti lors d'une conférence de presse à Paris, le 19 mars 2024.
François-Xavier Bellamy s'exprime à côté du député et président des Républicains Eric Ciotti lors d'une conférence de presse à Paris, le 19 mars 2024.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Alliance

Alors que les députés Les Républicains ont discuté en réunion de groupe de l’opportunité de déposer ou non une motion de censure à l’Assemblée nationale, la question qu’ils se gardent bien de trancher est celle de la suite : et après quoi ? Ou plutôt, et après quelle alliance ?

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton est actuellement professeur à l'Université catholique de Lille. Il est également auteur de notes et rapports pour le think-tank GénérationLibre.

 

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Atlantico : Plusieurs dirigeants LR songent aujourd’hui à déposer une motion de censure contre le gouvernement, dont ils dénoncent les dérives budgétaires. Dans quelle mesure cette occasion dont LR semble vouloir se saisir vient masquer le vide stratégique qui creuse aujourd’hui le parti ?

Raul Magni-Berton : Commençons par rappeler que chaque parti politique exerce une forme de propriété sur certaines thématiques et certains enjeux. Il est alors considéré comme le plus compétent sur le domaine dont il est question. Jusqu’à l’émergence d’Emmanuel Macron, la droite de gouvernement pouvait se targuer d’être considérée comme la famille politique la plus compétente en matière de rigueur budgétaire. A cet égard, il est possible pour Les Républicains de capitaliser sur une motion de censure réussie concernant les dérives budgétaires de Renaissance. C’est l’occasion, pour la droite de gouvernement, de prendre sa revanche sur l’une des thématiques qui a fini par lui échapper et, dès lors, cela pourrait constituer un événement utile pour le parti. A condition, bien sûr, que celui-ci parvienne à re-coordonner ses troupes qui, faute de connaître encore leur cheval de bataille, ont fini par se perdre çà et là. De ce point de vue, je ne sais pas si la motion de censure masque vraiment la perte de ligne des Républicains. Elle pourrait aussi les tirer d’une situation marquée par les désaccords internes et l’absence de direction commune. Ils n’ont plus d’identité forte aujourd’hui.

Notons, d’ailleurs, que cette situation n’est pas très surprenante au regard de l’évolution qu’a pu connaître le parti des Républicains depuis la dernière défaite lors de l’élection présidentielle de 2022. Entre deux élections, les partis des perdants sont généralement confrontés à l’absence de leader (il est soit parti, soit contesté du fait de son mauvais résultat) et cela engendre régulièrement des disputes en interne, chacun tentant d’imposer sa propre ligne au reste du mouvement. Dans ce genre de situation, tout un chacun compte généralement sur la capacité (très forte, il faut bien le dire) des familles politiques à se réaligner juste avant la prochaine échéance électorale majeure. La motion de censure dont on parle aujourd’hui pourrait constituer une tentative de réalignement.

Ceci étant dit, il faut bien réaliser que cette motion ne peut entraîner autre chose qu’une liesse provisoire. Qu’elle soit menée à bien ou non, qu’elle passe ou non, il faudra inévitablement s’attendre à de très grosses disputes au sein des Républicains, au moins jusqu’en 2026. La ligne du parti n’a pas été établie, elle ne le sera très probablement pas avant le début de la campagne pour la prochaine présidentielle. On aurait tort de penser qu’une union, derrière cette possible motion de censure, annonce la fin de la bagarre, si je puis dire.

Il importe aussi de préciser que les LR suivent, peu ou prou le même destin que le Parti Socialiste. Il y a eu une élection d’écart entre leurs chutes respectives mais Les Républicains ont fini par vivre la même désillusion présidentielle. Je crois toutefois que les LR affichent une plus grande solidité que n’a pu le faire (et ne le fait encore) le PS.  En 2022, ne l’oublions pas, une partie considérable des électeurs LR ont décidé de porter leur voix en soutien d’Emmanuel Macron dès le premier tour, de peur de ne pas pouvoir porter leur candidat naturel au second tour de l’élection. Les socialistes avaient fait la même chose en 2017… mais contrairement aux électeurs de droite, ils ont continué à suivre le président nouvellement élu lors des élections législatives. La droite, pour sa part, est revenue aux urnes en faveur des candidats LR à l’occasion des dernières législatives. C’est pour cela que le groupe LR demeure assez conséquent à l’Assemblée et qu’il est même le plus important au Sénat. Ils ont su s’imposer de façon assez marquée pour pouvoir, occasionnellement au moins, prétendre au titre de faiseurs de roi.

A bien des égards, la formation politique semble avoir perdu sa ligne directrice. Elle n’a pas l’air de savoir où aller ensuite, ni de vouloir trancher sur cette même question. Comment en sommes-nous arrivés là ? Quel impact pour la droite, selon vous, et son avenir dans le paysage politique français ?

Cette situation s’explique avant tout par la réussite de la stratégie d’En Marche, en 2017, puis de Renaissance en 2022. Emmanuel Macron a construit sa formation présidentielle en récupérant les figures politiques et les électeurs les plus modérés, tant au sein du Parti Socialiste que chez Les Républicains. Se faisant, les socialistes restant étaient plus marqués à gauche que ne l’était la formation dans son ensemble avant le passage d’Emmanuel Macron et il en va de même à droite. Pour Les Républicains, cette situation s’est avérée assez embarrassante en cela qu’il leur fallait alors composer (et cela se vérifie encore aujourd’hui) avec Renaissance sur leur gauche et le Rassemblement National sur le flanc droit. Ils ont cruellement manqué d’espace pour exister politique, puisqu’il n’y avait pas grand chose à prendre, sur le plan électoral, en partant vers la droite. Aussi bien stratégiquement qu'idéologiquement, la question de la position et de la ligne à adopter est devenue difficile à trancher. Nombreux sont ceux, au sein du mouvement, qui ont préféré ne pas répondre à cette question. Désormais, c’est la conséquence de cette indécision, ils sont coincés dans l’impasse.

Une autre question se pose assez mécaniquement, maintenant. C’est celle de l’ambition du parti. Les Républicains ambitionnent-ils encore de devenir (ou, plutôt, de redevenir) l’une des formations les plus imposantes du paysage politique français ? Ils ont plus de chance d’y parvenir que les socialistes, du fait notamment de la résilience de leur ancrage territorial que nous avons pu évoquer précédemment, et des équilibres politique généraux qui peuvent faire d’eux des faiseurs de roi. Il leur faudra choisir entre ces deux positions : celle du roi, à proprement parler, ou celle du parti qui couronne le roi. Tout porte à croire qu’ils ne savent pas très bien quelle est la direction qu’ils préfèrent prendre. D’aucuns, et c’est également mon cas, pourraient d’ailleurs estimer que compte tenu de cette situation, il pourrait s’avérer prématuré de trancher tout de suite.

Je pense qu’il existe un espace politique et électoral pour un parti affichant un certain attachement à un libéralisme classique, qui relèverait notamment du respect de la rigueur budgétaire, de la bonne gestion des comptes publics et de la réduction de la dette. C’est l’image que Renaissance a essayé de capturer, mais force est de constater que cela ne prend plus. Le parti du président s'est assez rapidement positionné dans un mélange entre Parti Socialiste et LR, visant à conserver un étatisme très fort. Il y a là une marge de manœuvre réelle pour Les Républicains. Il faut aussi réaliser qu’il pourrait y avoir du terrain à grappiller sur certaines thématiques aujourd’hui reléguées au RN, comme l’immigration, puisque l’on sait que certains électeurs ne voteront pas pour ce parti. Traditionnellement (comprendre, jusqu’à l’arrivée d’Emmanuel Macron), LR était le parti qui rassemblait l’électorat le plus riche de France. A l’inverse, le RN rassemble l'électorat le plus pauvre du pays.

La droite peut-elle encore espérer se relever, sans champion présidentiable incontesté, alors qu’elle est le terreau de maintes contradictions idéologiques internes et qu’elle est en dérive dans les sondages ?

Il est un peu tôt pour identifier, quelque soit le parti dont on parle, un champion présidentiable. L’élection n’aura pas lieu avant plusieurs années. Revenons sur les précédentes échéances électorales présidentielles pour nous en convaincre : Nicolas Sarkozy, François Hollande ou Emmanuel Macron se sont tous démarqués quelques mois ou un an avant l’élection. Le premier bénéficiait d’une certaine visibilité avant cela mais il faisait aussi face à d’autres candidatures potentielles dans son camp. Les deux autres sont devenus candidats de façon plus soudaine. Le personnage de champion présidentiable se fabrique en très peu de temps. Ce sur quoi l’inquiétude peut porter, en revanche, c’est la solidité de l’équipe qui devra le porter au pouvoir. Avant de pouvoir en constituer une, il faut déjà que le parti s’aligne sur une position et c’est loin d’être le cas aujourd’hui.

Le fait est, néanmoins, que la droite a beaucoup de mal à faire émerger des personnages. Cela s’explique par son absence durable des cercles du pouvoir : il est plus simple de construire une figure politique quand celle-ci est au gouvernement et bénéficie de la visibilité qui va avec.

Faudra-t-il admettre l’idée d’une alliance pour revenir au pouvoir ? Quel déroulé stratégique envisagent aujourd’hui les LR, selon vous ?

A certains égards, c’est une question que nous avons déjà abordée : Les Républicains peuvent-ils encore jouer les gros bras ? C’est difficile à dire. Personne n’y croit encore, ou presque. Je suis d’avis qu’ils pourraient en avoir encore l’opportunité, dépendamment des choix qu’ils décident de faire mais cela dépendra de la ligne qui parviendra à s’imposer. Ils restent très bien implantés localement et peuvent compter sur un électorat resté étonnamment fidèle. N’oublions pas que c’est le seul parti qui, depuis 2002, qui a réussi à gagner des électeurs entre l’élection présidentielle (pourtant perdue) et les législatives.

Évidemment, l’option la plus probable est celle qui consiste à rester petits et à s’associer à l’un des deux forts que sont Renaissance ou le RN. Il est difficile de dire ce que le parti pourrait être amené à faire, puisque le RN tend à se normaliser mais continue à présenter le risque très clair de perte de voix et que, de l’autre côté, rien ne permet d’affirmer que le parti présidentielle restera aussi puissant après le départ d’Emmanuel Macron. Les formations qui ne reposent que sur une personne sont généralement peu solides dans la durée. Il est tout à fait possible que l’ère post-Macron permette aux LR de se replacer… ou au moins qu’ils y pensent.

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