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Les stratégies d'Emmanuel Macron pour "fracturer" durablement la droite (et la gauche)
©LUDOVIC MARIN / AFP

Bonnes feuilles

Dès le soir de son élection, son arrivée, seul au pied de la pyramide du Louvre, constituait un message sans équivoque : la « verticalité » de la fonction suprême était de retour. Emmanuel Macron était le candidat 2.0 ; il serait le président un point c’est tout ! Extrait de "Macron ou la démocratie de fer" de Michaël Darmon, aux éditions de l'Archipel, 2018 (2/2).

Michaël Darmon

Michaël Darmon

Michael Darmon est journaliste, chef du service politique de Itele.

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S’il ne caresse pas d’ambition présidentielle, Édouard  Philippe ne lâche pas la politique pour autant. Le Premier ministre travaille à l’élaboration d’un parti « central » en concertation avec Alain Juppé, et ce malgré les récurrentes dénégations de l’intéressé dans la presse et sur les réseaux sociaux ; en réalité, chaque fois que Juppé dément un contact ou une initiative entre Macron et lui, c’est la confirmation qu’un pas nouveau est franchi dans leur relation. Philippe, avec d’autres, est l’agent de ces rapprochements en vue de préparer les élections européennes de 2019 et les municipales dans la foulée. En pleine conquête de LR par Laurent Wauquiez, Alain Juppé relance le débat sur l’Europe. Devenu président de sa formation, Wauquiez n’a d’autre choix que de se démarquer en se droitisant, la seule manière pour lui de maintenir la tête hors de l’eau. De leur côté, les pro-européens Arnaud Danjean, Michel Barnier et Bayrou s’activent à creuser encore plus le clivage entre une droite LR réduite aux acquêts identitaires et un pôle « constructif » élargi. Pour parachever la désorganisation à droite, Jean-Louis Borloo accepte de jouer les cautions dans les quartiers populaires lors d’un déplacement à Tourcoing et à Roubaix du président Macron. Le chef de l’État a dévoilé sur place une batterie de mesures en faveur des habitants des quartiers défavorisés, notamment sur la base d’emplois sans charges. La démarche s’inscrit à première vue dans la longue succession de plans gouvernementaux en guerre contre un fléau intact : le décrochage économique, social et culturel d’une partie du pays. L’antienne de « la République de retour dans les quartiers » est usée jusqu’à la corde. Dans ces quartiers urbains, le taux de chômage atteint 25 % de la population et peut grimper encore.

En orientant son discours sur la primauté de l’économique sur le social, Emmanuel Macron poursuit son double objectif de « libérer et protéger ». Cette fois, il s’agit d’arrêter les subsides et d’injecter de l’activité en concentrant les efforts sur les personnes et non sur les structures. Encore une fois, l’action dans les quartiers laissés pour compte constitue le réceptacle d’un choix politique. Dix ans auparavant, je couvrais la journée particulière de la « prise de guerre » de l’ouverture aux banlieues de Nicolas Sarkozy, Fadela Amara, l’ancienne militante de « Ni putes ni soumises ». C’était lors d’un Conseil des ministres délocalisé à Strasbourg. « Monsieur le président, je vous le dis très cash : maintenant il faut agir, fi ni la glandouille ! Il est hors de question qu’on continue à se la raconter sur la question des banlieues ! », déclame Amara, face à un Nicolas Sarkozy ravi et à un François Fillon outré1 .

Dix ans plus tard, le projet du président est de « fracturer » – le mot est forgé par l’un de ses proches – durablement la droite et Borloo, l’homme de la rénovation urbaine depuis Chirac et de la relance du valenciennois, l’admet en petit comité : il est conscient de jouer les faire-valoir. Emmanuel Macron lui confie une mission pour élaborer un plan de relance dans les quartiers. Borloo, qui a repris des bureaux parisiens et ses activités d’avocat d’affaires dans le même immeuble qu’à ses débuts, considère aussi qu’il a tout à gagner en officialisant sa proximité avec Emmanuel Macron. Le caractère politique de l’opération n’échappe pas à la députée européenne Rachida Dati, proche de Nicolas Sarkozy. Elle ne porte pas Borloo dans son cœur et poste des tweets au vitriol. « Borloo parie toujours sur le gagnant après la victoire ! », s’exclame l’ex-garde des Sceaux2 . Et elle poursuit sa charge : « Son bilan (avec l’Anru, Agence nationale de rénovation urbaine) : + 40 % sous le seuil de pauvreté, + 25 % de chômage, en Afrique pas une ampoule branchée ; trop fort ce Borloo1 ! »

Au-delà de la verve, Dati envoie un message à son camp, tétanisé par Macron : le travail de destruction de la droite et de la gauche continue. Le président « en même temps » quadrille un large spectre qui part de la droite sociale et va jusqu’aux libéraux.

La vie au pouvoir est un kaléidoscope ; les événements les plus divers se télescopent : le remaniement ministériel post-élections législatives, qui doit remplacer les éphémères ministres du Modem, a lieu le jour de la fête de la Musique, le 21 juin. La présidence doit trouver un autre endroit : il ne peut annoncer les ministres au milieu des orchestres qui répètent dans les jardins de l’Élysée.

"Macron ou la démocratie de fer" de Michaël Darmon, aux éditions de l'Archipel, 2018

"Macron ou la démocratie de fer" de Michaël Darmon

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