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LR : la bonne nouvelle qui pourrait bien se cacher derrière la mauvaise dans les sondages sur les Européennes 2019
©Reuters

Frange d'or

Le parti dirigé par Laurent Wauquiez ne suscite guère enthousiasme à propos des élections européennes, selon un sondage IFOP pour Le Figaro, mettant en lumière la question des blocs, entre pro-européens et eurosceptiques.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Selon un sondage IFOP pour Le Figaro concernant les prochaines élections européennes de 2019, seuls 12% des Français font le choix des LR. Derrière un score très faible, ne peut-on pas voir se profiler la question des blocs, entre pro-européens et eurosceptiques ? En effet, au regard des chiffres données, le total des partis pro-européens (EELV-PS-LREM-AGIR-UDI) atteint 41.5%, et 43.5% pour les eurosceptiques (Extrême gauche - PC- FI - DLF - FN - les Patriotes - UPR), laissant ainsi l'incertitude actuelle des LR sur cette question devenir juge de paix de la "bascule" du pays dans un camp ou dans l'autre. En quoi cette question peut-elle ainsi devenir centrale pour les LR, et permettre au parti d'apparaître comme plus important que son score de 12% ne le laisse l'entendre aujourd'hui ?

Il est permis de se demander si l’élection européenne de 2019, au lieu de faire de LR un sorte de « parti charnière » faiseur de rois, ne le conduira pas surtout à avoir à gérer d’importantes tensions internes.

Vous avez raison de voir se dessiner deux blocs sensiblement d’égale valeur, divisés non sur l’Europe, entre « pro » et « antieuropéens », comme on l’écrit trop souvent, mais entre les partisans d’un renforcement de cette structure particulière qu’est l’Union européenne et ceux qui s’en défient – avec d’ailleurs une prime en intention de votes aux seconds si l’on en juge par ce sondage. Mais, comme vous le notez, et c’est un élément important, il y a quatre listes favorables à l’Union, mais sept « eurosceptiques » !

La question est centrale pour LR parce que la ligne de partage existe en son sein : on y trouve en effet des partisans de cette « Europe des nations » chère au Général de Gaulle comme les héritiers des « cabris » eurolâtres que ce dernier dénonçait avec humour.

Il faudra pourtant tenter d’exister entre, d’une part, un Emmanuel Macron qui surfe sur sa dynamique présidentielle et sa volonté d’accélérer la « construction européenne », et, d’autre part, un Front National devenu à droite la référence en matière d’opposition à l’Union européenne.

Or, pour l’instant, LR n’arrive qu’en quatrième position des intentions de vote, faisant moins de la moitié du score attendu de LREM, et se plaçant non seulement derrière le FN mais aussi derrière la France insoumise…

Dans quelle mesure Laurent Wauquiez pourrait être en mesure de capitaliser sur son ambiguïté actuelle sur la question européenne ?

On connaît la formule selon laquelle on se sort de l’ambiguïté qu’à son détriment… Elle serait sans doute exacte si Laurent Wauquiez choisissait de rallier l’une des deux options, celle du FN ou celle de LREM. On le sait, on préfère toujours l’original à la copie.

S’il veut exister et peser sur le débat de 2019, Laurent Wauquiez doit simplement faire ses propres choix, et sans doute revenir à certains fondamentaux de la doctrine gaulliste qui ont été étouffés à la suite de la création d’un parti de rassemblement avec des centristes eux clairement sur la même ligne qu’Emmanuel Macron – au grand dam d’ailleurs d’une part importante de l’électorat LR.

Il ne manque pourtant pas dans la doctrine gaulliste d’éléments qui permettraient de défendre une ligne d’adhésion critique à l’Union, sourcilleuse de défendre les intérêts de la nation tout en prônant une réelle solidarité européenne, défendant les libertés contre tout empiètement. Laurent Wauquiez aurait deux avantages à cela : d’abord, permettre à une large part de son électorat de retrouver ses fondamentaux, sans l’inquiéter par un clivage trop important ; ensuite, profiter des tensions qui sont apparues sur l’Union européenne au sein du FN lors de l’élection présidentielle, notamment sur la question de la sortie ou non de l’euro.

Cette doctrine, Laurent Wauquiez doit aussi la penser dans le cadre plus vaste d’un conservatisme européen dont les contours sont en train de se dessiner élections après élections, en allant chercher dans d’autres pays des éléments qui permettraient la création d’un groupe à même de peser de manière plus critique au Parlement européen en 2019.

Dans quelle mesure Emmanuel Macron peut-il avoir intérêt à donner des gages aux LR sur cette question européenne, afin d'éviter de voir la France devenir un large pourvoyeur de députés eurosceptiques au Parlement, ce qui le fragiliserait dans son entreprise de réforme européenne ?

Emmanuel Macron ne donnera aucun gage à un parti dont il espère bien que les élections européennes de 2019 contribueront un peu plus à le fragiliser. Car ce qu’il a en vue n’est que très secondairement le fait que la France envoie siéger dans un Parlement européen qui, rappelons-le, n’a le plus souvent qu’un pouvoir consultatif, et rarement un pouvoir décisionnel, des députés favorables à la réforme européenne qu’il souhaite.

Si réforme il doit y avoir, elle sera pilotée par la Commission et validée par le Conseil, ultérieurement par les États – et certainement pas par voie référendaire ! Deux ou trois députés français de plus ou de moins – car c’est de cela qu’il s’agirait au mieux – cela n’aurait guère d’effet, et LR n’a donc aucune monnaie d’échange. Au mieux Macron jouera-t-il sur le mode de scrutin – listes nationales ou non par exemple - pour favoriser certains partis… ou diviser plus encore certains camps

 Ce que veut Emmanuel Macron, c’est rassembler derrière lui en 2019 la force la plus large, ce à quoi l’aide la dispersion des « eurosceptiques », pour continuer d’être le plus grand mouvement politique française et que ces élections aient un effet d’entraînement sur celles qui lui semblent au moins aussi importantes, les élections municipales de 2020 – ou de vastes élections locales, régionales, départementales et municipales en 2021 s’il y avait report de ces dernières. Il aura en effet contre lui dans ces élections une droite LR autrement implantée – pour le meilleur et pour le pire d’ailleurs – que des candidats LREM, et fera donc d’ici là tout son possible pour diviser ce parti et s’adjoindre de nouveaux alliés.

C’est ce qui se passera si LR ne dessine pas rapidement un véritable projet, basé sur une doctrine cohérente, et se contente de tenter de répondre, toujours trop tard, aux coups joués par un président de  la République fin tacticien.

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