LR 2022 : Michel Barnier ou la meilleure campagne à droite ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Le candidat à la primaire de la droite, Michel Barnier.
Le candidat à la primaire de la droite, Michel Barnier.
©Pascal GUYOT / AFP

Polémique utile

Depuis le printemps, Michel Barnier fait une campagne de terrain efficace, sans se presser. Et la polémique concernant son idée d'un "moratoire de l'immigration" pourrait bien servir cette campagne.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Depuis le printemps, Michel Barnier fait une campagne de terrain efficace, sans se presser. Il suffit de suivre son compte Twitter pour voir comme il quadrille le terrain avec efficacité. Il est passé, en quelques semaines, de 7 à 11 voire 13% dans les enquêtes d’opinion. Là où Bertrand stagne autour de 16% et Valérie Pécresse n’a pas dépassé ce seuil. Personnellement, je ne serais pas étonné que, s'il y avait des primaires de la droite, Barnier en sorte gagnant. Le candidat, désormais déclaré, à l'élection présidentielle a en effet un atout face à Xavier Bertrand : il accepte le principe d'une primaire ; face à Xavier Bertrand et Valérie Pécresse : il est encore membre du parti et il en cultive systématiquement les fédérations. On remarquera aussi quelque chose qui est plus qu’une coïncidence : l’ancien négociateur du Brexit pour l’UE a déclaré sa candidature le jour où Laurent Wauquiez annonçait renoncer. Beaucoup de lièvres levés par une campagne menée avec la persévérance de la tortue de la fable.

Tiens, la campagne se réveille !

Presque personne n'avait remarqué, avant l'été, que Michel Barnier avait lancé l'idée d'un "moratoire de l'immigration" pour la France, auprès de l'UE, s'il était élu. Et puis, lorsqu'il a amené le sujet lors de l'université d'été de LR, tout d'un coup, le journal "Le Monde" s'étrangle de surprise et, avec quelques autres médias français, se fait l'écho d'une prétendue consternation à Bruxelles sur le fait que Michel Barnier serait devenu un "Frexiteur". Certains médias prennent la partie pour le tout et citent hors contexte Michel Barnier: « Nous ne pouvons pas faire tout cela sans avoir retrouvé notre souveraineté juridique, en étant menacés en permanence d'un arrêt ou d'une condamnation de la Cour de justice européenne ou de la Convention des droits de l'homme, ou d'une interprétation de notre propre institution judiciaire ». Oui, Michel Barnier a bien dit cela, mais en parlant de son moratoire de l’immigration. Il le rappelle dans un tweet, vendredi 10 septembre : « «Restons calmes ! Pour éviter toute polémique inutile et comme je l'ai toujours dit très précisément, ma proposition de 'bouclier constitutionnel' ne s'appliquera qu'à la politique migratoire». Et l’ancien négociateur européen de donner le lien à ce qu’il avait publié dans le Figaro avant l’été ! Relisons cet article : « je propose que nous garantissions le moratoire en créant un «bouclier constitutionnel». Une loi constitutionnelle garantira que les dispositions prises durant ce moratoire ne pourront être écartées par une juridiction française au motif des engagements internationaux de la France et inscrira dans le même temps les bases de notre future politique migratoire. Le général de Gaulle affirmait qu’en France, la Cour suprême, c’est le peuple. C’est pourquoi le dispositif sera soumis au référendum. Soit après un vote du Parlement, conformément à l’article 89 de la Constitution, soit directement par la voie de l’article 11. Dans ce dernier cas, le référendum sera tenu en même temps que les élections législatives.

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S’agissant de l’Europe, j’ai souvent eu l’occasion de parler de ces enjeux avec nos partenaires, qui ont les mêmes problèmes que nous. Frontex, l’agence européenne des gardes-frontières, admet que les frontières de Schengen sont une passoire: 139.000 franchissements illégaux en 2019. Il faut achever la réforme biométrique du système Eurodac, qui centralise le fichier des demandeurs d’asile, remettre à plat les accords du Touquet, faire de Frontex une véritable patrouille européenne et renforcer la lutte contre les réseaux de passeurs, notamment des mineurs non accompagnés qui déstabilisent nos services sociaux. Il faut mettre un terme à la concurrence migratoire déloyale en Europe, en harmonisant notamment les conditions du regroupement familial. Si nous prenons le temps d’écouter chacun de nos partenaires, je suis convaincu que nous obtiendrons une révision des accords de Dublin III pour une gestion commune des arrivées ».

Il est intéressant qu’une polémique naisse plusieurs semaines après la parution de l’article, tout d’un coup, à l’occasion de la reprise des propositions dans le cadre d’une rencontre politique. Michel Barnier est le premier, au sein de la galaxie LR, à susciter un vrai débat. La campagne présidentielle sortirait-elle de sa torpeur ? Michel Barnier met le doigt sur ce qui fait mal à droite depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy : celui-ci a perdu en 2012 précisément parce que sa politique de contrôle de l’immigration a été en grande partie bloquée par ce que Michel Barnier désigne : les engagements européens de la France. Est-il possible de s’en défaire ? Barnier traite la question cruciale.

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Lui-même affirme, en insider de l’Europe, que oui : pour ce faire, il s’appuie sur une note juridico-politique rédigée par un juriste français expérimenté. Nous nous la sommes procurée ; le texte est intéressant de par l’analyse du contexte politique français et européen. Il faudra, explique l’auteur de la note : « Une volonté politique résolue. Les propos de Michel Barnier n’ont pas scandalisé [c’était écrit avant l’été, notre commentaire], mais la mise en œuvre du moratoire suscitera un psychodrame en France comme en Europe. Ainsi, le bouclier anti-contentieux est nécessaire à l’effectivité du moratoire (sans lui, le moratoire serait à tout moment entravé par l’action des juges), mais il sera inévitablement dénoncé comme une sortie de l’Etat de droit ». Il faudra aussi, continue l’auteur, « l’audace diplomatique, car le moratoire entre en collision avec de multiples engagements européens et internationaux (Convention de Genève, directives européennes, Schengen, accords bilatéraux). Il faudra accompagner le moratoire de renégociations (directive retour, accords bilatéraux) et de dénonciations d’accords. Il faudra relancer les initiatives sur la frontière extérieure. Le pilier européen, s’il peut être obtenu, ne devra pas faire attendre le pilier français. Et s’il ne peut l’être, le blocage justifie l’action nationale unilatérale. Il faudra aussi assumer la désapprobation ou les sanctions des instances de l’Union et des deux cours européennes ». Enfin, l’auteur de la note avertit contre le risque de manque « d’esprit de suite » : « La révision n’est qu’un préalable. Il faudra ensuite de multiples mesures d’application législatives, réglementaires, matérielles pour rendre le moratoire effectif. Une bonne partie du CESEDA est à réaménager. Il faudra toucher à d’autres législations (nationalité, sécurité intérieure, droit pénal et administratif…) ».

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D’après nos informations, un autre juriste consulté a ajouté la précision suivante : « Il s’agit « d’adosser » cette loi constitutionnelle à la Constitution (cf. Charte de l’environnement), qui doit constituer une législation complète : entrée et séjours des étrangers, sécurité intérieure, nationalité (acquisition, conditions de la déchéance, …), dispositions administratives et pénales, … sans renvoi excessif à des lois organiques qui devront être soumises au Conseil constitutionnel et qui feront perdre de la substance et de l’efficacité aux dispositions constitutionnelles (éviter le phénomène de « déconstitutionnalisation ») ».

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On voit donc que le dossier de Michel Barnier sur un « bouclier constitutionnel » est travaillé, solide. On ajoutera qu’il est le seul des candidats de droite à avoir compris que l’enjeu prioritaire de l’élection présidentielle est de battre le président sortant. Son slogan « Respecter les Français. Faire respecter la France !» fait mouche car il désigne le double problème d’Emmanuel Macron : il prend et gouverne les Français de haut. Et, malgré ses discours grandiloquents, il a très peu obtenu au service des intérêts français – le cas de l’Europe est flagrant ! On se dit, par conséquent, que Michel Barnier fait la bonne campagne. Se pourrait-il que dans les incertitudes qui caractérisent le pays, les Français fassent le choix d’un négociateur international expérimenté, qui plus est doté d’une indéniable expérience politique, une façon professionnelle d’aborder une campagne ? Dans tous les cas, la petite bronca médiatique de ces derniers jours contre Michel Barnier ne peut que servir sa campagne.

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