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Les réseaux sociaux deviennent de plus en plus soumis aux publicités et aux offres commerciales.
Les réseaux sociaux deviennent de plus en plus soumis aux publicités et aux offres commerciales.
©DENIS CHARLET / AFP

Tentations en ligne

Avec l'omniprésence de la publicité, des offres commerciales et des publications des influenceurs, les réseaux sociaux se transforment de plus en plus en véritables temples de la consommation.

Erwan le Nagard

Erwan le Nagard

Erwan le Nagard est spécialiste des réseaux sociaux. Il est l'auteur du livre "Twitter" publié aux éditions Pearson et, Social Media Marketer. Il intervient au CELSA pour initier les étudiants aux médias numériques et à leur utilisation.

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Atlantico : De plus en plus de réseaux sociaux permettent aux influenceurs de mettre en vente des produits divers & variés, généralement peu chers ou de piètre qualité. Certaines incorporent des systèmes propres au e-commerce tant et si bien que la presse anglo-saxonne n’hésite désormais plus à dire des plateformes qu’elles se transforment peu à peu en supermarchés. Comment peut-on analyser ce phénomène, selon vous ?

Erwan Le Nagard : Le premier point que l’on peut soulever consiste à dire, me semble-t-il, qu'il s’agit d’une évolution assez logique. Du moins… quand on se place du côté des plateformes plutôt que de celui des usagers. Et pour cause : celles-ci font désormais face à des situations de tensions multiples. La première est instaurée par les e-commerçants, qui cherchent à générer du trafic autant qu’à être proche de leur clientèle potentielle. Les réseaux sociaux, qui permettent de toucher une audience particulièrement importante, présentent un autre avantage : l’audience que l’on cherche à toucher est captive. Dès lors, il n’est pas étonnant que ces mêmes réseaux sociaux mettent en place des dispositifs ou des fonctionnalités à destinations des acteurs de e-commerces ainsi qu’à celle des influenceurs qui pratiquent le même type d’activité. Par ailleurs, il importe aussi de rappeler d’où viennent les plateformes de réseaux sociaux, sur le plan financier. Le modèle de la plupart des acteurs historiques, comme cela peut être le cas de Facebook par exemple, repose essentiellement sur la publicité et la vente d’espaces publicitaires. Pour l’essentiel des plateformes en question, c’est une part de risque qu’il convient d’éliminer. Les plateformes de social media, et c’est particulièrement vrai pour les plus récentes comme TikTok, ressentent le besoin mécanique de chercher à diversifier leur modèle d’affaires. C’est une façon de se préserver et d’être moins vulnérables face aux décisions des éventuels annonceurs.

La diversification des revenus, pour les plateformes, consiste donc à se lancer dans le e-commerce ou la mise en vente de produits ; quand bien même ce n’est pas l’expérience initialement annoncée pour l’utilisateur. Et puis, notons que dans le même temps, le e-commerce constitue un moyen de récupérer certaines des données qui, jusqu’à lors, ont toujours échappé aux plateformes. On parle ici des données d’achats, qui peuvent ensuite être mises au service des modèles publicitaires qu’utilisent d’ailleurs les annonceurs. Cela permet de mieux cibler les audiences en fonction de leur comportement d’achat.

Quelles sont les plateformes les plus concernées par ce type de transformation ?

Toutes les plateformes, me semble-t-il, sont touchées par cette transformation. Observons, ceci étant dit, l’essor fort du streaming sur les marchés asiatiques, un format reposant particulièrement sur les influenceurs et directement connectés aux plateformes de e-commerces. Ce n’est pas encore aussi marqué en Europe, mais on peut légitimement penser que cela finira par arriver.

Dans les faits, l’essentiel des plateformes social media ont intégré des éléments de e-commerce à leur mode de fonctionnement. Bien évidemment, il va de soi que cela peut prendre des formes extrêmement variées. Ce n’est pas quelque chose qui se matérialise systématiquement par la présence d’un e-shop. Dans certains cas, cela peut ressembler davantage à un bouton d’achat dans une publicité en overlay, par exemple.

Parmi les plateformes les plus en pointe, on trouve essentiellement des plateformes asiatiques comme TikTok, qui compte parmi les plus connues en France. Il faudrait aussi citer WeChat, qui est également assez emblématique. Notons d’ailleurs que WeChat compte parmi les premières plateformes à avoir diversifié son modèle d’affaires, en intégrant notamment des services de messagerie, de e-commerce. D’une façon générale, les plateformes asiatiques ont tendance à diversifier leurs activités les premières.

Faut-il se méfier de cette évolution et de cette tendance à la consumérisation à travers les médias et les réseaux sociaux ?

Une question, qu’il faudrait peut-être poser pour comprendre la façon dont évoluent les plateformes de réseaux sociaux, est la suivante : qu’est-ce qui différencie, de façon très concrète, une plateforme de e-commerce traditionnelle d’une plateforme de réseau social ? Prenons l’exemple d’Amazon, ou même de la FNAC : ce sont des plateformes qui se nourrissent des réseaux sociaux, qu’elles utilisent pour générer autant que faire se peut du trafic tout en se rapprochant de leur clientèle potentielle. Pour se rapprocher le plus possible de leur clientèle, ces entreprises ont donc tendance, aujourd’hui, à socialiser directement sur leurs propres plateformes. Il existe de plus en plus de points entre Amazon et Facebook, par exemple, qui exigent dans les deux cas des données très spécifiques de leurs utilisateurs. Force est de constater que les frontières deviennent de plus en plus poreuses. D’autant plus que la définition même d’un social media se fait sans cesse plus floue. Elle regroupe, désormais, des plateformes très diverses, du site média (comme un pure player, à Spotify, dont d’aucuns considèrent aujourd’hui qu’il s’agit d’une plateforme qui peut être utilisée pour du réseautage).

Ceci étant dit, je ne sais pas s’il faut nourrir une méfiance particulière, hormis celle que l’on peut entretenir à l’égard de la consommation et de ses travers de façon générale. Quiconque décide d’acheter, qu’il le fasse depuis une plateforme réseau social ou depuis Amazon, doit bien se poser les bonnes questions : où est-ce que j’achète (il faut être conscient du service auquel on fait appel), auprès de qui j’achète, qu’est-ce que j’achète ? Ne perdons pas de vue, en effet, que ces plateformes se nourrissent des acteurs du e-commerce autant que ceux-ci ne se nourrissent d’elles.

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